Signe(s) particulier(s) :
– second long métrage officiel (faisant suite à deux titres auto-produits) du réalisateur Adolf El Assal, né à Alexandrie, et ayant grandi entre Dubaï, Londres et le Luxembourg ;
– le titre du film fait référence à une chanson du célèbre chanteur pan arabe-égyptien Abdel Halim Hafez.
Résumé : Skaarab, un DJ du Caire est invité à poser ses sons à Bruxelles à l’occasion d’un concours international de DJ. Pendant son trajet, il reste coincé dans un pays dont il n’a jamais entendu parler : le Grand-Duché de Luxembourg. Il décide alors de trouver son chemin pour atteindre son but à temps alors qu’une révolution éclate dans son pays. Une folle épopée de 48 h s’ensuit.
La critique de Julien
Atterri tout jeune par "erreur" au Luxembourg avec ses parents alors qu’ils habitaient à l’époque aux Émirats Arabes Unis, lesquels faisaient un voyage pendant les vacances d’été en Europe, Adolf El Assal et sa famille ont finalement posé leurs valises dans ce pays qu’ils ne connaissaient ni d’Ève, ni d’Adam auparavant. Réalisateur de nombreux clips-vidéos et coréalisateur de deux longs-métrages auto-produits, "Divizionz" (2008) et "Reste bien, mec !" (2009), le cinéaste nous livre ici "Sawah" (après l’inédit "Les Gars" en 2012), une comédie rocambolesque au travers de laquelle il nous partage son amour pour sa "terre d’accueil" luxembourgeoise.
Fort d’avoir voyagé, d’avoir été bercé d’influences diverses, et de maîtriser l’anglais, le luxembourgeois, l’arabe, le français et l’allemand, Adolf El Assal a relevé le défi de faire rire à l’intérieur et en dehors de ses frontières, et à partir de ses expériences personnelles. Aussi, il lui tenait à cœur de montrer une autre facette du Luxembourg. Et le cinéaste réussit tout cela, avec "Sawah", semi-autobiographique, dans lequel Samir (Karim Kassem) vient de gagner un championnat de DJ en Égypte, ce qui lui offre la chance de participer au festival DJ mondial "Drop Beats", à Bruxelles, tandis qu’une révolution éclate dans son pays natal. Malgré les contre-indications de son père (connu pour avoir été l’auteur d’une seule chanson, mais ayant très vite abandonné la musique), Samir s’envolera pour la Belgique. Sauf que son vol sera redirigé vers le Luxembourg, en raison d’une grève majeure dans notre pays (tiens donc !). Pas d’autre moyen dès lors que de voyager en bus jusqu’à Bruxelles. Mais par un malheureux concours de circonstances, Samir perdra toutes ses affaires, y compris ses papiers, et donc son identité... Bien qu’il lui reste sa clef USB, le jeune homme sera interdit de quitter le territoire d’un pays qui lui est inconnu. Il fera alors la rencontre de nombreux personnages qui l’aideront (ou non) à rejoindre la Belgique, en moins de quarante-huit heures, top chrono !
La plus grande qualité de cette comédie, c’est bien entendu le mélange de cultures et de langages qu’elle propose au cours du chemin de son protagoniste principal, alors semé de personnages venus de tous horizons, et aussi cocasses les uns que les autres. C’est qu’on y parle aussi bien l’anglais que le français, ou l’allemand que le luxembourgeois, ce qui est assez original, surtout dans le paysage de la comédie, entre frontières, devenue la marque de fabrique du réalisateur. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce carrefour de mélanges ne va jamais à l’encontre du film, et apporte beaucoup d’humanité et d’universalité à "Sawah".
"Sawah" profite d’une caméra dynamique et attachée à ses personnages, mais également d’un montage rythmé, sans oublier une bande-originale électro et hip-hop aux sonorités diverses, rythmant les prochaines heures de Samir, qui ne lui réservent donc pas que du bon, et ni du beau monde, même si ses antagonistes ne sont pas crédibles pour un sou dans leurs rôles de "méchants pas vraiment comme méchants" (un peu comme Gru, finalement - cf. "Moi, Moche et Méchant"). C’est que l’ensemble des péripéties de Samir sont ici à prendre au second degré, et viendront lui mettre gentiment des bâtons dans les roues. Ainsi, l’humour loufoque y est totalement assumé, alors qu’on y danserait même après y avoir coupé une oreille. A contrario, Adolf El Assal nous montre en parallèle les images d’un pays en pleine révolution, ce qui nous amène tout de même à réfléchir, notamment sur la question de l’individualité (ici la réalisation d’un rêve) face à l’entraide (avec son peuple), et nous rappelle que pendant que beaucoup font la fête, d’autres se font tabasser en rue, voire se font tirer dessus... Mais Adolf El Assal ne va pas plus loin en ce sens, en Egypte, et préfère parler davantage politique et social vis-à-vis du traitement accueillant réservés aux immigrés au Grand-Duché de Luxembourg. Et en l’occurrence, on découvre ici un autre pays !
Sans être une grande réalisation, "Sawah" met le sourire aux lèvres, et amuse par sa galerie de personnages, tandis qu’Adolf El Assal, avec sa maison de production de Wady Films (fondée en 2015), prouve que l’on peut rassembler par la comédie, et sans jamais manquer de respect.