Signe(s) particulier(s) :
– septième adaptation cinématographique du roman autobiographique romancé "Les Quatre Filles du docteur March" ("Little Women" en version originale) de Louisa May Alcott, publié en deux volumes (1868 et 1869), et faisant écho du quotidien de quatre sœurs issues de la classe moyenne durant la guerre de Sécession ;
– nommé 6 fois aux Oscar 2020, dont dans la catégorie la plus prestigieuse du Meilleur film, et d’où il en est reparti avec la statuette des Meilleurs costumes.
Résumé : Relecture personnelle du livre, Les filles du Docteur March est un film à la fois atemporel et actuel où Jo March, alter ego fictif de l’auteur, repense à sa vie. Dans la Nouvelle-Angleterre des années 1860, un père part comme aumônier pour la Guerre de Sécession, laissant ses quatre filles et sa femme derrière lui. Elles vont faire la connaissance du jeune Laurie.
La critique de Julien
Après son premier film "Lady Bird", un "coming-of-age movie" indé inspirant, sans pathos, sorti il y a deux ans, et déjà porté par l’irrésistible Saoirse Ronan, Greta Gerwig n’a pas eu froid aux yeux et s’est vue offrir le poste de réalisatrice de la nouvelle adaptation de l’œuvre de Louisa May Alcott, "Little Women", parue à l’époque en deux tomes (sortis successivement en 1868 et 1869, suite à la demande), elle qui a tant inspiré le cinéma, comme la télévision, ainsi que la musique. Et en l’occurrence, on devine et comprend vite l’envie de la cinéaste de dépoussiérer ces écrits, faisant partie de la grande littérature américaine, et d’en montrer tout le propos actuel, eux qui ont pourtant été écrit il y plus de cent-cinquante ans !
Saoirse Ronan, Emma Watson, Florence Pugh ("The Young Lady", "Midsommar") et Eliza Scanlen (vue dans la série HBO "Sharp Objects", avec Amy Adams) interprètent ici ces quatre sœurs unies comme les doigts de la main, dans la Nouvelle-Angleterre des années 1860, alors que leur père est parti comme aumônier pour la Guerre de Sécession, les laissant avec leur mère Marmee (Laura Dern). Proches, très certainement, et pourtant toutes différentes de caractère et d’aspirations, Jo, Amy, Meg et Beth auront alors fort à faire de leur quotidien, et trouver le courage de prendre leur place dans la société, ainsi que de trouver l’amour. D’ailleurs, un certain ami d’enfance va refaire ici son apparition, Laurie (Timothée Chalamet), et raviver des souvenirs, telles que des douleurs, et des flemmes…
Quête identitaire et parcours initiatique à costume, "Les Filles du Docteur March" est un vrai beau film d’époque, rafraîchit ici par le talent à l’état brut de sa réalisatrice, Greta Gerwig, et de son casting, absolument irréprochable.
Tandis que le roman initial respectait une certaine chronologie dans les événements narrés, Gerwig, sur base d’un scénario préexistant et réécrit, met ici en place des allers-retours entre les deux périodes décrites dans les deux livres, c’est-à-dire d’une part l’enfance des sœurs March, puis leur vie une fois adultes, et avec en plus comme fil rouge le personnage de Jo.
Si le procédé se respecte, dynamise le récit, et nous permet ainsi de suivre un film moins linéaire qu’il aurait pu l’être, ainsi qu’un personnage principal touchant, farouche et ambitieux, cette adaptation souffre toutefois d’un trop grand nombre de va-et-vient dans le temps, de là parfois à nous perdre inutilement, nous empêchant dès lors de vivre pleinement les événements racontés au présent, et de faire monter une émotion crescendo, bien que ces flashback nous aident à comprendre véritablement le pourquoi du comment. Mais trop, c’est de trop. Aussi, le film pêche par une trop longue durée, d’autant plus vis-à-vis de la prévisibilité et le classicisme de certains segments narratifs décrits. Clairement, le film aurait pu faire une demi-heure de moins, cela n’aurait point empiéter le résultat final, que du contraire.
Émancipation féministe, fresque d’époque étincelante de beauté et de précision, "Les Filles du Docteur March", à défaut de marquer les esprits et de sortir des cases, est un beau film de cinéma, vivifiant et éclaboussant par sa fougue, ses gros sentiments et ses violons, signés Alexandre Desplat.
➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux