Genre : Comédie, espionnage, aventure
Durée : 116’
Acteurs : Jean Dujardin, Pierre Niney, Fatou N’Diaye, Wladimir Yordanoff, Ricky Tribord
Synopsis :
1981. Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS 117, est de retour. Pour cette nouvelle mission, plus délicate, plus périlleuse et plus torride que jamais, il est contraint de faire équipe avec un jeune collègue, le prometteur OSS 1001.
La critique de Julien
Douze années se sont écoulées depuis qu’on a quitté Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS 117, à Rio ("ne réponds plus") de Janeiro, et trois années plus tôt encore, au Caire ("nid d’espions), soit après deux adaptations et pastiches librement inspirés du célèbre personnage des romans de Jean Bruce, signés Michel Hazanavicus. Toujours produit par les frères Altmayer et scénarisé par Jean-François Halin, lequel a réinventé le personnage en lui injectant du second degré et des répliques dont seul lui a le secret, "OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique Noire" est cette fois-ci réalisé par Nicolas Bedos, fervent défenseur de la liberté d’expression, et du genre romanesque. Or, les aventures de cet espion, totalement dépassé par son époque, n’en manquent pas. Car autant le dire : si la société a bien évolué, Hubert, est resté à quai !
Transgressif, impertinent, mais sincère dans sa démarche, "Alerte Rouge en Afrique Noire" est à l’image de son titre : irrésistiblement méprisant ! Ce dernier résume d’ailleurs assez bien la nouvelle mission - urgente - à laquelle va être indirectement assigné le pire des espions, en "Afrique" (comme si tous les pays de cet immense contient se valaient !), à l’aube des élections, en 1981, et de la montée au pouvoir du communisme. En effet, Serge, alias OSS 1001 (Pierre Niney), un tout jeune et bel agent - très moderne - et donc bien différent d’Hubert, a disparu, alors qu’il était chargé de mater des rebelles communistes en Afrique de l’Ouest, souhaitant renverser un dictateur et grand ami de l’Elysée au pouvoir, et, par ricochet, les intérêts de la France. Chargé de le retrouver, sous le nom de couverture Émile Cousin, en tant qu’homme d’affaires, OSS 117 embarquera avec lui son célèbre franc parlé, son arrogance démesurée, son chavisme, son conservatisme, sa vison datée du monde qui l’entoure, sa misogynie, sa suffisance, ainsi que son ignorance de la sexualité féminine, lui qui verra d’ailleurs son aura sexuelle vaciller. Sans oublier son rire idiot si particulier ! Bref, "on" n’est pas sorti d’affaire !
Et si Nicolas Bedos était le parfait successeur à la réalisation des aventures de OSS 117 ? On se pose sérieusement la question, étant donné la réussite que représente cette suite, laquelle ose pointer son nez bien plus tard que ses prédécesseurs, tout en étant conscient des dangers que cela représente à son égard, notamment envers l’image qu’elle pourrait renvoyer, et d’autant plus quand on sait par qui elle est dirigée. Pourtant, "Alerte Rouge en Afrique Noire" profite du talent de Nicolas Bedos et de sa vision du personnage, de l’écriture sans filtre de Jean-François Halin, ainsi que de l’interprétation sans faille de Jean Dujardin.
Politiquement incorrecte, cette comédie d’espionnage nage volontairement en terrain inconnu afin de confronter son anti-héros des temps anciens à ses limites d’espion daté, persuadé que la technologie n’aide en rien, lui que se demande tout de même toutes les minutes pourquoi la nouvelle recrue possède tel ou tel gadget, et pas lui. D’ailleurs, c’est bien Serge, le personnage incarné par Pierre Niney, qui mène tambour-battant cette enquête, alors que Hubert, lui, donne la sensation de réfléchir, d’être planifié, d’anticiper, alors qu’il n’en est rien. En retard sur l’information, ce dernier est bien plus occupé à assouvir sa virilité, alors dépassée, et éteinte ! Jouant à fond la carte de l’impuissance sexuelle d’Hubert, ce troisième opus amuse dans l’image qu’il renvoie de cette gloire masculine qui se voit basculer. Aussi, le film de Nicolas Bedos embarrasse, et cela à de très nombreuses reprises, étant donné le langage inepte d’Hubert Bonisseur de La Bath, aveuglément raciste, dans le sens où il l’ignore en tant que tel, lui qui ne parvient pas à peser ses mots, et s’enfonce d’autant plus lorsqu’il se rend contre qu’il est allé trop loin, ou a dit quelque chose qu’il ne fallait pas. Savoureusement offensant, "Alerte Rouge en Afrique Noire" n’y va pas donc pas de main morte, loin de la finesse des films de Michel Hazanavicus, ce qu’on paraît d’ailleurs lui reprocher, à force de toujours surfer sur le même humour. De plus, le scénario installe bien trop vite ses enjeux, impatient de livrer sa comédie d’espionnage à l’ancienne, tandis que le dernier tiers, lui, ne tient malheureusement pas ses promesses, et semble rebrousser chemin vis-à-vis du travail accomplit dans tous les sens du terme par son protagoniste. Nul doute qu’une suite verra sans doute le jour...
Alors qu’il se déroule en 1981, le nouveau joujou de Nicolas Bedos profite également d’un style cinématographique d’époque qu’il aime tant filmer, alors qu’il y parodie, comme ses ainés, les aventures d’un autre agent secret très connu, en témoigne le générique d’ouverture, totalement assumé. Joyeusement désuet, ce spectacle créé la rupture avec le premier diptyque, agrémenté de mouvements de caméra propres au genre qu’il épouse avec second degré, ainsi que d’un montage alterné, en regard des confrontations avec des personnages secondaires, lesquels font d’ailleurs bon ménage avec les péripéties du célèbre agent, en commençant par des personnages féminins émancipés et forts, mais aussi un véritable antagonisme, et l’entrée en jeu d’un espion plus moderne, et fan du modèle numéro 117, avant de se rendre compte du contraire. Aussi, on retrouve l’acteur Armand Lessignac dans le rôle posthume du chef des services pour lesquels travaillent OSS 117, lui qui est décédé peu de temps après le tournage du film, à la suite d’une terrible maladie foudroyante. Catalyseur de la bêtise d’Hubert, ces rôles forment la pierre angulaire de cette nouvelle aventure, laquelle ne serait évidemment pas la même sans les traits de cet espion dont on aime tant se moquer, incarné par un Jean Dujardin n’ayant pas peur du ridicule.