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Viggo Mortensen
Falling
Sortie du film le 14 juillet 2021
Article mis en ligne le 25 juillet 2021

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 108’

Acteurs : Viggo Mortensen, Lance Henriksen, Laura Linney, Sverrir Gudnason, Hannah Gross, Ella Jonas Farlinger...

Synopsis :
John vit en Californie avec son compagnon Eric et leur fille adoptive Mónica, loin de la vie rurale conservatrice qu’il a quittée voilà des années. Son père, Willis, un homme obstiné issu d’une époque révolue, vit désormais seul dans la ferme isolée où a grandi John. L’esprit de Willis déclinant, John l’emmène avec lui dans l’Ouest, dans l’espoir que sa soeur Sarah et lui pourront trouver au vieil homme un foyer plus proche de chez eux. Mais leurs bonnes intentions se heurtent au refus absolu de Willis, qui ne veut rien changer à son mode de vie...

La critique de Julien

"Falling", c’est le premier film écrit, réalisé et composé par Viggo Mortensen, labelisé Cannes 2020. Sorti malgré lui par la petite porte, ce drame familial intense ne devait pas, à l’origine, compter le cinéaste à son casting. Mais pour une question de financement de production, Mortensen s’est jeté corps dévolu dans le rôle principal, lui qui interprète ici John Peterson, un gay d’âge moyen et ancien officier de l’armée de l’air devenu pilote commercial, marié à Eric (Terry Chen), parents de la jeune Monica, adoptée. Ils vivent alors en Californie, loin de vie rurale de la ferme familiale du père de John, Willis (Lance Henriksen), un homophobe, misogyne et caustique, présentant aujourd’hui des symptômes de démence. Pour aider son père, avec l’aide de sa sœur Sarah (Laura Linney), John tentera alors de lui trouver un foyer plus près d’eux, en le logeant chez lui, en attendant. Sauf que ce dernier ne l’entendra pas de cette oreille...

Non-autobiographique, bien qu’influencé par son éducation, et inspiré de conversations de sa jeunesse et d’événements réels ayant bercé sa vie, le premier film de Viggo Mortensen touche, lui qui aborde avec une justesse assez incroyable une relation père-fils pour le moins tumultueuse, étant donné le caractère assez dur de cet homme sénile, très fermé, lui qui n’a jamais su aimer. Avec son langage vert, et sans scrupule, ce père ramène toujours tout à ses souvenirs, à sa personne, incapable de se mettre à la place de quelqu’un, et d’entendre un discours différent du sien. Pourtant, la force de retenue avec laquelle ce fils, et papa à son tour, a décidé aujourd’hui de faire preuve dans sa vie, envers son père, est un modèle de résignation à la haine. Car on comprend d’une part, à l’aide des nombreux flash-back qui nourrissent le montage du film, que l’enfance de John et de sa sœur n’a pas été une simple affaire, et d’autre part que la personnalité de leur père, détestable, a dû beaucoup empiéter sur leur vie, leur personnalité, d’où le fait qu’ils aient abandonné, assez tôt, la ferme familiale. C’est l’acteur suédois d’origine islandaise Sverrir Gudnason qui incarne ici ce père durant la jeunesse des enfants, lui qui est d’une froideur et rancœur incalculables, et qu’on a pu voir dans le rôle de Björn Borg dans le film "Borg vs McEnroe" (2017) de Janus Metz Pedersen. Quant à Lance Henriksen et Viggo Mortensen, les deux acteurs se donnent à un bras de fer aussi féroce que tendre, et portent en eux le poids d’une vie, de souvenirs et d’incompréhensions mutuelles. Leurs partitions ne laissent alors pas indifférents, bien que les manières de Mortensen désarçonnent dans un premier temps, avant de disparaître à nos yeux.

Une autre force de ce portrait de famille, c’est son intelligence à ne pas chercher à tout montrer, mais bien à nous donner des indices, à nous guider vers l’apparition de la fissure relationnelle, en lien avec des sentiments non-partagés à l’égard d’une femme ; la mère de John. D’ailleurs, il est impossible de résumer une grande partie de vie en un film. Tout de même, à la découverte de la situation amoureuse du personnage de Viggo Mortensen, et au vu de la personnalité du père, très conservateur, on aurait pu croire que "Falling" allait revenir sur le coming-out de John, alors qu’il n’en est rien. Au contraire, Mortensen préfère soulever cette question au sein de dialogues entre père et fils, même si le premier n’a plus toute sa tête, lui pour qui cela a dû être dur. "Falling" est d’ailleurs un film qui s’écoute plus qu’il se regarde, dans le sens où l’écriture des dialogues, parfois longs de plusieurs minutes, sont d’une authenticité remarquable, eux qui sont influencés par une dynamique réelle des clivages générationnels et géographiques entre un fermier inflexible et vieillissant du cœur de la campagne des États-Unis, et un fils rebelle de la société urbaine de la côte Ouest, plus progressiste. Leurs retrouvailles vont alors les confronter aux douleurs qu’ils se sont infligées mutuellement, et ainsi les aider à les surmonter, malgré la difficulté unilatérale de remercier, et de dialoguer.

"Falling", c’est une histoire basée sur la mémoire, imparfaite, et la liberté qu’elle offre afin d’explorer la question complexe de l’interprétation vaste du souvenir. Ainsi, Mortensen nous montre que chaque individu n’aura jamais la même perception d’un même moment partagé, alors que c’est justement l’ensemble de ceux-ci qui définissent la manière dont on perçoit autrui, et indirectement le monde qui nous entoure, lesquels engendrent alors inévitablement des malentendus et des tensions qui s’accumulent au fil du temps, surenchéris par tout ce qui forge une vie, mais aussi la distance, le non-dialogue, et des actes impardonnés.

À côté de ce heurt et uppercut familial d’une densité rare, maîtrisée et retenue, "Falling" n’en demeure pas moins bercé de beaucoup d’humour, étant donné la manière dont s’exprime ce père de famille, que ça soit envers son fils, qu’il confond parfois avec quelqu’un d’autre (et il n’est pas le seul dans ce cas), ou son point de vue sur la relation amoureuse et la vie sexuelle de ce dernier, en témoigne une scène absolument hilarante, mais crue, alors que John accompagne son père chez le proctologue, avec son mari. Globalement, c’est bien chaque intervention ahurissante de fermeté et d’annihilation, et d’un autre monde, de cet homme affaibli, ancrée alors par son vécu autocentré, qui créée le malaise, ou plutôt un décalage, assez grand entre les générations qui se rencontrent ici. Mais il se dégage plus que toute autre chose dans "Falling" de l’amour inconditionnel, soit celui d’un fils pour son père, malgré les tempêtes traversées, et l’envie de pardonner, d’esquiver vaille que vaille les attaques, impersonnelles, pour alors vivre en paix, et ne pas reproduire le même schéma parental. Et cela, Viggo Mortensen parvient à le transmettre, sans jamais fléchir, ni tomber dans sa démarche, même si un peu trop psychanalytique dans son approche des sentiments, majoritairement enfuis.



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