Genre : Drame
Durée : 106’
Acteurs : Noémie Merlant, Makita Samba, Jehnny Beth, Lucie Zhang...
Synopsis : :
Paris 13e, quartier des Olympiades. Emilie rencontre Camille qui est attiré par Nora qui elle-même croise le chemin de Amber. Trois filles et un garçon. Ils sont amis, parfois amants, souvent les deux.
La critique de Julien
Voilà un film qui s’apparente à un coup de cœur instantané. "Les Olympiades", c’est la nouvelle réalisation de Jacques Audiard qui, après le western ambitieux avec "Les Frères Sisters", adapte librement la série de bandes dessinées "Les Intrus" de l’américain Adrian Tomine, aidé au scénario par Léa Mysius (réalisatrice de l’inédit "Ava") et surtout par Céline Sciamma ("Jeune Maman", "Portrait de la Jeune Fille en Feu"). Tourné pendant le confinement dans le 13e arrondissement de Paris, et principalement dans le quartier donnant son nom au film, "Les Olympiades" met en scène quatre trentenaires pour trois rencontres. Émilie aime Camille, qui est attiré par Nora, qui elle-même croise le chemin d’Amber. Mais Audiard filme également un cinquième personnage à part entière, à savoir un Paris graphique, en noir et blanc, où y vivent, se croisent et s’aiment ses personnages...
Charmant, sensuel, pluriel, actuel, "Les Olympiades" nous invite à croiser le destin d’un homme et de femmes en pleine crise de vocation et/ou en quête de soi, aussi bien professionnelle que sexuelle, lesquels vont faire l’expérience de la désillusion, pour alors mieux se retrouver et ouvrir les yeux sur qui ils sont vraiment, ce dont ils ont vraiment besoin, et ce qu’ils aiment. Tourné dans le quartier exotique, vivant, socialement et culturellement mixte des Olympiades, ce métrage est une ode à la trentaine déboussolée par ses premières convictions et expériences, ainsi que par son existence sociale préétablie, à l’heure où il faut rebondir et changer de philosophie, pour progresser dans la vie, en phase avec soi-même.
Situé à l’opposé de son précédent film, Audiard, met ici en place une histoire urbaine, dans un espace géographique limité, sans couleur, et peu d’action, mais sans pour autant désabuser le spectateur par ses choix, au contraire du personnage de Makita Samba (Camille), autour duquel va se concentrer cette histoire, et permettre plusieurs roulements de rencontres. Alors qu’on a pu le voir dans quelques séries télévisées, nul doute qu’on reverra très prochainement le visage de cet acteur au cinéma. En effet, ce dernier dégage quelque chose de puissant, de charnel, ici en jeune prof célibataire de 30 ans, un peu vif et espiègle, pas très sympa, lequel devra descendre de son piédestal et arrêter de s’écouter afin de déconstruire l’image qu’il a de lui-même, tout en ayant besoin de quelqu’un d’autre pour le faire. Jeu de masques, "Les Olympiades" permet ainsi à ses personnages de se révéler à eux-mêmes, souvent par la douleur. Ainsi, Nora (Noémie Merlant) reprend des études à Paris-Tolbiac après un passé familial douloureux, elle qui se croit ennuyeuse alors qu’elle n’est que mal à l’aise, tandis qu’Émilie (Lucie Zhang), diplômée, mais en proie aux attentes familiales, choisit de se laisser porter d’un petit job à l’autre, en réponse par la provocation. Enfin, Amber Sweet (Jehnny Beth), ancienne porn-star, est une cam-girl qui va, pour la première fois, se révéler à quelqu’un d’autre... Et autant dire que la directrice de casting, Christel Baras, et le metteur en scène ont fait ici un merveilleux travail, étant donné la complémentarité qui lie ces personnages, joués avec authenticité et dévouement par ce casting, lequel n’a pas eu peur non plus des nombreuses scènes de sexe. Car ici, les corps parlent autant que les mots, même si ça parle beaucoup.
Jamais long, ni barbant, ce film dialogué bénéficie d’un montage serré, d’une justesse de ton, d’un aspect graphique monochrome sous lequel on devine ses vraies couleurs de vie, ainsi que d’une bande-originale électrique, voire organique, signée Rone, laquelle a remporté le Prix Cannes Soundtrack 2021, là où le film a été présenté en Sélection officielle en compétition. On plonge, volontairement dans le quotidien de ces jeunes adultes d’aujourd’hui, que Jacques Audiard filme avec une vraie sincérité et luminosité, ce qui est assez étrange à ressentir pour un film en noir et blanc. Pourtant, "Les Olympiades" transpire de vie, de soif d’amour et de réalisation de soi.
Maintenant, au regard de la filmographie de son auteur, on est à même de se demander quel souvenir laissera "Les Olympiades" au spectateur. Car, finalement, ce film, outre sa mise en scène, ne prend pas beaucoup de risque, et n’est qu’une énième immersion dans le quotidien d’une jeunesse contemporaine, soumise à ses tumultes divers, obligée alors de composer avec elle-même, face à ses émotions, ses désirs, ses peurs, ses frustrations, afin d’avancer... Mais cette question est vite effacée par l’harmonie qui se dégage de l’ensemble, d’un tout rendu possible par le talent de son réalisateur, lequel a alors entendu parler un beau jour de l’œuvre d’Adrian Tomine, avant de se l’approprier, et de la réaliser. Preuve que la vie ne se vit pas seule, et que la rencontre avec autrui est déterminante pour ses tournants.