Genre : Drame, fantastique
Durée : 106’
Acteurs : Noomi Rapace, Björn Hlynur Haraldsson, Hilmir Snaer Gudnason...
Synopsis :
Maria et son mari Ingvar vivent entourés de leurs moutons dans une jolie ferme islandaise au beau milieu de nulle part. Ils découvrent un jour un mystérieux nouveau-né sur leur propriété et décident de l’élever comme leur propre enfant. Cette opportunité inattendue de fonder une famille emplit le couple de joie mais finira également par le détruire.
La critique de Julien
Quel étrange film qu’est ce drame fantastique "Lamb", venu tout droit d’Islande, lequel a reçu lors du dernier Festival de Cannes le Prix de l’originalité, lui qui y était présenté en sélection Un Certain regard. Alors qu’il représentera son pays dans la course à l’Oscar du Meilleur film en langue étrangère, ce premier film du cinéaste Valdimar Jóhannsson est une œuvre aussi hybride que l’enfant que la nature offrira ici à Maria (Noomi Rapace) et Ingvar (Hilmir Snær Guðnason)...
Inspiré par la vie à la ferme ovine des grands-parents du réalisateur, ainsi et surtout que des contes populaires islandais, "Lamb" nous emmène à la rencontre d’un couple vivant alors reclus dans leur exploitation fermière de moutons, située dans les terres reculées au nord de l’Islande. Jusqu’au jour où l’une de leur brebis gravide donnera naissance à un agneau pas comme les autres, ce qui les confrontera dès lors à un drame du passé, mais dont le poids est toujours omniprésent dans leur vie. Considéré comme une bénédiction, ces derniers s’élèveront alors comme leur propre enfant, Ada. Mais c’est bien connu : Mère Nature reprend toujours ses droits...
Tourné extérieurement avec le maximum de possibilités qu’offre la lumière naturelle, "Lamb" bénéfice tout d’abord d’un cadre majestueux, où l’humain paraît bien dérisoire face à l’immensité des paysages que filment ici Valdimar Jóhannsson et son directeur de la photographie, Éli Arenson, entourés de monts, tandis qu’une prairie y zèbre la vallée. Et cette image de la Nature pour grande que l’être humain va de pair ici avec ce que le film met en place...
Outre une scène d’ouverture filmée en caméra subjective où une entité inconnue à la respiration bruyante semble s’avancer vers une grange durant une tempête, ainsi donc qu’un cadre spatial fabuleux, "Lamb" commence comme une vie à la ferme classique, dont s’occupe ici un couple, que l’on comprendra alors progressivement habité par le chagrin, et ôté de toute passion et joie de vivre. Valdimar Jóhannsson orchestre à partir de là un drame où une tension pesante gravite, tandis qu’une fin inéluctable se profile à l’horizon. Le réalisateur nous le rappelle d’ailleurs sans cesse, face au bonheur retrouvé de ses personnages, et cela à coup de musique glaçante qui monte crescendo en même temps que la caméra est occupée à filmer de gros plans sur une nature qui semble vierge, mais pourtant menaçante, ou encore sur une ancienne peinture de bergers en train de guider leurs troupeaux. Ce plan nous a d’ailleurs rappelé le cinéma d’Ari Aster, ce qui est un très bon point pour lui !
Ésotérique, il transparaît alors de "Lamb" la perdition d’un couple en pleine culpabilité qui, malgré l’anormalité de ce qu’il va considérer comme leur enfant, trouvera en ce don du Ciel (qu’ils savent) éphémère un nouveau départ (même Péter, le frère d’Ingvar, faisant des avances sexuelles à María, ne pourra les raisonner). On en déduit dès lors du film écrit par Valdimar Jóhannsson et l’artiste poète, romancier islandais Sjon (crédité également comme coscénariste du prochain et très attendu Robert Eggers, "The Northman") une volonté de montrer d’une part comment des humains peuvent en venir à (accepter) l’inexplicable afin de retrouver un semblant de vie, de rédemption, et d’autre part l’illégitimité qu’à l’être humain de s’approprier ce qui ne lui appartient pas, et qui doit donc lui être repris par la Nature. Cependant, malgré cette double lecture très intéressante, et saisissante dans l’idée et sa fatalité, on peine à ressentir la douleur et le mal-être du couple, auquel la toujours excellente Noomi Rapace prête ses traits, et cela faute de dialogues, car réduits à leur strict minimum. Autrement dit, il faut se laisser plonger dans ce film bizarre et singulier, qui se regarde comme on lit un poème, derrière lequel on ne comprend pas le sens premier, mais qui suscite pourtant une vive émotion une fois qu’on en voit la teneur et les aboutissements, entre lyrisme fantastique et réalité humaine déconcertante.