Synopsis : Dune, retrace l’histoire d’Arrakis, une planète de sable, occupée par les Fremen, peuple nomade et autochtone. Oubliée, cette planète devient objet de toutes les convoitises quand on y découvre que l’épice - une drogue produite par les vers de sable - permet de courber le temps et de faciliter les voyages spatiaux.
La maison Atréides en reçoit le contrôle de la main de l’empereur galactique Shaddam IV, au détriment de la maison Harkonnen qui la gérait de façon autoritaire et cruelle.
Cette décision - un piège orchestré par l’Empereur et les Harkonnen - accentue l’antagonisme existant entre ces deux grandes familles de l’Empire et va précipiter le chaos, d’autant plus que Paul, héritier des Atréides, pourrait bien être le messie attendu par les Fremen, pour les délivrer de toute emprise.
Casting : Timothée Chalamet (Paul Atréides), Rebecca Ferguson (Lady Jessica), Oscar Isaac (Leto Atréides), Stellan Skarsgard (baron Vladimir Harkonnen), Charlotte Rampling (Gaius Helen Mohiam, membre honorable Bene Gesserit), Josh Brolin (Gurney Halleck), Jason Momoa (Duncan Idaho), Javier Bardem (Stilgar), Zendaya (Chani)
Points particuliers :
- C’est la 3ème adaptation du roman « Dune » de Frank Herbert, publié en 1965.
- Il y a eu le film de David Lynch en 1984, la mini-série (en 3 épisodes) en 2000 de John Harrison, sans compter la tentative avortée d’Alejandro Jodorowsky dans les années 70.
- Denis Villeneuve a choisi d’adapter « Dune » en un dyptique. « Dune » est l’adaptation de la première partie du roman.
- Le film a été présenté en avant-première mondiale à la Mostra de Venise, puis au BRIFF (Brussels International Film Festival) en septembre 2021.
C’est peu de dire que Denis Villeneuve était attendu au tournant avec cette adaptation d’un roman réputé inadaptable sur grand écran !
David Lynch himself, en 1984, ne s’y était-il pas cassé les dents - quoique la violence des critiques à l’égard de son space-opéra baroque était quelque peu disproportionnée ; si son film n’était pas La réussite attendue, il n’était pas non plus à jeter avec le sable de Dune - Alejandro Jodorowsky n’avait-il pas jeté l’éponge, un peu plus tôt dans les années 70, lâché par les studios hollywoodiens effrayés autant par l’ambition de son projet - pour lequel il comptait réunir au casting Salvador Dali, Orson Wells, Mick Jagger et le groupe Pink Floyd ! - que par la personnalité du réalisateur chilien ?
Denis Villeneuve s’est donc lancé, comme il dit lui-même, le plus grand défi de sa vie, en adaptant son rêve d’adolescent.
Si le talent du scénariste et réalisateur canadien n’est plus à démontrer - rien que son adaptation magistrale d’Incendies, la pièce de théâtre de Wajdi Mouawad suffit à faire taire les sceptiques, sauf que ce scénariste et réalisateur résolument doué a aussi « commis » d’autres merveilles comme Prisoners ou encore Sicario - il avait aussi pour bagages d’arriver auréolé de son incursion réussie dans l’univers SF, grâce à Premier contact et surtout Blade Runner 2049, suite - 35 ans après - du chef-d’oeuvre et film culte de Ridley Scott.
La puissance du roman « Dune »
Publié en 1965, dans une Amérique en pleine ébullition - marches de Selma à Montgomery pour les droits civiques, engagement massif au Vietnam où les Boys vont s’embourber, émergence du mouvement hippie - le roman Dune de Frank Herbert n’a jamais été aussi actuel et presque prémonitoire.
L’omniprésence de la nature, à une époque où l’écologie n’était pas vraiment une préoccupation, et qui a fait de cette fable écologique un classique de la science-fiction, nous confronte aux enjeux climatiques contemporains.
Ce n’est peut-être pas anodin, d’ailleurs, si le véhicule volant dans « Dune », l’« ornithoptère », évoque le colibri, renvoyant à la légende de cet oiseau minuscule : « chacun fait sa part ».
L’épice comme source d’énergie fait penser au pétrole, la chaleur exceptionnelle qui règne sur Arrakis nous renvoie au réchauffement de la planète, et la gestion de l’eau par les Fremen nous rappelle combien cette ressource est - ou doit devenir - une priorité internationale majeure.
Les thèmes de la philosophie politique, les organisations religieuses, la figure du Messie, sans oublier la place des femmes (pour les Bene Gesserit, l’héritier mâle ne vaut pas un grain de sable) sont autant d’échos à nos interrogations du 21ème siècle.
Enfin, si la guerre du Vietnam était la toile de fond du roman d’Herbert, comment ne pas penser aujourd’hui à l’Afghanistan, où se sont, encore une fois, embourbés les Américains ?
Une déclaration d’amour au cinéma et un « Star Wars » pour adultes
C’est ce que souhaitait Denis Villeneuve et il le déclame magnifiquement, maîtrisant tous les codes et multipliant les références.
Le baron Harkonnen - Stellan Skarsgard aussi hypnotique et terrifiant qu’un reptile - renvoie au colonel Kurtz incarné par Marlon Brando dans Apocalypse Now, les costumes impériaux, les troupes des Harkonnen, l’espace interstellaire nous replongent immédiatement dans Star Wars.
Le gros plan sur la bouche du ver de sable nous ramène au gouffre de Carkoon et au Sarlacc, mais là où Luke Skywalker combattait un monstre, la créature que contemple Paul Atréides nous apparaît fascinante, presque attachante, comme Denis Villeneuve l’avait filmée dans Premier contact.
Au delà des thèmes et des références, c’est toute la maîtrise alternée entre plans contemplatifs, scènes oniriques et scènes d’action qui fait la puissance de ce Dune. Des scènes inventives, mais sans esbroufe, et ultra efficaces.
Lumineux et mélancolique à la fois, le film est porté par ses acteurs, Timothée Chalamet en tête. Il prête ainsi son physique frêle, délicat, à la fragilité mêlée de force insoupçonnée de Paul Atréides en pleine quête d’identité. Rebecca Ferguson en mère consciente du fardeau qu’elle place sur les épaules de son fils, est impressionnante. Le reste du casting est de la même qualité.