Signe(s) particulier(s) :
– premier long-métrage de la une scénariste et réalisatrice franco-tunisienne Manele Labidi après son court métrage "Une Chambre à Moi" (2018).
Résumé : Après avoir exercé en France, Selma, 35 ans, ouvre son cabinet de psychanalyse dans une banlieue populaire de Tunis. Au lendemain de la Révolution, la demande s’avère importante dans ce pays « schizophrène ». Mais entre ceux qui prennent Freud et sa barbe pour un frère musulman et ceux qui confondent séances tarifées avec "prestations tarifées", les débuts du cabinet sont mouvementés… Alors que Selma commence enfin à trouver ses marques, elle découvre qu’il lui manque une autorisation indispensable pour continuer d’exercer…
La critique de Julien
Envie d’un brin de fraîcheur et de soleil entre les tempêtes qui traversent actuellement notre pays ? Alors "Un Divan à Tunis" devrait vous convenir. Pour son premier film, Manele Labidi emmène l’irrésistible Golshifteh Farahani pour un retour au pays tunisien. En effet, l’actrice incarne dans cette tragi-comédie une jeune psychanalyste rentrée au pays après avoir passé une partie de sa vie en France (là où son père est parti en exil), et cela afin d’installer son cabinet en banlieue de Tunis à Ezzahra, et cela au lendemain de la révolution. Mais son projet de vie ne se déroulera pas totalement comme prévu, elle qui se retrouvera confrontée à un pays et à une administration sur lesquels plane le chaos et l’incertitude post-dictature.
Sur un ton léger et parfois caricatural, Manele Labidi nous parle ainsi du pays de ses origines dans sa longue et anxieuse reconstitution après la période de révolution qui l’a frappée du 17 décembre 2010 au 27 février 2011, et cela au travers du quotidien d’une jeune femme en quête de bien-être, de renouveau, et de clients ! Et ça tombe bien, puisque bien qu’ils aient "Dieu", de nombreux tunisiens souffrent d’incertitudes et de stress, et se posent donc de nombreuses questions sur l’avenir de leur pays, sa politique, ou encore son économie, alors que la parole se libère doucement mais surement dans le pays. Selma, 35 ans, fera alors vite les frais de son administration, tournant au ralenti, alors qu’il lui manque une autorisation indispensable pour exercer son métier, au risque d’être emprisonnée...
Solaire, Golshifteh Farahani porte ce film agréable, et plus profond qu’il n’y paraît, elle qui est ici entourée de savoureux seconds-rôles révélant chacun d’eux des troubles personnels développés à la suite des changements politiques et des mentalités en Tunisie, alors que les spectres de l’islamiste et du terrorisme sont à leur apogée. Tel que son personnage principal, on sera alors témoin de situations aussi grotesques que farfelues, lesquelles viendront lui mettre des bâtons dans les roues. Et en l’occurrence, certaines d’entre elles poussent autant à rire qu’à pleurer, ce qui fait aussi le charme de ce film. En effet, "Un Divan à Tunis" suit une trame douce-amère baignée d’humour, mais pourtant bien ancrée dans une réalité qui l’est moins. Mais Manele Labidi le fait ici avec respect, second degré, et un regard progressiste, elle qui n’hésite ainsi pas à confronter les cultures pour mieux les appréhender, et les comprendre. Et puis, ce retour aux sources, à la fois dépaysant et piétinant, apporte autant de vitamine D au moral du spectateur qu’il offre à son personnage principal une propre autothérapie vis-à-vis de son passé et de ce qu’il devra traverser pour atteindre son but, pensé initialement plus accessible. Mais ça, c’était avant !
Vu au cinéma Caméo des Grignoux