Signe(s) particulier(s) :
– premier long métrage de fiction du cinéaste français Frédéric Carpentier ;
– tourné à Sète, dans l’Hérault, dans le sud de la France, près de Montpellier, en octobre et novembre... 2017.
Résumé : Raphaël, le chef d’une bande de jeunes voleurs de rues, voit son autorité menacée par Kevin, son fidèle lieutenant. Pour garder le pouvoir, il doit affronter la trahison et un univers de plus en plus violent, où les armes remplacent les poings.
La critique de Julien
Remarqué notamment avec la fiction télévisée "Les Vagues" (2005), ou encore avec le court métrage "A Cheval dans une Maison Vide" (2013), Frédéric Carpentier passe pour la première fois derrière la caméra pour un long métrage destiné au grand écran. Ecrit par ses soins, et nourri par son expérience d’animateur d’ateliers de pratiques artistiques durant des années dans des quartiers difficiles, "Jeunesse Sauvage" est fort d’un casting sauvage organisé en partenariat avec le Ministère de la Justice et de la Police Judiciaire Jeunesse, lequel a permis au cinéaste et à son équipe de trouver des jeunes ayant une vie difficile, ou séjournant en Centres éducatifs fermés, eux qui ont, très jeunes, pris les chemins de la délinquance.
D’une durée d’à peine quatre-vingts minutes, mais haletant d’un bout à l’autre, "Jeunesse Sauvage" porte puissamment bien son titre. Le scénario est alors centré sur Raphaël (Pablo Cobo), chef charismatique d’une bande de jeunes voleurs basée sur Sète, protégeant son territoire et les siens, et notamment d’une bande rivale. Tandis qu’il veille sur son père SDF (Jérôme Bidaux) et qu’il découvre les sentiments et l’amour en Émilie (notre compatriote Léone François), le quotidien de caïd de Raphaël basculera à la suite d’un accident, lequel ne pourra dès lors échapper à son destin, et se heurter à un monde d’autant plus fermé, et impitoyable...
Au départ, le film de Frédéric Carpentier semble naviguer sur des terrains connus, autour d’une bande de petits malfrats, lesquels vivent de vols en tous genres (argents, voiture, etc.). Puis, rapidement, "Jeunesse Sauvage" prend une tournure plus intéressante, plus profonde, malgré quelques clichés, de par la personnalité torturée, mais extrêmement humaine, de son anti-héros, mais également grâce à la qualité de ses jeunes interprétations, ainsi que la vision qu’à le réalisateur et scénariste du terrain qu’il aborde, entre réalité crue et onirique.
S’il y a bien un nom à retenir, c’est celui de Pablo Cobo, et son regard de tueur, lui qui interprète un jeune délinquant, mais prisonnier d’une situation qu’il n’a pas choisi, livré très tôt à lui-même, orphelin d’une mère, alors qu’il tenter de réhabiliter son père, psychologiquement troublé, dans la vie active, alors qu’il se rêve de vivre d’autre chose que de son activité illicite, et ailleurs qu’à Sète, où finalement pas grand-chose ne le retiens... Son personnage, méticuleux dans sa pratique, et ne prenant ainsi jamais de risques, est le genre de pilier de groupe sur lequel tout le monde se repose, lui qui n’a jamais pourtant connu l’attention d’autrui à son égard, si ce n’est avant de rencontrer une fille, qui va doucement tout changer. Intense, et touchant, le jeune acteur est une très belle révélation, que l’on risque de retrouver prochainement aux César. Mais ce n’est pas le seul à faire ses preuves ici, puisque Darren Muselet (révélé dans "Mon Frère", et vu récemment dans "Hors Normes") confirme tout le bien placé en lui, dans le rôle ici d’un ami proche de Raphaël, lui qui se verrait bien monter en grade, et ainsi convoiter une sphère de délinquance encore plus dangereuse que celle qu’ils côtoient actuellement, ce que Raphaël refusera, alors que la belge Léone François joue la petite amie passionnée d’un amour fou, et juste dans son rapport au choix de vie mystérieux du garçon qu’elle aime, bien que n’en ayant aucune connaissance. Ensemble, ce trio d’acteurs, ainsi que tous les autres seconds-rôles, offre une authenticité et une vérité à cette histoire, certes pas très originale, mais laquelle s’apparente bien plus qu’on ne le croit à une tragédie grecque où le destin et sa fatalité sont les maîtres-mots, rappelant "Divines" de Houda Benyamina, et inévitablement "Shéhérazade" de Jean-Bernard Marlin, tous deux, cela dit, d’un niveau nettement supérieur.
Porté par la rage et l’émotion, "Jeunesse Sauvage" est une immersion sans détour dans la jeunesse délinquante, puissamment jouée par un casting majoritairement non-professionnel, et même issu de milieux difficiles. Étonnamment, le regard de son auteur, l’empathie développée par et envers son personnage principal, le montage rapide, et la force des propos l’emportent sur ses faiblesses d’écriture, et son intrigue, plus banalisée qu’audacieuse.