Synopsis : Selma, 17 ans, vit dans une famille berbère et laïque à Neuilly-sur-Seine. Lorsqu’elle rencontre Julien, un garçon provocateur, elle réalise à quel point les diktats du patriarcat contrôlent son intimité. Alors que Selma décide de découvrir la puissance et les dangers de son propre désir, l’équilibre de sa famille se fissure et la terreur du fondamentalisme émerge dans son pays d’origine.
Acteurs : Zoé Adjani-Vallat, Amira Casar, Lyes Salem
Le titre de ce premier film de Kamir Aïnouz doit son nom à une pâtisserie algérienne. On la découvre d’ailleurs au début du film lorsqu’elle est dégustée par l’héroïne Selma. l’adjectif dégustée ne convient même pas vraiment, car Selma est ici presque boulimique et l’on constate que le plaisir de la nourriture, que manger est important. Possiblement comme compensation à la sexualité interdite, le thème, ou plutôt un des thèmes du film... Nous sommes au début des années nonante et à la fin du film, nous serons en pleine période d’attentats. Nous y retrouvons nos protagonistes confrontés à l’avenir du pays et que chaque génération devra aborder avec sa culture.
Mais il est ici essentiellement question de Selma (Zoé Adjani). Sa famille berbère est riche. Avec son père (le réalisateur Lyès Salem) et sa mère (Amira Casar) vivent à Paris. Selma rejoint une école et va découvrir l’amour ou plutôt la sexualité avec Julien (Louis Peres). Et justement cette sexualité étouffée, voire interdite sera un des enjeux du film. Qu’il s’agisse de sa première relation sexuelle avec Julien (mais Selma aura choisi de se déflorer elle-même au préalable), ou d’un bizutage assez odieux ou encore de mariage si pas imposé, mais arrangé que les parents préparent pour leur fille avec un jeune homme bien sous tous rapports. Jusqu’à ce que l’on découvre que dès leurs premiers moments ensemble le si beau parti qu’on lui promet abuse d’elle, et pour l’écrire clairement la viole.
La réalisatrice a voulu mettre en avant la relation entre Selma et sa mère : "L’épine dorsale de ce film est la relation mère-fille. Le patriarcat est un système de domination masculine qui se transmet paradoxalement beaucoup par les femmes, de génération en génération. Je voulais un duo de comédiennes qui aient la force et la finesse de déconstruire ce conditionnement, en faisant peu à peu émerger le lien d’amour profond qui les a véritablement construites." La réalisatrice ne verse pas dans la caricature dans l’image des parents qui aiment leur fille (selon leur culture bien sûr) : "Je cherchais un excellent comédien capable d’incarner cette dualité du chef de famille autoritaire, mais aussi plein de coeur, de charisme, d’humanité et de sensibilité. Pour les parents, il me fallait deux comédiens qui ancrent et posent le film. Qu’ils soient comme deux murs contre lesquels vient buter Selma."
A propos de son personnage Zoé Adjani précise : "Selma se teste dans toutes les situations dans lesquelles elle se trouve. Elle joue au caméléon quand elle est avec Julien et ses potes, car elle a envie d’appartenir au groupe. Elle a aussi très peur de décevoir ses parents et du coup, elle se rogne elle-même. De là vient parfois une certaine incohérence par rapport à ce qu’elle dégage et ce que l’on pense qu’elle ressent. Elle essaie de camoufler cette énorme faille dans les lieux où elle se situe. Ce qui lui joue des tours, car elle encaisse toutes ces souffrances et ces traumatismes. Même à la fin, Selma n’a pas du tout conscientisé ce qui lui est arrivé. Elle a beau être solide, que va-t-il se passer quand cette force-là va disparaître ? Sa sensibilité est son atout et c’est grâce à elle qu’elle va devenir indépendante. Elle se double d’une grande force de caractère, malgré toutes les cases dans lesquelles on veut la mettre. Après, je pense que nous sommes seuls face à ce que l’on ressent. Selma, peut-être un peu plus que les autres. Elle se débat pendant tout le film."
La sexualité et l’intimité sont évoquées durant tout le film, mais en évitant la nudité pour rester tout dans la pudeur, jusque et y compris dans la scène singulière avec un concombre, celle où Selma veut perdre sa virginité elle-même. Cela aurait pu paraitre grivois et c’est pourtant filmé avec tendresse. Kamir Aïnouz nous offre un regard sur une culture algérienne des années 90, sur le rapport à l’Algérie, les relations familiales, la place et le rôle de la femme, la culture plus que la religion (la famille est laïque) et les affres d’un pays qui se trouve confronté à l’islamisme radical.