Signe(s) particulier(s) :
– inspiré par plusieurs articles de presse autour de la traduction du quatrième roman mettant en scène Robert Langdon, "Inferno", de Dan Brown, pour lequel l’éditeur Doubleday avait, afin de garantir une sortie simultanée à travers le monde sans fuites, enfermé douze traducteurs internationaux dans un bunker en Italie pour traduire son dernier roman.
Résumé : Isolés dans une luxueuse demeure sans aucun contact possible avec l’extérieur, neuf traducteurs sont rassemblés pour traduire le dernier tome d’un des plus grands succès de la littérature mondiale. Mais lorsque les dix premières pages du roman sont publiées sur internet et qu’un pirate menace de dévoiler la suite si on ne lui verse pas une rançon colossale, une question devient obsédante : d’où vient la fuite ?
La critique de Julien
Il aura fallu huit années et bien des voyages à travers le monde pour que Régis Roinsard nous livre son second film, après "Populaire", qui souvenez-vous mettait en scène notre Déborah François nationale en championne de dactylographie sur machine à écrire. Avec "Les Traducteurs", le cinéaste s’intéresse au métier de traducteur, mais en conditions de travail exceptionnelles, ainsi qu’à la question de propriété d’une œuvre, et de ses droits. Mais il le fait au sein d’un thriller énigmatique à rebondissements, empruntant en première partie au "whodunit", façon Agatha Christie, et très en vogue au cinéma. On se souvient ainsi du récent "À Couteaux Tirés" de Rian Johnson (lequel connaîtra d’ailleurs une suite), tandis que Kenneth Branagh s’apprête à sortir en fin d’année (si tout va mieux d’ici-là) son adaptation de "Mort Sur le Nil", trois ans après celle du "Crime de l’Orient Express" (2017).
En s’inspirant du cas de la traduction unique du best-seller "Inferno" de Dan Brown, où une petite dizaine de traducteurs s’étaient retrouvés enfermés dans un bunker en Italie, Régis Roinsard, accompagné à l’écriture par ses acolytes Romain Compingt et Daniel Presley, va plus loin que cela, du côté de la fiction. En effet, que ce serait-il passé si le manuscrit avait été volé, piraté, et qu’une rançon avait été demandée contre sa non-publication ? C’est clairement ce dont il va être ici question, bien qu’il transpose ces questions autour du dernier tome de la série littéraire fictive à succès "Dedalus", du mystérieux auteur Oscar Brach, sur le point de sortir, faisant ainsi perdre la tête de son tyrannique éditeur Éric Angstrom (Lambert Wilson), lequel interdira tout contact des traducteurs avec l’extérieur, tant que le responsable ne se révélera pas, alors que les enjeux financiers de la sortie du roman sont colossaux...
Emmené par un casting trop explicite dans son jeu, "Les Traducteurs" anime tout d’abord les esprits, et nos interprétations les plus folles, nous proposant, de fait, de chercher le coupable de cette divulgation, alors que les scénaristes installent en parallèle leurs différents personnages. Mais le film manque justement de folie. Malheureusement, d’une part, l’approfondissement psychologique de ces derniers n’est pas équitable, tandis que des personnalités restent bien floues. D’autre part, le récit essaie un peu de tout, et s’étale en première partie sur deux temporalités, étant donné qu’on y découvre un interrogatoire post-événement, entre Angstrom et le coupable, dont le visage restera inconnu. Puis, il choisit de contourner les codes du "whodunit" en nous révélant cette identité à mi-parcours et, tout doucement, ses intentions, insoupçonnées. L’effet de surprise est donc total, bien que, d’un autre côté, le reste le sera moins. Retours donc ensuite en arrière, à l’aide de flashback, pour comprendre le pourquoi, et le comment, et surtout nous faire croire en ce plan de petit génie agaçant. Bref, "Les Traducteurs" se balade, et nous balade, tout en ne nous passionnant guère, la faute d’une mise en scène trop calculée, et démonstrative, alors que certaines péripéties peinent à convaincre, tellement elles sont improbables ou incohérentes entre elles...
Mais dans l’âme, "Les Traducteurs" est un tour de force féroce autour de la déshumanisation du monde l’édition, au profit du produit commercial. En cela, il se révèle au moins intéressant, car il nous donne à voir une partie des coulisses de la sortie d’une œuvre littéraire, à caractère ici exceptionnel, tout en s’enlisant dans sa démarche, pour revenir alors à un thriller plus commun.
Plein d’audace, et avec une idée de départ excitante, le film de Régis Roinsard brouille les pistes, et tente des choses, mais sans véritablement parvenir à ses fins, nous perdant en chemin. Entre nous, "Les Traducteurs" mériterait d’être traduit, car un certain manque d’explications demeure...