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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Xavier Giannoli
Illusions Perdues
Sortie du film le 20 octobre 2021
Article mis en ligne le 26 octobre 2021

par Julien Brnl

Genre : Drame, film historique

Durée : 149’

Acteurs : Benjamin Voisin, Cécile de France, Vincent Lacoste, Gérard Depardieu, Xavier Dolan, Jeanne Balibar, André Marcon...

Synopsis :
Lucien est un jeune poète inconnu dans la France du XIXème siècle. Il a de grandes espérances et veut se forger un destin. Il quitte l’imprimerie familiale de sa province natale pour tenter sa chance à Paris, au bras de sa protectrice. Bientôt livré à lui-même dans la ville fabuleuse, le jeune homme va découvrir les coulisses d’un monde voué à la loi du profit et des faux-semblants. Une comédie humaine où tout s’achète et se vend, la littérature comme la presse, la politique comme les sentiments, les réputations comme les âmes. Il va aimer, il va souffrir, et survivre à ses illusions.

La critique de Julien

Au rayon des adaptations cinématographiques réussies et ambitieuses de la littérature par le cinéma français, on citera dorénavant "Illusions Perdues", le nouveau film de Xavier Gionnoli, inspiré du roman homonyme d’Honoré de Balzac, publié en trois parties, entre 1837 et 1843, et plus concrète ici de la seconde partie du roman, "Un Grand homme de Province à Paris", qui narre ainsi l’ascension et la déchéance du jeune poète provincial idéaliste Lucien de Rubempré, qui, faute de pouvoir devenir écrivain, va se lancer, à charge de revanche, et à la façon d’un marchand de phrases, dans la presse commerciale plutôt de d’opinion, loin de l’art et de la gloire littéraire, bafouant dès lors son œuvre, lui qui aspirait à mieux...

Loin de vouloir se limiter à mettre en scène académiquement les images de l’œuvre de Balzac, le cinéaste s’est laissé bercer ici par la musique, abordant ainsi une façon originale d’adaptation, et selon lui nécessaire pour sentir, aborder les innombrables harmonies qui nouent ce roman, ses nombreux personnages, ses tons narratifs (etc.), tout en mettant en relation notre époque avec celle de Balzac, et son récit. Car "Illusions Perdues" bénéficie d’une double remise au goût du jour, et cela d’une part au regard des dessous de cette histoire où l’appât du gain et faux-semblants font partie intégrante, et d’autre part au niveau de sa mise en scène, très moderne, soutenue, et flamboyante, en parallèle d’une reconstitution assez époustouflante du Paris de la Restauration. "Illusions Perdues" restitue ainsi à la fois un sentiment d’époque de manière précise, et sensuelle, ainsi qu’un style de vie particulier, une sorte de comédie humaine, déchirée entre le royalisme (et ses pouvoirs) et la quête de libéralisme des consciences et des institutions, et cela en plongeant le spectateur dans le monde du Paris du XIXème siècle. On ne serait d’ailleurs pas étonné - à juste titre - de retrouver l’ensemble de l’équipe technique du film (et pas que) nommée dans quelques mois pour certains César du cinéma...

Débarquant d’Angoulême plein d’illusions, le jeune Lucien (joué par la révélation Benjamin Voisin, obtenant là son premier grand rôle principal) va ainsi gâcher ses belles aspirations. Pris sous son aile par Étienne Lousteau (interprété par Vincent Lacoste), le rédacteur d’un petit journal, ayant lui-même abandonné ses ambitions et idéaux, Lucien et son mentor vont alors redéfinir une forme d’état d’esprit, désireuse d’assassiner autrui par écrit, et d’y prendre un plaisir coupable de critique sombre et solitaire, tel un duel face à un absent blessé à distance d’un trait de plume, ce qui leur rapportera, évidemment, gros. Et Xavier Giannoli, qui signe le scénario accompagné à l’adaptation et aux dialogues de Jacques Fieschi, lesquels travaillent ensemble ici pour la troisième fois, semble particulièrement inspiré par le thème de l’innocence perdue, et du gâchis de sa personne, auxquels sera confronté l’anti-héros de cette histoire, face à de nombreux personnages secondaires importants, tandis que certains sont le résultat d’un condensé efficace d’autres personnages volontairement non-cités dans le film, mais bien présents dans l’œuvre de Balzac.

Raconté par la voix-off reconnaissable de Xavier Dolan, lequel joue ici le personnage de Nathan, soit un écrivain situé à l’antithèse de Lousteau, à l’esprit assez élevé et plaçant l’art au-dessus des différences politiques, "Illusions Perdues" nous montre aussi les coulisses des deux mondes au travers desquels Lucien ne trouvera pas sa place, avec d’un côté celui du journalisme à scandale malhonnête, oisif de création, fait de petits trafics et d’arrangements, et de l’autre la haute bourgeoisie, où le paraître est maître, laquelle tendra à Lucien ses bras afin qu’il puisse s’acheter un nom, un titre de noblesse, qu’il convoite tant, et bien plus sans doute que la réussite aveugle, naïve, car éphémère...

Passionnant à suivre, car notamment habité, le film de Xavier Giannoli n’en demeure pas moins sans surprise dans le développement de son histoire ; la chute étant attendue. C’est donc bien plus pour la forme, le fond et l’esprit que cette libre adaptation mérite le déplacement, tandis que se dresse devant nos yeux un univers parfaitement revisité. Aussi, le casting, assez impressionnant, permet de faire exister également le récit au-delà de ses lignes d’écriture. On citera, par exemple, la présence de notre pétillante compatriote Salomé Dewaels, dans la peau d’une courtisane de haut qui va, malgré elle, avoir un coup de foudre pour Lucien, et en goûter les conséquences. Cécile de France, aussi, tire son épingle du jeu, dans le rôle complexe d’une reine de la société d’Angoulême, s’étant également éprise du jeune poète, tandis que même le personnage méprisant de Vincent Lacoste (Lousteau) offre une critique perturbante du journalisme. Sans parler du rôle principal porté par l’éblouissant Benjamin Voisin, et son sourire enchanteur. Bref, le film nous gâte de rôles très intéressants, lesquels ont chacun leur place dans ce film de deux heures et trente minutes, tout de même, mais dans lequel on plonge à corps perdu.



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