Signe(s) particulier(s) :
– sixième long métrage du réalisateur français Julien Leclercq, après avoir dirigé notamment notre Jean-Claude Van Damme (inter)national dans "Lukas" en 2018, lui qui marque aussi sa troisième collaboration d’affilée avec l’acteur franco-tunisien Sami Bouajila.
Résumé : Après sa fille de 18 ans Sarah, sa scierie familiale représente toute la vie de Said. Pendant des années, il a difficilement maintenu à flot son entreprise, principalement pour ses employés ; jusqu’au jour où l’un d’eux se sert de la scierie pour cacher une voiture bourrée de drogue. Lorsque le cartel auquel elle appartient débarque dans la scierie, Saïd et Sarah vont devoir tout faire pour la protéger. Ils ont un avantage : cette scierie c’est leur terre, ils en connaissent les moindres recoins…
La critique de Julien
À défaut de parvenir à mettre en scène "Prost", un portrait intime de l’un des plus grands pilotes de l’histoire de la Formule 1, avec Guillaume Gouix en tête d’affiche, Julien Leclercq revient avec le thriller "La Terre et la Sang", pour Netflix, dans lequel Sami Bouajila interprète Saïd, un patron de scierie, qui doit alors protéger sa fille Sarah (Sofia Lesaffre), sourde-muette, étant donné que l’un de ses jeunes employés en réinsertion, Yanis (Samy Seghir), y a caché la drogue de son frère, suite à la demande de ce dernier, elle qui appartient pourtant à des trafiquants, prêts à tout pour la retrouver...
Faiseur d’ambiances, le cinéaste français a posé sa caméra dans la véritable scierie Hontoir, située à Gesves, non loin de Namur, pour filmer "La Terre et la Sang", et cela il y a moins d’un an, en février-mars, profitant dès lors des conditions climatiques grisonnantes pour mettre en scène ce polar sec et tendu, à la "Rambo", sauce française, bien que ce film soit coproduit par les Belges d’Umedia, bénéficiant aussi du soutien de Wallimage, tandis que les effets spéciaux sont signés par la société belge Benuts, qui ne cesse de monter dans le domaine, et de faire ses preuves. Et une fois de plus, Julien Leclercq prouve son talent de metteur en scène qui s’imprègne totalement de ses décors pour créer une véritable atmosphère à ses films. Dans "La Terre et le Sang", en plus de filmer les alentours boisés de Faulx-les-Tombes dans la pénombre hivernale, il a eu la bonne idée de tourner l’action principale dans une scierie, peu rafraîchie pour l’occasion, laquelle sera le théâtre d’un règlement de compte interdit aux moins de seize ans, car autant dire que si les dealers utiliseront leurs armes automatiques pour se défendre et traquer, Saïd, lui, qui connaît milieu les lieux que personne d’autre, se servira plutôt de ce qu’il trouvera à portée de mains, tels que des haches, des pelles, mais aussi des tracteurs, sans oublier ses scies, et une bonne vieille carabine !
Crépusculaire et sans merci, "La Terre et le Sang" est aussi l’occasion pour ses deux jeunes acteurs principaux, que sont Sofia Lesaffre et Samy Seghir, de faire leurs preuves dans un registre différent. L’actrice, et révélation de l’adaptation "Deux" (2017) de David Moreau et de "Pour Vivre Heureux" (2018) de Salima Glamine et Dimitri Linder, est impressionnante dans son rôle, mis à rude épreuve, elle qui a d’ailleurs appris la langue des signes en moins d’un mois pour ses besoins. Quant à Samy Seghir, révélé un grand public dans "Neuilly sa Mère !" (2009) de Gabriel Julien-Laferrière, il y a une dizaine d’années, on lui découvre ici un autre visage, qui lui va plutôt bien. Enfin, Sami Bouajila est intense, sans pitié et sans relâche dans le rôle de ce père, bien que l’on ne comprenne pas toujours ses réactions, dans le sens où toute cette histoire aurait sans doute pu finir autrement que dans le sang, et le retour à la terre...
Assez court, "La Terre et le Sang" ne passe donc pas par quatre-chemins, et se révèle (très) efficace, à défaut d’être original dans son intrigue, quant à elle assez maigre. Mais c’est bien ici l’emballage visuel et l’adrénaline qui en découle qui s’apprécient, faisant de ce film un moment de pure mise en scène. Bref, on est déjà curieux de voir ce que Julien Leclercq nous réserve avec "Sentinelle", son prochain film, en cours de montage, et nouvelle production Netflix, qu’il décrit déjà par ailleurs comme un "eldorado". Et on comprend bien pourquoi, à la vue de ce film violent, sans demi-mesure, bénéficiant d’un cadre forestier optimal, et au travers duquel une certaine liberté créative se fait ressentir.