Synopsis : 1952. Bill Rohan a 18 ans et l’avenir devant lui. Pourquoi pas avec cette jolie fille qu’il aperçoit sur son vélo depuis la rivière où il nage chaque matin ?
Cette idylle naissante est bientôt contrariée lorsqu’il est appelé pour effectuer deux années de service militaire en tant qu’instructeur dans un camp d’entraînement pour jeunes soldats anglais en partance pour la Corée.
Bill se lie d’amitié à Percy, un farceur dépourvu de principes avec lequel il complote pour tenter de faire tomber de son piédestal leur bourreau : le psychorigide Sergent Major Bradley. Tous deux parviennent néanmoins à oublier un peu l’enfermement et la discipline à l’occasion de rares sorties. Mais leur est-il encore possible d’y l’âme soeur ? (Allociné)
Acteurs : Caleb Jones, Callum Turner, Vanessa Kirby, David Thewlis, Richard E. Grant, Pat Shortt, Tamsin Egerton.
Presque trente ans après son film en partie autobiographique Hope and Glory (La Guerre à sept ans) John Boorman nous propose une "suite" aux aventures de Bill Rohan.
Dans le premier, opus, c’était le jeune Sebastian Rice-Edwards (dix ans à l’époque du tournage) qui interprétait le rôle principal (apparemment le seul qu’il a joué) depuis l’entrée en guerre le 3 septembre 1939. Boorman y voyait celle-ci à travers ses souvenirs d’enfance et c’était l’occasion également de nous proposer un regard sur la société anglaise et l’évolution de la middle class.
Queen and Country nous projette dix ans plus tard mais toujours en explorant les souvenir d’adolescence et de jeune adulte du réalisateur. Il le fera sous deux angles : la découverte des premières amours et celle de l’armée, plus particulièrement au moment où la guerre de Corée fait rage (cette guerre se déroule de juin 1950 à juillet 1953). Son héros (et donc derrière lui, John Boorman) a 18 ans, et est appelé pour un service militaire d’une durée de deux ans. Les autres personnages et événements sont autant de reflets de sa famille, de ses amis et d’événements réels, même si, pour les besoin du scénario, ils ont été adaptés (ainsi Percy a en réalité volé beaucoup d’objets durant son service et le vol de l’horloge dans le film ne correspond pas exactement à la "réalité" - ne boudons cependant pas notre plaisir pendant la reconstitution de ce vol à l’écran !).
Le film restitue bien l’ambiance des années cinquante et est bien loin d’être un film "mineur". C’est que, au-delà d’un humour cocasse et parfois irrésistible, le réalisateur s’interroge et nous interroge sur le sens de l’encadrement militaire, des règles apparemment absurdes et du formatage des jeunes consciences pour qu’elles deviennent à leur corps défendant des machines à tuer. Ce système-là est peut-être nécessaire (je suppose qu’un militaire de la base ne doit pas trop penser par lui-même et doit exécuter les ordres) mais le regard de Boorman est cruel, ironique et contestataire et également humain. Ainsi, quant au détour d’une conversation nous découvrons pourquoi le sergent major Bradley est aussi psycho-rigide, sommes-nous amenés à repenser autrement son comportement et à revoir nos propres rires et critiques de spectateur !
L’armée vue par Boorman c’est aussi l’occasion de découvrir l’apprentissage de l’amitié et de la camaraderie viriles, des plans pour faire de mauvais coups ou des sorties pour draguer les filles. Parce que c’est aussi cela : l’âge des premières rencontres que l’on espère sérieuses mais qui ne satisferont pas nécessairement la famille et les ainés ! Et le regard de Boorman sur la société anglaise, sur le rapport au Roi puis à la Reine (nous assistons au couronnement d’Elisabeth le 6 février 1952) est ironique, caustique et traité avec beaucoup d’auto-dérision, comme peuvent le faire les britanniques.
Autant dire que ce film, qui a été retenu dans la sélection de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2014 et qui surfe bien loin de Deliverance (1972) pourra nous inviter à rire mais également à penser ! Tout un programme que je ne puis que recommander en ce début d’année 2015 !