Genre : Drame
Durée : 106’
Acteurs : Louis Garrel, Camille Cottin, Ina Marija Bartaité, Alexander Kuznetsov, Naidra Ayadi, Jean Le Peltier...
Synopsis : :
Ils viennent de partout, ils ont désormais une chose en commun, ils appartiennent à l’élite de l’armée française : la Légion Étrangère, leur nouvelle famille. Le film raconte leurs histoires : celle de ces couples qui se construisent en territoire hostile, celle de ces hommes qui se battent pour la France, celle de ces femmes qui luttent pour garder leur amour bien vivant.
La critique de Julien
Second long métrage de la scénariste et réalisatrice française Rachel Lang après le coming-of-age "Baden Baden" (2016), "Mon Légionnaire" confronte le couple au milieu hostile de l’engagement à la Légion Étrangère. Se battent d’un côté ici les hommes contre un ennemi invisible, et de l’autre leurs épouses, contre l’absence de l’être cher. Considérée par les légionnaires comme l’élite de l’armée, ces derniers risquent alors leur vie pour un pays qui n’est alors pas le leur. Leur famille devient alors la Légion, et l’armée leur religion. Présenté en clôture de la Quinzaine des Réalisateurs au dernier Festival de Cannes, ce drame, n’ayant reçu de soutien de l’armée française, n’est pas né du fruit du hasard, au contraire du parcours initial de Rachel Lang...
Alors qu’elle a suivi chez nous des études à l’Institut des arts de diffusion (IAD) à Louvain-la-Neuve, Rachel Lang est tombée à 19 ans sur une annonce de recrutement qui proposait une formation initiale pour devenir soldat de réserve. De fil en aiguille, elle a exercé le métier de réserviste durant deux années, avant de quitter l’armée pour ses études. Après s’être réengagée et formée pour devenir officier, elle qui a géré pendant plusieurs années au quotidien des soldats de réserve alors affectés à différentes missions, la jeune femme s’est rapidement posé la question de ces hommes et femmes qui viennent à choisir le métier des armes. Et dès lors, le choix de la Légion Étrangère dans son film n’est pas anodin, étant donné qu’il représente l’extrême, dans le sens où il s’agit du seul endroit dans l’armée où il n’y a pas de femmes. Les bases de son scénario étaient alors définies, avec d’un côté ces soldats qui doivent renouer avec leur couple après des mois de missions, et parfois des horreurs vécues et le manque du terrain qui les habite, et de l’autre côté celles (et ceux) qui les attendent, en supportant leur absence, ainsi que la potentialité d’une mauvaise nouvelle...
Alors que le film "Beau Travail" (2000) de Claire Denis s’était déjà intéressé à la Légion, mais d’un point du vue très concret, le film de Rachel Lang se pose davantage de questions autour d’elle, et surtout ses conséquences sur le couple. La mise en scène est alors construite en regard de ce que les membres de chacun de deux couples vit au quotidien, suivant un montage alterné, où des plans, des contrastes triviaux et existentiels sont juxtaposés. Ce choix, malheureusement, déconcerte le spectateur, balancé d’un regard à l’autre, d’un endroit à l’autre, sans avoir l’opportunité, ni le temps de poser véritablement à son tour ses valises, et donc de se familiariser avec ce que les protagonistes vivent. De plus, le récit enchaîne les ellipses, passant d’une période à une autre, et parfois de quelques mois d’affilée. Dès lors, l’empathie a bien du mal à se développer. Cependant, "Mon Légionnaire" parvient à retranscrire, tel un documentaire, les questions qu’il se, qu’il nous pose envers ces individus. Enfin, sans que ces hommes et femmes ne parviennent alors à partager ce qu’ils vivent au quotidien, Rachel Lang nous montre aussi que la violence est bien présente des deux côtés du combat, les épouses devant ici notamment jouer un rôle à l’image - et pour l’image - de leur mari, de la Légion, tandis que quand les couples se retrouvent, c’est pour davantage se perdre de vue...
Même si la vision réaliste et documentée de la cinéaste est fantasmée, son film, très pudique et froid, a bien des choses à soulever, sans y apporter cependant de réponses. Ambigüe, la question de l’évolution du couple sur lequel est exercé la pression psychologique de l’armée est ici pertinente, et jamais tendancieuse, dans le sens où les sentiments ont en partie ici été vécus, et ne sont surtout jamais utilisés pour appuyer une idée, mais bien la représenter, sans juger, ni moraliser. D’un côté, le couple Maxime (Louis Garell)-Céline (Camille Cottin) avance dans le brouillard, tandis que le second, formé par Vlad (Aleksandr Kuznetsov, vu dans "Leto" de Kirill Serebrennikov)-Nika (Ina Marija, tragiquement décédée en avril dernier) s’émancipe d’un côté, pour se refermer de l’autre. Les acteurs, au service de leur composition, servent parfaitement ces couples qui se déchirent et/ou parviennent à se (re)construire autour de cette étrange vie. On ressort alors intrigué et intéressé par ce film, sans en être pour autant bouleversé. Mais voilà un second long métrage étonnant, compte tenu d’autant plus du premier, qui ne naviguait pas du tout dans les mêmes eaux, même si, à son issue, l’un des personnages y intégrait la Légion...