Signe(s) particulier(s) :
– le film devait initialement sortir aux États-Unis en septembre 2019, mais suite aux tueries de Dayton et El Paso, Universal a suspendu la campagne promotionnelle du film, avant de le supprimer du planning de sorties du studio, avant de refixer sa sortie au 13 mars 2020, soit un vendredi treize, ce qui, dans son cas, ne lui aura pas porté bonheur... ;
– adaptation de la nouvelle "Le Plus Dangereux des Gibiers" ("The Most Dangerous Game" en version originale) de Richard Connell, publié en 1924.
Résumé : Des inconnus se réveillent bâillonnés en pleine nature. Ils découvrent rapidement qu’ils sont les candidats d’une chasse à l’homme grandeur nature orchestrée par de riches Américains qui ne désirent qu’une seule chose : chasser et abattre commes des animaux des citoyens américains...
La critique de Julien
Et si on remettait de l’eau sur le feu ? "The Hunt", thriller extrêmement violent et brûlot politique et social produit par Jason Blum faisant déjà des allusions certaines aux discours des différents partis de la campagne électorale présidentielle 2016, avait été annulé à la suite des fusillades de Dayton et El Paso, l’été dernier, aux Etats-Unis. Et à vrai dire, on comprend bien pourquoi, étant donné ici que onze personnes, apparemment libérales, se réveillent bâillonnées dans une forêt, choisies pour servir de gibier à des traqueurs, supposément républicains. Donald Trump avait alors déclaré que ce film était fait pour "mettre le feu aux poudres et répandre le chaos". Bref, le voici, enfin, mais non pas dans nos salles, mais bien en VoD. En effet, déjà maudit suite à la genèse de sa sortie en salles, le sort ne s’est malheureusement pas conjuré pour lui, en raison de la fermeture des cinémas suite à la pandémie de Covid-19 dans le monde entier. D’un autre côté, Universal a rendu le film disponible sous forme numérique, et cela une semaine seulement après sa sortie en salles aux Etats-Unis, ce qui est assez unique. De quoi donc se faire son propre avis depuis son salon. Et ça tombe bien, car on s’est fait le nôtre !
"Basket of deplorables" (littéralement "panier de déplorables"), tel était l’expression utilisée par Hillary Clinton pendant la campagne électorale présidentielle des États-Unis de 2016, pour alors désigner les partisans du candidat présidentiel, Donald Trump. Ici, ce sont les mots utilisés par une certaine Athéna (Hilary Swank, beaucoup trop rare à l’écran), une soi-disant chasseuse d’élite, victime malgré elle d’une théorie du complot, qui circule depuis de nombreuses années sur Internet, elle qui tuerait ainsi des êtres humains pour "le sport", avec d’autres personnes importantes, tout en étant pour sa part intouchable depuis son château de verre, nommé le "Manoir Gate". Mais c’est sans compter sur Crystal (Betty Gilpin), l’une de ses proies et ancienne combattante en Afghanistan...
Il ne faut pas bien attendre longtemps pour que "The Hunt" entre dans le vif de son sujet, ce qui ne déplaira en rien les amateurs du genre, qui prendront assurément ici leur pied. Pourtant, des films de chasse à l’homme, il y en a déjà eu, et il y en aura encore. Mais ce dernier a une saveur particulière, et dépasse son postulat de base. En plus d’être d’une extrême cruauté et fatalité envers ses personnages, et même envers ceux que l’on pensait être, au départ, les héros de l’histoire, "The Hunt" fustige l’hypocrisie de la bêtise politique de notre monde actuel, et plus précisément du combat puéril que se livrent déloyalement les partis politiques aux Etats-Unis, tandis qu’il pointe aussi du doigt les dérives de l’Internet et ses réseaux sociaux, où quiconque peut raconter ce qui lui chante, avec les risques que cela devienne viral, peu en importe la véracité des propos. Par cette idée de terrain de chasse entre supposés conservateurs et libéraux, et leurs connaissances du terrain, les scénaristes parviennent ici à inverser les rôles et les positions, à questionner sur le bourreau et la victime, sur la profonde haine de l’autre, et cela de manière assez maligne, bien que c’est un peu le foutoir par moment, et que le point de départ de tout ce remue-ménage, aux conséquences ensanglantées, est peu réaliste, voire absurde, bien que ce qui l’a soulevé ne l’est en rien...
Sans temps-mort et jouissif, "The Hunt" enchaîne alors une chasse macabre tout en révélant ses secrets et fondements auxquels on ne s’attendait pas forcément, eux qui appuient justement l’idée d’ignorance de la société, prenant tout au pied de la lettre, par sa vision rétrograde et sa soif avide de contrôle et de supériorité par des gens stupides. Mais il le fait aussi avec un humour noir des plus savoureux (sacrée histoire du lièvre et de la tortue) et totalement assumé, lequel vient contrebalancer judicieusement avec sa violence, n’épargnant quant à elle personne. Autant donc vous dire de ne vous attacher à personne ! Mais impossible de ne pas être convaincu par le personnage campé par Betty Gilpin (vue notamment dans les séries "Nurse Jackie" et "GLOW"), absolument irrésistible avec son flegme imparable et son allure de guerrière impressionnante. Autant dire qu’elle a du fil à retordre !
Intelligents prétendant idiots, ou idiots prétendant intelligents : ces derniers n’existeraient-ils pas dans notre société ? "The Hunt" aborde en tout cas ce point de vue avec horreur et second degré réjouissants, pour un résultat surprise qui décape autant qu’il décapite !