Signe(s) particulier(s) :
– premier film du réalisateur irlandais Nick Rowland ;
– adapté de la nouvelle éponyme tirée du recueil "Jeunes Loups" (2016) de l’écrivain Colin Barrett ;
– Michael Fassbender est le producteur exécutif du film, ayant été récemment nominé pour cinq IFTA Awards (prix récompensant le cinéma et films de télévision irlandais), dont celui du Meilleur Film.
Résumé : Au cœur de l’Irlande rurale, l’ex-boxeur Douglas "Arm" Armstrong est devenu l’homme de main redouté de la famille Devers, des trafiquants de drogues. Quand son employeur lui ordonne de tuer pour la première fois, les valeurs d’Arm sont mises à l’épreuve...
La critique de Julien
Directement disponible chez nous en VOD Premium, "Calm with Horses" ("The Shadow of Violence" aux Etats-Unis) est le premier film du cinéaste irlandais Nick Rowland, adapté de la nouvelle du même nom extraite du recueil "Young Skins", par l’écrivain irlandais Colin Barrett. Dans ce drame ancré au cœur de l’Irlande rurale, Rowland filme Douglas « Arm » Armstrong (Cosmo Jarvis), récemment retraité de sa carrière de boxeur, lequel travaille maintenant pour une famille de dealers, lui offrant la protection en échange de sa loyauté. Surveillé par son "meilleur ami" et neveu de la famille, Dympna Dever (Barry Keoghan), Arm, devenu homme de main craint de tous, recevra alors l’ordre d’éliminer quelqu’un, pour "la famille". Sauf qu’il ne s’agit pas vraiment de sa famille, lui qui s’efforce, en dehors de ses mauvaises fréquentations, d’être un bon père pour le petit Jack, son fils autiste, tandis que son ex, elle, souhaite fuir la région pour se rendre de l’autre côté du pays, afin d’offrir à leur fils un meilleur suivi pour son trouble. Un dilemme s’imposera pour Arm...
Drame social puissant et sans demi-mesure, "Calm with Horses" vaut tout de même bien plus pour l’interprétation de ses acteurs que pour son scénario, un brin prévisible, et déjà vu. En effet, ce n’est pas la première fois que le cinéma dépeint le rôle d’un gars en proie à sa conscience et ses valeurs, dans le milieu de la drogue, alors rattrapé par la fatalité de ses choix dangereux, aux conséquences irréversibles. Car autant dire que ce premier film de Nick Rowland ne fait pas dans la tendresse, malgré le premier rôle du film, campé par Cosmo Jarvis, révélé en 2016 dans "Lady McBeth" de William Oldroyd. C’est-à-dire que l’acteur (et musicien) joue ici le rôle d’un gros dur, mais au cœur tendre, sans cesse ballotté entre ses principes (malmenés) et son rôle de père, lequel est alors prêt à exploser telle une cocotte-minute. D’ailleurs, l’activité criminelle qu’il exerce - afin de toucher de l’argent pour sa propre famille - ne lui ressemble pas du tout, ce que son visage et son corps transcendent. Autant dire que son personnage est ici le plus gros atout du film, extrêmement empathique et touchant, malgré sa carrure et sa retenue, lequel est écrasé par le mauvais chemin qu’il a pris, mais duquel on espère qu’il trouvera une issue. Méconnaissable, et s’exerçant avec un accent irlandais étonnant, Jarvis excelle. Barry Keoghan (vu notamment dans "Mise à Mort du Cerf Sacré" et "Dunkerque") complète le casting dans le rôle de celui qui se rêve d’être le futur chef de la famille Dever, tout en refourguant lâchement tout le mauvais travail aux autres, tandis que l’actrice irlandaise Niamh Algar étincelle dans la peau de l’ex-compagne déterminée et à l’écoute, sans doute la seule personne à comprendre Arm.
Dans cette histoire où la violence et la quête de soi ne font pas bon ménage, Nick Rowland dépeint avec brutalité le monde grisonnant d’une petite ville rurale fictive criblée de crimes en tous genres (du meurtre à la pédophilie), et de laquelle un homme bon ne parvient malheureusement pas à échapper. Tandis que la caméra ne cesse alors de le (pour)suivre, à la recherche de la moindre nuance d’émotion, et que la bande-originale renforce un sentiment de lente agonie, la photographie de Piers McGrail draine des vues de longs paysages irlandais loin de ceux que l’on a l’habitude de voir sur des cartes postales du vaste pays, où la solitude rime avec l’envie d’échappatoire, peu en importe le moyen, et les frais. Qu’à cela ne tienne, le film présente aussi de jolies scènes desquelles éblouissent des lueurs d’espoir, telle que celle où Arm monte, au calme, à cheval, devant les yeux de son fils et de son ex-compagne, venant ainsi contraster avec l’obscurité de l’ensemble, à laquelle semblent prédestinés ses anti-héros.
Ancien pilote de rallye professionnel, Nick Rowland prouve avec son premier film "Calm with Horses" qu’il ne s’est pas trompé de nouvelle voie, tant son premier film est une rude plongée dans un univers impitoyable, bien que connu, mais qu’il parvient ici alors à ne copier-coller, notamment par une vision de cinéaste déjà bien établie, et surtout grâce à la performance hallucinante de son acteur principal, Cosmo Jarvis, que l’on sera très vite, on l’espère, amené à revoir !