Genre : Action, science-fiction, fantastique
Durée : 157’
Acteurs : Angelina Jolie, Kit Harington, Richard Madden, Gemma Chan, Salma Hayek, Kumail Nanjiani, Dong-seok Ma, Brian Tyree Henry, Barry Keoghan...
Synopsis : :
Appartenant à une ancienne race d’êtres humains, les Éternels, qui peuvent manipuler l’énergie cosmique, ont été créés par les Célestes afin de protéger la Terre contre leurs homologues, les Déviants.
La critique de Julien
Vingt-sixième film de l’univers cinématographique Marvel, et ça n’est pas prêt de s’arrêter... C’est à se demander si l’on aura un jour la chance de voir, de notre vivant, la fin des aventures des superhéros Marvel... Troisième film de la phase IV du MCU après "Black Widow" et "Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux" sortis tous deux cette année, "Les Éternels" était d’autant plus attendu qu’il est réalisé par Chloé Zhao, devenue la seconde femme de l’histoire (après Kathryn Bigelow) à recevoir l’Oscar de la meilleure réalisation, pour "Nomadland", sorti plus tôt cette année, lors de la réouverture des salles de cinéma. Notre curiosité était alors élevée à son summum, impatient de voir comment la réalisatrice allait imprégner cette machine commerciale - qu’est le MCU - de son empreinte d’auteur...
Quelques mots, pour commencer, et sans spoiler. Tel que son titre l’indique, "Les Éternels" nous emmène à la rencontre d’une race extraterrestre très ancienne venue d’Olympia, liée alors aux entités cosmiques nommées les Célestes (et principalement ici à Arishem), lesquels les ont envoyés 5000 av. J.-C. sur Terre afin de protéger les humains des Déviants, mais sans intervenir dans nos propres conflits. Ayant réussi leur mission au fil des millénaires, le groupe s’est cependant séparé, étant donné des opinions différentes sur leur responsabilité vis-à-vis du peuple humain, tandis que chacun de ses membres s’est camouflé dans la foule terrienne en attendant d’être rappelé au bercail. Mais à la suite du claquement de doigts effectué sur Terre ayant fait revenir la moitié de la population de l’Univers par les Avengers, l’énergie dégagée par cette action a amorcé l’« Émergence » (dont on ne dira rien), tandis que des Déviants viennent de réapparaître sur Terre. Dès lors, les Éternels n’auront d’autre choix que de se rassembler à nouveau...
Épopée super-héroïque étalée sur plusieurs millénaires, "Les Éternels" avait alors la lourde tâche d’introduire une dizaine de nouveaux personnages, ainsi que de nous servir le plat, et le dessert les concernant, et tout cela sur ses plus de deux heures et trente minutes. Si chacun d’eux n’a pas le droit au même traitement, force est de constater que le scénario, écrit à huit mains (dont celles de Chloé Zhao, elle qui se serait vue accordée une grande liberté de création sur le film), permet de soulever les enjeux personnels de certains d’entre eux, et de comprendre en quoi ils ont trouvé la foi en l’Humanité. Certes, l’équilibre parfait n’existe pas, et quelques-uns des nouveaux personnages passent plus sous la trappe que d’autres, mais ces derniers auront sans doute leur tour, à un moment ou à un autre. Mais ces Éternels-là ont déjà bien de la chance d’exister... Mais dans l’absolu, le film met en place tellement d’arcs narratifs différents autour de ses personnages que plusieurs films auraient pu être nécessaires pour en saisir leurs finalités, elles qui ne sont d’ailleurs jamais ici atteintes. Qu’importe, le film de Zhao parvient à aboutir au principal, lui qui est donc pleinement une œuvre humaniste, qui montre que même si l’humain mérite d’être jugé pour ce qu’il est, ce dernier mérite d’autant plus d’être pardonné, et de vivre, étant donné ses capacités d’adaptation, de conscience, et d’aimer, en plus d’être maître de ses souvenirs, et de son libre arbitre, au contraire des Éternels. De plus, cet épisode tant attendu place le thème de la famille comme un point d’orgue, étant donné que ces derniers se considèrent comme une famille.
On reconnaît aussi d’emblée la patte de la réalisatrice tout au long du métrage, tel que son amour pour les grands horizons et les couchers de soleil, et cela même si elle n’est pas assignée à la photographie. Mais si cette histoire intéresse tant son metteur en scène, c’est sans aucun doute pour la grande introspection familiale dont il est question, autour d’êtres dont la mission était jusque-là prédéfinie, avant d’être remise en question. Car au risque de perdre de nombreux spectateurs, "Les Éternels" est un film de superhéros qui offre, pour la première fois, moins d’action que de dialogues. Mais le dosage est pourtant assez bien travaillé, ou en tout cas pour celui qui plongera pleinement dans cette soupe cosmique, tandis que la mise en scène bénéficie de décors, de costumes, de couleurs, d’un univers propre aux entités venues d’ailleurs que sont les Éternels. La direction artistique est dès lors à ce point unique qu’elle permet de perpétuer la magie du spectacle qu’est capable de nous offrir le MCU, mais sans doute ici avec plus de naturel, de simplicité. Et même si la recette reste intacte, la cinéaste parvient donc à l’imprégner d’un semblant de personnalité, d’humanité, dont il est tant question ici.
Ambitieux, "Les Éternels" n’en demeure pas moins assez stérile en termes d’émotion - qu’il convoitait tant - et surtout d’humour, qui ne va pas de pair avec le cinéma de sa réalisatrice. Cependant, le film, dans sa quête de détachement avec ce qui a déjà été proposé, et novatrice, présente pour la première fois une semi-scène de sexe, un superhéros muet, ainsi qu’un autre gay, tandis qu’il y est également question du premier baiser entre deux personnes de même sexe. À cet égard, le film s’est vu interdit de sortie en Arabie Saoudite, au Koweït et au Qatar, Disney n’ayant manifestement pas cédé aux demandes des censeurs locaux. Même si c’est donc par petites touches, l’univers Marvel se modernise et se normalise donc quelque peu, en y incluant les minorités, tout en comptant un casting hétéroclite et culturellement diversifié.
Visuellement, "Les Éternels" est une œuvre à part entière dans le MCU, qui nous rappelle les premiers pas des "Gardiens de la Galaxie". Même si l’action est plus terre-à-terre, celle-ci n’est en rien entachée par ses effets spéciaux, particulièrement lisibles, même si moins impressionnants dans ses quelques scènes de combats clef qu’en cours d’intrigue. Ayant chacun un pouvoir particulier, les Éternels s’illustrent alors face aux Déviants, lesquels ont également droit ici à leur discours, en tant qu’homologues extraterrestres. Et finalement, ce vingt-sixième film de l’univers Marvel est peut-être une bonne occasion pour les néophytes de s’y greffer, étant donné qu’on y découvre un nouveau panel de personnages et qu’on y écrit les prémisses du futur du MCU, à moins de faire demi-tour devant la durée du métrage, qui pourra paraître interminable pour certains. On se demande d’ailleurs une fois de plus où sont les Avengers durant les événements contés dans ce film. En effet, leur absence n’est en soi pas crédible...
Film-tampon, étant donné que ces superhéros reviendront, "Les Éternels" se devait enfin d’offrir une destinée nouvelle au MCU, ou en tout cas de présenter de nouveaux enjeux capables de tenir en haleine ses fans. Et c’est d’autant plus réussi ici que les deux scènes post-générique que le film nous offre vont pleinement jouer un grand rôle dans le futur des Avengers et compagnie. En tout cas, on ressort tout excité de la séance, partagé (ou non) par ce que l’on vient de voir, mais surtout impatient d’en découvrir les ouvertures, et conséquences. On ne remerciera jamais autant Chloé Zhao de s’être prêtée au jeu face à ce mastodonte, elle qui s’en sort avec les honneurs.