Synopsis : Lors d’un ordinaire rendez-vous amoureux en Ohio, un homme noir et une femme noire, sont arrêtés pour une infraction mineure de circulation. La situation dégénère, entraînant des conséquences soudaines et tragiques quand l’homme tue un policier pour se défendre. Terrifiés et leurs vies désormais en danger, l’homme, un employé de magasin, et la femme, avocate de la défense criminelle, se voient obligés de fuir. Mais l’incident a été filmé et la vidéo se propage. Le couple devient alors involontairement un symbole de traumatisme, terreur, deuil et douleur pour les Américains. Alors qu’ils conduisent, ces deux improbables fugitifs vont apprendre à se connaître l’un l’autre, mais aussi se découvrir eux-mêmes dans des circonstances des plus extrêmes et désespérées. Ils vont forger un amour sincère et puissant qui va révéler leur profonde humanité et façonner le reste de leurs vies.
Acteurs : Daniel Kaluuya, Jodie Turner-Smith, Bokeem Woodbine, Chloë Sevigny, Flea, Indya Moore
Melina Matsoukas qui est surtout connue dans le milieu de la vidéographie (et des séries) propose ici son premier long métrage de fiction. L’essai est passablement réussi, même s’il reste sagement dans la route qu’il se trace. Il ne fait pas bon être noir aux USA. De nombreux "faits divers" le rappellent constamment tout comme les polémiques récentes (mais néanmoins récurrentes) sur l’absence des Afro-Américains lors ces célèbres récompenses cinématographiques, comme les Oscars. Tout est écrit dans le synopsis ci-dessus (qui provient du distributeur et est repris Cinébel, c’est dire que nombre de spectateurs connaîtront l’essentiel de l’intrigue) ; la seule surprise (mais en est-ce une) est la fin du film et du road-movie de ces jeunes en cavale. Certains y voient des liens avec Thelma and Louise et Bonnie and Clyde ; ce ne seront pourtant pas ceux que nous ferons en première instance. Il y a certes des similitudes, mais le film s’ouvre sur d’autres perspectives.
Au départ, il y a la fatalité, doublement, celle d’être noir bien sûr, handicap fondamental aux USA (au moins), mais aussi de l’inéluctable enchaînement de petites causes qui mèneront à la mort du policier. Dès lors, plus rien de sera comme avant. L’on pourrait se référer ici aux réflexions de Mme Hannah Arendt dans son livre La condition de l’homme moderne (1958) où elle parle de l’action humaine et des risques de celle-ci, et tout particulièrement de son irréversibilité. Il est impossible de revenir en arrière.
C’est un contrôle "banal" qui va dégénérer de plus en plus parce que l’on ne peut revenir en arrière, la mort du policier, et, avant cela, le contrôle, avant encore la balade en voiture pour faire gagner du temps à Queen, plus tôt leur (deuxième) rendez-vous, et d’abord le premier. Mais aussi du côté du policier, son background que l’on apprendra par le biais des médias qui suivent la fuite de Queen et Slim. L’on se prendra d’empathie pour ce jeune couple condamné à une issue probablement fatale jusqu’à la possibilité d’une solution aérienne pour atteindre Cuba.
Au service de ce récit, road-movie au coeur d’une Amérique raciste, deux acteurs de talents Jodie Turner-Smith (Neon Demon) et tout particulièrement Daniel Kaluuya (Get Out) qui portent ce long-métrage (près de deux heures quinze) sur les épaules et permettent aux spectateurs de les accompagner dans ce périple qu’ils n’envisageaient pas. Une histoire d’amour qui se construit sur fond dune interpellation politique au sens le plus étymologique du mot.