Signe(s) particulier(s) :
– librement adapté du roman "Le Ciel en cage" de Christine Leunens publié en 2004 ;
– prix du public au Festival International du Film de Toronto 2019 ;
– nommé six fois aux Oscar 2020 (qui auront lieu le 09 février prochain), dont dans la prestigieuse catégorie du Meilleur film ;
– les frères jumeaux du jeune acteur - et tête d’affiche - Roman Griffin Davis apparaissent dans le film en tant que clones Nazis.
Résumé : Jojo est un petit allemand solitaire. Sa vision du monde est mise à l’épreuve quand il découvre que sa mère cache une jeune fille juive dans leur grenier. Avec la seule aide de son ami aussi grotesque qu’imaginaire, Adolf Hitler, Jojo va devoir faire face à son nationalisme aveugle.
La critique de Julien
Allemagne, dernières étapes de la Seconde Guerre mondiale. Johannes Betzler (Roman Griffin Davis), dix ans, vit avec sa mère, Rosie (Scarlett Johansson), son père servant sur le front italien, tandis que sa sœur aînée, Inge, est récemment décédée de la grippe. Surnommé "Jojo", le gamin, toujours incapable de serrer ses lacets, participe alors avec son meilleur ami Yorki (Archie Yates) à un camp d’entraînement pour jeunes, dirigé par le capitaine Klenzendorf (Sam Rockwell), et appelé la Deutsches Jungvolk, soit une subdivision des Jeunesses hitlériennes. Fanatique et amoureux de li’dée de la « nation », Jojo se verra harcelé par les membres plus âgés du camp après avoir refusé de tuer un lapin. Heureusement, le gamin, désormais surnommé "Jojo Rabbit", peut se consoler avec son ami imaginaire, en la personne d’Adolf Hitler (Taika Waititi lui-même), ou du moins une version, disons, très fantaisiste. Mais après un accident avec une stielhandgranate (une grenade à main allemande de conception unique), dont les séquelles le forceront désormais à s’occuper de petites tâches en ville, (effaçant ainsi ses espoirs de servir un jour le Führer), Jojo découvrira que sa maman cache une jeune demoiselle juive dans leur grenier, Elsa (Thomasin McKenzie). Cette rencontre remettra alors en question ses convictions...
Taika Waititi. Ce nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant. Réalisateur, acteur et producteur néo-zélandais, c’est à lui que l’on doit le dynamitage des films "Thor" pour Marvel, lui qui en a réalisé le troisième épisode, bien qu’on lui doit également les longs métrages "Boy" (2010), "À la poursuite de Ricky Baker" (2016) ou encore le succès surprise "Vampires en toute intimité" (2014), soit un mockumentaire tourné autour du quotidien de cinq vampires qui doivent s’adapter aux contraintes du vingt-et-unième siècle, et lui-même adapté d’un de ses courts-métrages. Également scénariste de tous ses films (excepté évidemment celui du mastodonte produit par Kevin Feige), Taika Waititi s’est ici librement basé du roman "Le Ciel en cage" de Christine Leunens pour son dernier film "Jojo Rabbit", tout en y incluant son humour si particulier, lequel, à l’instar de Charlie Chaplin ou encore Quentin Tarantino, l’utilise ici pour évoquer Hitler et la Seconde Guerre mondiale, avant de semer de petites doses de drames, par-ci, par-là.
Bien que ça ne soit pas la première fois qu’il offre un rôle principal à un garçon, Taika Waititi s’est ici éloignée de la trame chronologique du film, dans le sens où Jojo ne vieillit pas tel que son personnage vieillit dans le roman. En effet, le cinéaste était intéressé de voir la folie de la guerre et la haine des adultes envers les juifs, et cela au travers des yeux d’un enfant, innocent. C’est que Jojo adore l’idée de s’habiller en uniforme, et d’être accepté par un groupe, comme tous les gamins de son âge…
Divisé en trois parties bien distinctes, "Jojo Rabbit" nous invite d’abord dans le quotidien du jeune héros, à hauteur d’enfant. Dans l’âme, ces premières minutes laissent transparaître tout l’innocence de cette jeunesse embrigadée dès le jeune âge, afin de renforcer l’idéal aryen, développant également en eux l’idée de la communauté nationale du peuple allemand (la Volksgemeinschaft), et leur totale allégeance à Hitler, et sa figure. Burlesque et second-degré se confondent alors ici à l’horreur des paroles et gestes émis par ces nazis à l’encontre des juifs, qu’ils considéraient au mieux comme des monstres. D’ailleurs, les dessins des enfants (dont ceux de Jojo) en disent long sur la représentation qu’ils leur enseignaient des juifs. Jusqu’au jour où Jojo rencontrera une véritable juive...
Après une entrée en la matière dans une ambiance "bon enfant", remplie de seconds-rôles truculents, et représentant les nazis à leur désavantage, Taika Waititi opère ensuite un virage plus dramatico-sentimental, au travers duquel le jeune personnage sera durement touché par la guerre, ainsi que blessé dans la déconstruction de la réalité-établie, qui n’est, en vrai, pas vraiment celle qu’on lui a apprise. C’est que Elsa n’est pas bien méchante ni plus physiquement arrangée que lui. Pire, elle semble avoir un cœur, et attendre patiemment la fin de la guerre pour espérer être libre, et cela grâce à la maman de Jojo, à ses risques et périls...
Même si l’on apprécie le virage effectué à cent-quatre-vingts degrés par Taika Waititi dans sa narration pour nous montrer autre chose qu’une comédie, on n’est pas encore très convaincu par sa capacité à amener l’émotion, et ainsi à jongler avec les ruptures de tons. Pourtant, il peut remercier son jeune acteur Roman Griffin Davis, attachant et touchant au possible (qu’il dirige d’ailleurs ici très bien). Cependant, après une touche dramatique qui ne parvient pas à nous marquer comme elle aurait pu le faire, "Jojo Rabbit" perd pied et se noie dans une derrière partie quelque peu démonstrative, que l’on ne sait comment aborder. Dommage. Qu’à cela ne tienne, le réalisateur parvient à rassembler les bouts, tandis qu’il fait gagner la vie et l’ouverture d’esprit à ses jeunes personnages, tant aimés.