Signe(s) particulier(s) :
– premier long métrage en langue étrangère pour le cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda, lui a qui remporté la Palme d’Or au Festival de Cannes en 2018 avec "Une Affaire de Famille" ;
– c’est sa rencontre avec Juliette Binoche en 2011 qui a provoqué la première étincelle et cette volonté de travailler ensemble ;
– présenté à la Mostra de Venise 2019 en compétition officielle et film d’ouverture.
Résumé : Fabienne, icône du cinéma, est la mère de Lumir, scénariste à New York. La publication des Mémoires de cette grande actrice incite Lumir et sa famille à revenir dans la maison de son enfance. Mais les retrouvailles vont vite tourner à la confrontation : vérités cachées, rancunes inavouées, amours impossibles se révèlent sous le regard médusé des hommes. Fabienne est en plein tournage d’un film de science-fiction où elle incarne la fille âgée d’une mère éternellement jeune. Réalité et fiction se confondent obligeant mère et fille à se retrouver...
La critique de Julien
Une fois n’est pas coutume, le cinéaste Hirokazu Kore-eda traite des relations familiales, mais avec l’originalité de le faire dans un film tourné avec une langue étrangère, c’est-à-dire en français, et entouré d’une équipe qui l’est toute autant. Après sa Palme d’Or "Une Affaire de Famille", voici "La Vérité", dans laquelle une grande actrice de cinéma vient de publier ses mémoires, l’occasion pour sa fille, scénariste, de revenir en France. Mais leur relation conflictuelle entre elles va demeurer, et cela à la découverte du bouquin de sa mère, qui ne dit en effet pas totalement la vérité, malgré son titre...
Catherine Deneuve incarne ici Fabienne, immense star de cinéma, mais quelque peu fatiguée par la nouvelle génération et leurs manières. Vaniteuse sans l’être, l’actrice règle alors ses comptes avec son métier, les gens qui l’ont entouré, sa famille (etc.) dans ses mémoires, qui viennent de paraître, tout en tirant volontairement un trait sur certaines parties de sa vie, ou en les grossissant. Et notamment tout ce qui concerne sa fille, Lumir, incarnée par Juliette Binoche, travaillant aux Etats-Unis en tant que scénariste, elle qui avait pourtant tant rêver de faire un jour le même métier que sa maman, et qui est mariée avec un acteur de seconde zone, joué par Ethan Hawke. Grand-mère d’une petite Charlotte, Fabienne se retrouvera alors confrontée à ses contradictions, et son passé, étant donné le tournage d’un film lequel va engendrer une mise en abîme involontaire de morceaux de son histoire, et de sentiments inavoués, elle qui aurait ainsi toujours préféré avoir été une mauvaise mère, une mauvaise amie plutôt qu’une mauvaise actrice, et qui n’aurait jamais non plus été inspirée par une actrice française...
Nul doute ici que le jeu de ses deux grandes actrices principales est directement nourri de leur vécu, et même davantage concernant Catherine Deneuve, sur laquelle tous les regards sont ici posés, elle qui s’offre un rôle aux semblants autobiographiques, et donc à double-sens, c’est-à-dire entre fiction et réalité.
Hirokazu Kore-eda nous livre alors le portrait d’une femme complexe, assidue au travail, mais au crépuscule de sa vie, ayant alors appris, de par son métier, à dissimuler ses sentiments, cacher ses rancœurs, ou encore à éviter de dire la vérité. Il est donc question d’une confrontation personnelle, ainsi qu’avec son enfant, lequel a alors renoncé jadis à exercer le même métier que son modèle maternel, que ça soit par manque de soutien, non-dits, ou par manque de talent, sans pour autant le savoir. En effet, toute vérité est-elle toujours bonne à dire ? Est-ce la vérité ou le mensonge qui fait d’une famille une famille ?
Sans forcément y donner de réponses, Hirokazu Kore-eda n’a jamais caché son penchant pour ces questions, lequel les aborde ici au sein d’un film à la fois grave et empreint d’une douce légèreté, filmé aux couleurs de l’automne parisien, et à l’origine destiné à une pièce de théâtre racontant une nuit dans la loge d’une comédienne de théâtre en fin de carrière. Mais c’est sans compter sur les conseils et regards avisés de ses actrices sur le métier d’acteur qui ont ainsi rendu vivant son histoire.
Tandis qu’il ravive des émotions, un passé enfui, et des liens indéfectibles entre pairs, "La Vérité", principalement destiné aux spectateurs de cinéma d’auteur, nous parle de la famille par le biais des plateaux de cinéma, et du jeu parfois confondant de réalité qu’épouse, à force, ses figures, de là à se mentir à elles-mêmes, pour ainsi se protéger, et repousser ses peurs et regrets les plus profonds, à défaut de blesser ceux qu’on aime.
➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux