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Edgar Wright
Last Night in Soho
Sortie du film le 27 octobre 2021
Article mis en ligne le 28 octobre 2021

par Julien Brnl

Genre : Horreur, thriller

Durée : 116’

Acteurs : Anya Taylor-Joy, Thomasin McKenzie, Diana Rigg, Terence Stamp, Matt Smith, Rita Tushingham, Lisa McGrillis...

Synopsis :
Une jeune fille, passionnée par la mode, parvient mystérieusement à voyager dans les années 1960 où elle rencontre son idole, une éblouissante chanteuse en devenir. Mais le Londres des années 60 cache de lourds secrets, et le temps semble se désagréger avec de lourdes conséquences...

La critique de Julien

Présenté hors compétition à la Mostra de Venise 2021, "Last Night in Soho" est la nouvelle réalisation tant attendue d’Edgar Wright ("Baby Driver"), elle qui devait initialement sortir aux États-Unis en septembre 2020, avant d’être inlassablement repoussée pour les raisons que nous connaissons tous. Et il l’avait évoqué dès la mise en chantier de son projet : son prochain film serait un film d’horreur psychologique dans la lignée de "Ne vous retournez pas" (1973, Nicolas Roeg) et de "Répulsion" (1965, Roman Polanski), mêlé également à un voyage dans le temps. Et il n’a pas eu tort, car "Last Night in Soho" est bien cela, et plus encore, même s’il joue à moitié bien son jeu...

La jeune néo-zélandaise Thomasin McKenzie (vue dans "Jojo Rabbit" de Taika Waititi) offre ici ses traits à Éloïse, une demoiselle passionnée de mode et des années sixties, qui vit seule avec sa grand-mère, depuis la disparition de sa mère, qui était malade mentale, elle qui voyait des choses... Alors qu’elle ne jure que par les robes d’Audrey Hepburn et écoute du Petula Clark en boucle, Éloïse s’apprête à quitter la campagne pour la capitale anglaise, afin d’y suivre des études de stylisme. Très vite, la jeune fille y fera les frais de moqueries diverses (pas très sympa la coloc), étant donné ses différences, notamment vestimentaires. Puis viendra le temps des jalousies, étant donné son talent indéniable, qui dérangera, d’autant plus que celui-ci ne fera que croître, étant donné une source soudaine d’inspirations, en la personne (?) de Sandie. Tandis qu’elle loge maintenant dans une chambre mansardée située dans les appartements de Mme Collins (Diana "Emma Peel" Rigg, dont c’est la dernière apparition à l’écran), Éloïse se retrouvera alors mystérieusement propulsée au travers de ses rêves dans les années 1960, où elle revivra par une étrange sensation de connexion métaphysique le parcours de cette éblouissante et jeune chanteuse en devenir, interprétée par Anya Taylor-Joy (Golden Globe de la meilleure actrice pour la mini-série "Le Jeu de la dame", sortie sur Netlifx). Sans comprendre ce qui lui arrive, la jeune créatrice mode va revivre indirectement le parcours de Sandie, et découvrir que cette dernière, qui cherchait à son tour à réaliser son rêve, a dû commencer en bas de l’échelle… Les rêves d’Éloïse se transformeront alors en de véritables cauchemars, auxquels elle ne parviendra plus à échapper, au regard de ce qu’a vécu sa nouvelle idole…

Situé à la croisée des genres, entre le thriller, l’horreur et le fantastique, "Last Night in Soho" est également un film très musical, étant donné une bande-originale soignée, et forcément très sixties, elle qui accompagne alors tous les pas de la jeune héroïne, de là à devenir envahissante. À force, la musique du film dessert fortement l’angoisse et la peur qu’on est censés ressentir par empathie envers le personnage principal, et vis-à-vis des péripéties de plus en plus sombres qu’il traversera. Autrement dit, si vous êtes venus chercher ici des frissons, alors passez votre chemin, car si ces derniers sont bien présents, ils ne sont pas ressentis de la manière à laquelle vous les attendiez. Et puis, trop de musique, tue la musique… À contrario, le film d’Edgar Wright met en scène la nostalgie d’une époque révolue, tout en nous en révélant une autre facette, loin de celle qu’on imaginait, ou plutôt de celle qu’Éloïse imaginait. Car c’est bien au travers ici de la déconstruction de l’interprétation fantasmée - mais erronée - de la vie londonienne à Soho dans les années 60 par l’héroïne que le film fait froid dans le dos, lui qui, au travers du parcours de Sandie, créé également un pont temporel avec l’actualité, sans rien en révéler. Enfin, par ce voyage abstrait dans le temps, il est également question pour le personnage de Thomasin McKenzie de revivre des douleurs du passé, qui vont ainsi remonter à la surface, lesquelles seront alors exorcisées.

Tandis qu’on soupçonnera un temps pourquoi Éloïse subira la vie de Sandie, Edgar Wright et sa coscénariste Krysty Wilson-Cairns ("1917") décident cependant de faire basculer leur récit dans le dernier tiers, que les deux premiers nous avaient alors bien dissimulés, mais sans véritablement réussir à marquer le coup, étant donné quelques incohérences dans son final grandiloquent, de laquelle il ressort par la même occasion une morale incomplète sur les conséquences d’être une victime, et surtout un trop-plein de style.

Personnage à part entière, cette somptueuse et flamboyante reconstitution des nuits londoniennes éclairées aux néons offre une part de glamour à cette mystérieuse intrigue avant d’évoluer en un spectacle plus rude, et malsain. Mais lorsque le danger s’invite au travers des rêves d’Éloïse, et que ceux-ci semblent exercer une pression et une menace de plus en plus présentes dans son quotidien, la ville, elle, se transforme en un quelconque théâtre d’époque et d’ombres tourmentées. Car si le réalisateur filme cette ville de la sorte, c’est pour mieux détruire le mythe de l’idéalisation, et gratter ainsi sous son vernis, nous montrant à quel point il peut être dangereux de romancer ici le passé, mais nécessaire aussi d’en révéler et d’en punir les injustices. Mais à Soho, ou ailleurs, les atrocités que le film met en scène existaient déjà partout, et surtout dans les milieux ici filmés.

Même s’il n’a pas répondu à toutes nos attentes, "Last Night in Soho" est un film qui propose quelque chose d’audacieux, profitant, d’une part, du jeu de ses deux actrices principales et, d’autre part, d’un emballage ô combien flamboyant, soigné, servant alors une intrigue ténébreuse et plus profonde qu’il n’y paraît, elle qui voyage dans le temps, et dont les échos et apparitions fantomatiques résonnent dans l’actualité...



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