Signe(s) particulier(s) :
– nouvelle adaptation des romans "Docteur Dolittle" (1920-1952) de Hugh Lofting après "L’Extravagant Docteur Dolittle" (1967) de Richard Fleischer et la franchise (très éloignée des romans originaux) "Docteur Dolittle", avec respectivement Rex Harrison et Eddie Murphy dans la peau du célèbre docteur capable de communiquer avec les animaux ;
– alors qu’il devait initialement sortir au printemps 2019, le film a subi trois semaines de reshoot sous la supervision de Jonathan Liebesman et Chris McKay, et cela suite à de mauvais retours à l’issue des projections-tests, notamment au sujet des "éléments comiques du film, qui ne se réunissaient pas aussi bien que les producteurs l’avaient espérés"...
Résumé : Après la perte de sa femme sept ans plus tôt, l’excentrique Dr. John Dolittle, célèbre docteur et vétérinaire de l’Angleterre de la Reine Victoria s’isole derrière les murs de son manoir, avec pour seule compagnie sa ménagerie d’animaux exotiques.
Mais quand la jeune Reine tombe gravement malade, Dr. Dolittle, d’abord réticent, se voit forcé de lever les voiles vers une île mythique dans une épique aventure à la recherche d’un remède à la maladie. Alors qu’il rencontre d’anciens rivaux et découvre d’étranges créatures, ce périple va l’amener à retrouver son brillant esprit et son courage.
Au cours de sa quête, le docteur est rejoint par un jeune apprenti et une joyeuse troupe d’amis animaux, dont un gorille anxieux, un canard enthousiaste mais têtu, un duo chamailleur entre une autruche cynique et un joyeux ours polaire, et enfin un perroquet entêté, le plus fiable conseiller et confident de Dolittle.
La critique de Julien
Alors qu’il ne s’est toujours pas remis du flop de "Cats" de Tom Hooper sorti en fin d’année dernière, Universal studio connaît déjà la banqueroute en ce début d’année. Premier gros film (et test) post-"Avengers" pour Robert Downey Jr., "Le Voyage du Dr Dolittle" avait pourtant tout de la grande aventure, prête alors à rameuter les familles dans les salles, elle qui est d’autant plus fidèle à l’esprit des romans d’Hugh Lofting (dont le premier est paru en 1920) que l’étaient les versions avec un certain Eddy Murphy... Mais ça, c’était ce que les producteurs espéraient...
"Dolittle" (en version originale) nous emmène donc dans l’univers de ce célèbre vétérinaire capable de comprendre et parler n’importe quel langage animalier, lui qui est aussi le fidèle docteur de la Reine Victoria (Jessie Buckley). Sauf que depuis le décès en mer de son épouse, ce dernier s’est confiné dans ses appartements, dans sa réserve naturelle, protégée par la Reine, mais peut-être plus pour longtemps. En effet, cette dernière souffre d’un mal, mortel à terme. Sauf si Dolittle accepte de sortir de sa carapace, et de rejoindre une terre lointaine pour en ramener le remède. Persuadé et accompagné par sa troupe d’animaux aussi loufoques que névrosés, et également rejoins par une jeune recrue du nom de Tommy Stubbins (Harry Collett), Dolittle mettra alors les voiles vers les confins du monde, tout en essayant d’éviter ses rivaux d’époque...
On aurait tant aimé apprécier ce film, censé nous en mettre plein les yeux, tout en nous amusant. Même s’il parviendra sans mal à divertir les plus petits avec sa galerie d’animaux gaffeurs et ses péripéties qui s’enchaînent à rythme effréné (et c’est là le principal), "Le Voyage du Dr Dolittle" cache un monde dont la virtuosité virtuelle noie la beauté intérieure. Car à vrai dire, les enfants ne retiendront pas grand-chose de ce film, si ce n’est donc cette joyeuse troupe d’animaux, dont le comique de situation est propre à chacun. Ecrit à plusieurs mains (et pourtant réécrit en partie, suite à de mauvais retours après les projections-tests), le scénario n’est alors qu’une ineptie aux facilités et ellipses consternantes, au cours duquel, par exemple, les personnages principaux passent d’un point A à un point B en un claquement de doigts. Sans parler des antagonistes, caricaturaux, mettant des bâtons dans les roues du Docteur et de ses amis. Mais tout cela est trop gentil. Mais le plus triste là-dedans est sans doute l’image, elle qui était déjà censée renvoyer à la période Victorienne, qu’on a bien du mal à reconnaître, bien que, pour sa gouverne, la plus grande majorité du film se déroule dans une nature luxuriante, bien qu’artificielle... En effet, les fonds verts se suivent ici à la pelle, pour un résultat pas toujours très lisible, tandis que l’animation du monde animal, très réussie, laisse pourtant comme un goût amer en bouche. C’est-à-dire qu’on aimerait tellement voir autant d’animaux en liberté au mètre carré dans le nôtre, qui est avant tout le leur. Mais on le détruit, à petit feu, lui qui prend cependant de plus en plus vite, notamment ces derniers mois, au Australie. Heureusement, il s’agit-là de cinéma, lequel parvient tout de même ici à nous immerger dans cette échappée sauvage et enchantée, même si un peu trop bruyante.
Doublé par un casting vocal succulent (Emma Thompson, John Cena, Craig Robinson, Selena Gomez ou encore Jason Mantzoukas), et emmené par l’accent gallois d’un Robert Downey Jr. en roule livre, et bourré de tics à la Jack Sparrow, "Le Voyage du Dr Dolittle" partait pourtant de belles intentions, en souhaitant nous parler de deuil et ses blessures indélébiles, mais aussi de l’importance de l’entraide ("aider l’autre, c’est avant tout s’aider soi-même), et de surmonter ses peurs et croire en soi. Malheureusement, ces messages sont écrasés par un trop-plein d’informations visuelles parfois indigestes, et un récit qui court après le temps et surtout la moindre gaffe animalière imaginable. D’ailleurs, nombreuses d’entre elles tombent à l’eau. Encore heureux donc que certains éléments comiques du film aient été retravaillés durant la post-production, qu’on imagine intense, notamment pour son superviseur des effets spéciaux, John Dykstra...
Fatiguant (dans tous les deux sens du terme) et noyé par ses ambitions et sa forme, "Le Voyage du Dr Dolittle" nous laisse (malgré-nous) à quai, tandis qu’on attend toujours (à son issue) le spectacle qu’on aurait tant aimé voir, bien qu’il prendra facilement par la main les plus petits, lesquels rigoleront sans craintes, notamment grâce à son vaste bestiaire, au fort tempérament, et de toute taille (allant d’une libellule à un ours polaire).
Vu au cinéma Acinapolis Jambes