Signe(s) particulier(s) :
– septième long métrage du cinéaste et écrivain français Martin Provost, et troisième fois qu’il dirige l’actrice Yolande Moreau après "Séraphine" (2008) et "Où va la Nuit" (2011).
Résumé : Tenir son foyer et se plier au devoir conjugal sans moufter : c’est ce qu’enseigne avec ardeur Paulette Van Der Beck dans son école ménagère. Ses certitudes vacillent quand elle se retrouve veuve et ruinée. Est-ce le retour de son premier amour ou le vent de liberté de Mai 68 ? Et si la bonne épouse devenait une femme libre ?
La critique de Julien
Une fois n’est pas coutume, Martin Provost nous parle d’émancipation féminine, à la différence près qu’il le fait ici sur le ton de la comédie libre, mais pas moins engagée. Dans "La Bonne Épouse", le cinéaste situe son récit à l’aube de Mai 68, dans une école ménagère comme il en existait dans le temps (il y a encore une cinquantaine d’années), et dans lesquelles de jeunes demoiselles apprenaient à se comporter en bonne épouse pour leur futur mari, alors dévouées au travail domestique et à la gestion intérieure. Symbole, parmi d’autres, d’un monde social où la femme était inférieure à l’homme, ces endroits sont alors apparus dans la foulée de l’ouverture de la première Ecole professionnelle et ménagère de jeunes filles à Reims, en 1873, avant de disparaître début des années 1970. Martin Provost et sa scénariste Séverine Werba témoignent dès lors ici de l’image aussi drôle que conservatrice et dégradante véhiculée par ces lieux, en marche de la vague révolutionnaire de Mai 68.
Nous sommes alors en 1967, où Paulette Van Der Beck (Juliette Binoche) dirige avec ardeur son institution, tandis que son mari Robert (François Berléand) s’occupe des comptes (quand il ne détourne pas du regard), elle qui est secondée par Marie-Thérèse (Noémie Lvovsky), religieuse, ancienne résistante, adoratrice du général de Gaulle, et par Gilberte (Yolande Moreau), sa belle-sœur, professeur de cuisine et fan d’Adamo. Alors que quatre élèves aux tempéraments très différents feront les frais des sept piliers de la maison, destinés à faire d’elles "la perle des ménagères, un rêve pour vos futurs époux", tout ce beau monde verra leurs certitudes remisent en question, que ça soit par le retour du premier amour (Édouard Baer), mais surtout par un vent de liberté féminine, et l’évolution des mœurs...
Stylisé, étant donné les décors de cette époque révolue de laquelle on ressent pourtant encore aujourd’hui des répercussions, "La Bonne Épouse" multiplie les portraits simultanés au sein de cet institut, toujours centrés autour de celui joué par Juliette Binoche, mais sans aller jusqu’au bout du chemin ce qu’il avait entrepris. En effet, l’écriture de chacun des personnages féminins, assez grandiloquents dans leurs réactions et manières d’être, ne reflète pas leur questionnement, avec force et conviction, dans le sens où le film de Martin Provost se regarde avant tout comme une comédie fantaisiste un peu trop libérée et enchantée (le final, vers Paris), bien que le fond y soit.
On n’ira pas jusqu’à dire que "La Bonne Épouse" est LE manifeste féministe par excellence, mais il aborde la question par le biais de l’enseignement ménager, et de la légèreté. Documenté, le film de Martin Provost s’apprécie aussi pour son petit grain de folie émancipateur et son trio d’actrices principal, très en forme. Restez d’ailleurs devant l’écran durant le générique de fin, ce dernier proposant des illustrations types et mode d’emplois ménagers, destinés à ces femmes d’autrefois, pour qui le plus beau des cadeaux était alors de se voir offrir un lave-vaisselle, ce qui sera difficile à faire croire aux jeunes (demoiselles) d’aujourd’hui...