Signe(s) particulier(s) :
– librement adapté du recueil éponyme de douze nouvelles écrites par Anna Gavalda en 1999 ;
– troisième long métrage d’Arnaud Viard après "Arnaud fait son 2e film" (2015) et "Clara et Moi" (2004).
Résumé : Dans la belle maison familiale, à la fin de l’été, Aurore fête ses 70 ans, entourée de ses 4 enfants, tous venus pour l’occasion. Il y a là Jean-Pierre, l’aîné, qui a endossé le rôle de chef de famille après la mort de son père ; Juliette, enceinte de son premier enfant à 40 ans et qui rêve encore de devenir écrivain ; Margaux, l’artiste radicale de la famille, et Mathieu, 30 ans, angoissé de séduire la jolie Sarah.
Plus tard, un jour, l’un d’eux va prendre une décision qui changera leur vie…
La critique de Julien
Au rayon des adaptations impossibles à réaliser, on a longtemps cité le livre d’Anna Gavalda "Je Voudrais que Quelqu’un m’Attende Quelque Part", publié en 1999, et composé de douze nouvelles n’ayant de liens entre elles si ce n’est qu’elles retentissent les émotions et les espoirs de chacun ses personnages. Grand succès public lors de sa sortie, et encore plus lors de la parution de sa réédition en livre de poche, ce recueil a directement parlé au réalisateur, acteur, scénariste Arnaud Viard, lequel avait même rencontré Anna Gavalda à l’époque, et évoqué son souhait d’en faire un film, lui qui a même commencé à en écrire le scénario, en 2010. Près de dix ans plus tard, et alors que les choses n’avaient pu se concrétiser plus tôt étant donné que personne ne voulait financer le projet, voilà que son adaptation cinématographique pointe enfin de bout de son nez dans nos salles, amorcée par l’arrivée d’un certain Jean-Paul Rouve au générique...
Parti de la nouvelle "Clic Clac" qui racontait l’histoire de deux sœurs et d’un frère ayant alors du mal à couper le cordon avec ces dernières, Arnaud Viard a réécrit plusieurs fois son film avec l’aide de ses co-scénaristes dont Thomas Lilti ("Hippocrate", "Médecin de Campagne", "Première Année"), et cela en insufflant à ce point de départ d’autres personnages (tel que le rôle de la maman, jouée par Aurore Clément), des situations, des bouts de dialogues et d’histoires issus des nouvelles d’Anna Valgada. En résulte aujourd’hui un film qui n’a plus vraiment à voir avec l’œuvre originale, si ce n’est dans l’esprit et le cœur.
"Je Voudrais que Quelqu’un m’Attende Quelque Part" nous immerge alors dans la vie d’une famille composée de quatre frères et sœurs, avec Jean-Pierre (Jean-Paul Rouve), l’aîné, puis Juliette (Alice Taglioni), Mathieu (Benjamin Lavernhe) et la cadette Margaux (Camille Rowe). Sans oublier leur maman, venant tout juste de fêter ses septante ans. Cette histoire nous confronte alors à un moment clé de leur existence, et cela face à leur personnalité, à leurs peurs, leurs remords, situations personnelles et professionnelles, mais aussi leurs espoirs. Divisé en deux parties, Arnaud Viard nous invite tout d’abord à découvrir chacun des personnages, et à s’identifier à eux. Très vite, pourtant, le film dégage un thème qui se dégagera des autres, à savoir la dépression. Avec sa mise en scène économique, passant de l’un à l’autre, cette adaptation choisit ainsi une sombre destination, et représente les drames qui peuvent conduire à ce symptôme, au sein d’une famille où les sentiments et choses de la vie ne sont en plus pas toujours dites...
Sans véritable vitalité, les scénaristes mettent en place un simple portrait de famille, auquel a été injecté un bagage peu réjouissant. Et puis, en seconde partie, voilà qu’un drame viendra tous les frapper, lequel ne produira cependant pas l’effet escompté chez le spectateur, étant donné un sentiment de tristesse déjà préalablement installé et construit chez le spectateur. Alors déjà peu gâtés par la vie, les membres de la famille devront apprendre à composer avec cette cicatrice inguérissable, mais également en apprendre, tandis que la vie continue, et que leurs projets doivent aboutir...
Dans le même genre de film, on trouvait par exemple "Photo de Famille" (de Cécilia Rouad) ou encore "Fête de Famille" (de Cédric Kahn) plus explicites dans leurs dialogues, et plus fournis au niveau du développement des personnages, bien que ce "Je Voudrais que Quelqu’un m’Attende Quelque Part" choisisse d’emblée un chemin plus intimiste, discret que ces derniers. Malheureusement, le film d’Arnaud Viard divague la majorité de son temps, et ne propose que peu de face-à-face consistants entre ses personnages et leurs frustrations personnelles, lequel baigne en plus toujours dans les mêmes eaux. Ainsi, malgré la beauté et la pudeur de ses individus, et le jeu touchant de ses acteurs, ce portrait (trop) sensible d’une famille ordinaire ne parvient jamais à briser la glace, ni à rayonner, et ainsi à offrir à ses segments le brin de soleil qu’ils méritent tant (même s’il est suggéré).
Avec son adaptation, Arnaud Viard nous livre des émotions enfuies sans leur permettre de faire surface outre que par le drame. On aurait ainsi préférés plus de mots, et donc plus de temps. Frustrés à notre tour, on ressort de ce film le cœur lourd, non pas par ses propos, mais son ambiance. En effet, on peut enfin respirer. Qu’à cela ne tienne, "Je Voudrais que Quelqu’un m’Attende Quelque Part" parvient à nous toucher dans les grandes lignes, et à refléter les travers et aléas de la vie qui nous échappent, mais que l’on tente de combattre, tant bien que mal, afin d’en ressortir plus forts.
Vu au cinéma Caméo des Grignoux