Synopsis : Mikaël est médecin de nuit. Il soigne des patients de quartiers difficiles, mais aussi ceux que personne ne veut voir : les toxicomanes. Tiraillé entre sa femme et sa maîtresse, entraîné par son cousin pharmacien dans un dangereux trafic de fausses ordonnances de Subutex, sa vie est un chaos. Mikaël n’a plus le choix : cette nuit, il doit reprendre son destin en main.
Acteurs : Vincent Macaigne, Sara Giraudeau, Pio Marmaï, Sarah Le Picard
Elie Wajeman nous propose son troisième long métrage qui aurait dû être présenté à Cannes en 2020, événement annulé du fait de la pandémie du Covid19. Médecin de nuit est un portrait et un itinéraire d’un homme qui va se déployer trois axes : le médecin (Vincent Macaigne) et la relation avec ses patients (à domicile et dans sa voiture) ; l’homme, partagé entre son épouse (Sarah Le Picard) et sa maîtresse (Sara Giraudeau) ; le cousin (de Pio Marmaï, pharmacien) empêtré dans un trafic de Subutex.
Passé le premier tiers du film qui se déroule de jour, la suite se déroule de nuit, dans une unité de temps, jusqu’au petit matin (avec une fin ouverte).
Le médecin est surprenant dès le premier abord : il consulte en voiture, de nuit. Mais l’on se rendra vite compte aussi que s’il s’occupe en ce lieu-là de drogués, il y a autre chose, de plus louche, un trafic d’ordonnances de Subutex. Il doit gérer cela, de même que ses consultations de patients à domicile ; scènes qui nous font découvrir une facette humaine de cet homme, tiraillé par ailleurs, pris en tenaille entre deux autres relations très compliquées de son existence, et magistralement interprété par Vincent Macaigne.
C’est qu’il est partagé entre son épouse Sacha [qui (se) pose des questions sur l’avenir de leur couple et lui pose un ultimatum pour le lendemain matin] et Sofia, sa maîtresse, qui travaille dans une pharmacie exploitée par Dimitri (Pio Marmaï). Une relation claudicante car Mikaël ne sait jamais sur quel pied danser, ne trouve jamais son point d’équilibre et hésite sur la suite à donner et sur un avenir conflictuel qu’il ne peut gérer ni appréhender. Il aime sa maîtresse. Partira-t-il avec elle ? Quel avenir pour eux, pour son couple et ses enfants ?
Il vit aussi une situation tendue avec son cousin Dimitri qu’il affectionne au demeurant. C’est Pio Marmaï [1] qui interprète l’antagoniste du film, le "méchant" comme l’on dit. Et si l’on peut avoir un moment de compassion pour lui, pourra-t-on vraiment lui pardonner lorsque sa vraie nature apparait ? En tout cas, l’acteur (qui avait déjà le premier rôle dans Alyah, le premier film de Elie Wajeman) arrive à rendre compte de l’ambiguïté malsaine de son personnage tandis que Vincent Macaigne donne une dimension profondément humaine à son personnage de médecin, de mari/amant et de cousin, avec ses fragilités, ses peurs, ses rêves, sa difficulté de s’assumer et d’assumer des décisions nécessaires à prendre.
Reste à souligner la dimension de suspens du film, liée au trafic d’ordonnances et aux risques pour le médecin et les siens d’avoir mis le doigt dans un tel engrenage. Si les rencontres avec les patients, avec l’épouse, la maîtresse et Dimitri viennent adoucir ou temporiser cette intrigue, celle-ci sous-tend le film d’une violence, sourde parfois, contenue, mais aussi exprimée par l’un ou l’autre des protagonistes, dont Mikaël.
Si les images tournées de nuit dans Paris apportent une densité extraordinaire au film, il faut noter aussi l’importance de la musique, composée par Evgueni et Sacha Galperine (qui ont travaillé également sur Faute d’amour !). A ce sujet, Elie Wajeman précise que "chaque mélodie est traitée de manière singulière, vibrante, profonde. Avec des instruments étonnants et un traitement sonore extrêmement élaboré. C’était très beau à voir, à entendre. Comment des artistes s’emparent de votre oeuvre et y lisent des choses que vous ne voyez pas, que vous ne voyez plus. Ça nous a permis de créer des contrepoints au côté âpre et documentaire du film.".