Genre : Drame
Durée : 97’
Acteurs : Anthony Hopkins, Olivia Colman, Imogen Poots, Mark Gatiss, Rufus Sewell, Olivia Williams...
Synopsis :
Alors qu’il vieillit et devient de moins en moins autonome, un père refuse l’aide de sa fille. Voyant la situation se dégrader, il commence à douter de ses proches, de son propre esprit et même de ce qui est réel.
La critique de Julien
Acclamé de toute part, et fraîchement récompensé de l’Oscar du meilleur scénario adapté pour Christopher Hampton et Florian Zeller, ainsi que de celui du meilleur acteur pour Anthony Hopkins, "The Father" est l’adaptation de la propre pièce de théâtre de Florian Zeller, jouée dès septembre 2012, laquelle a connu un succès public et critique assez retentissant, remportant également de nombreux prix sur son passage. C’est aussi la première fois que Zeller passe derrière la caméra, aidé donc au scénario par le dramaturge Christophe Hampton, lui qui lui avait déjà traduit quelques-unes de ses pièces, en vue d’être jouées à Londres. Au départ, "The Father" nous raconte l’histoire de André, 88 ans, très réactif pour son âge, mais présentant les premiers signes d’une maladie proche de la maladie d’Alzheimer, lequel va alors perdre progressivement tous ses repères, son autonomie, forçant sa famille, dont sa fille Anne, à prendre le pas sur ses propres volontés, face à ses derniers moments de lucidité... Zeller et Hampton ont alors eu la bonne idée de réécrire cette terrible histoire pour le cinéma, eux qui nous offre-là non pas seulement un drame adapté en bonne et due forme et parfaitement interprété, mais bien aussi une véritable expérience de cinéma.
Aussi virtuose que la musique qu’écoute Anthony (Anthony Hopkins), "The Father" nous propose d’entrer dans la tête d’un homme atteint de démence, laquelle ne va faire que prendre le pas sur sa raison, lui qui refuse malgré cela l’aide d’un soignant à domicile (persuadé qu’il va, jusque-là, bien), malgré l’insistance de sa fille, Anne (Olivia Colman), laquelle lui rend souvent visite dans son appartement. Sauf que cette dernière vient de lui annoncer son intention de quitter Londres pour Paris, là où elle a rencontré quelqu’un... Alors qu’il oublie constamment les événements importants de sa vie et où se trouvent ses objets, y compris sa montre, Anthony va alors se retrouver confronter à d’étranges rencontres et confusions, qu’il ne parviendra pas à expliquer...
Profondément bouleversant, Anthony Hopkins livre-là l’une de ses meilleures prestations, soit celle d’un homme perdant la tête à petit feu, alors que son corps et sa volonté de vivre tiennent encore. Ce rôle est d’autant plus déchirant que son personnage tente à chercher à expliquer à ses proches ce qu’il est en train de vivre, de voir et d’entendre, sans qu’on ne puisse le comprendre, ni le croire (étant que ce qu’il sa réalité n’est pas la réalité), lequel n’a alors d’autre choix que de se replier progressivement sur lui-même, faisant face, seul, aux raisonnements bouillonnants de son cerveau, fatigué par un monde qui l’entoure et qu’il ne comprend littéralement plus, lui qui ne semble plus apte à discerner à la fois les gens, le vrai du faux, le présent du passé... Devenu à 83 ans l’acteur le plus âgé à obtenir l’Oscar du meilleur acteur, force est de constater que Anthony Hopkins n’a rien perdu de sa superbe en termes de jeu d’acteur, lui qui rayonne autant dans les derniers bons moments de son personnage (surtout lors de ses comportements inappropriés - quel danseur de claquettes hors-pair !) que lorsque son personnage sombre, pas à pas, dans les abysses de son esprit. Face à lui, Olivia Colman livre également une prestation exemplaire et touchante dans le rôle de sa fille, laquelle doit composer entre son amour paternel et la rancœur que ce dernier à son égard, lui qui lui préfère sa sœur cadette, avec laquelle il n’a malheureusement plus de contact depuis longtemps, sans savoir pourquoi...
Mais là où "The Father" marque durablement et parvient à vivre une seconde vie, inédite, ici au cinéma, c’est bien dans son scénario et sa mise en scène, nous donnant à vivre en partie dans la tête de son personnage principal, et à voir au travers de ses yeux. Et autant dire que cet angle de vue, terrorisant et dramatique, bouscule, lequel représente une véritable tour de force à vivre pour le spectateur. Alors, oui, vous n’en ressortirez pas indemne, et on parle autant là pour votre cœur, que pour votre cerveau !