Synopsis : 1945. La Deuxième Guerre mondiale a ravagé Léningrad. Au sein de ces ruines, deux jeunes femmes, Iya et Masha, tentent de se reconstruire et de donner un sens à leur vie.
Acteurs : Viktoria Miroshnichenko, Vasilisa Perelygina, Andrey Bykov
Le deuxième long métrage du tout jeune Kantemir Balagov est dur, âpre, difficile et mérite cependant amplement d’être vu. Sorti en août 2019 en France et déjà disponible en DVD/B, ilR pourra être vu par des cinéphiles en Belgique. Ceux-ci devront en profiter, car il est malheureusement probable que la carrière de film soit courte... dans un petit nombre de salles, d’autant que le film mérite d’être vu sur grand écran !
Kantemir Balagov a remporté le prix FIPRESCI à Un Certain Regard en 2017 pour son premier film Tesnota, tandis que Beanpole a reçu le prix du meilleur réalisateur dans la section Un Certain Regard à Cannes l’année dernière. Il est sélectionné pour l’Oscar du meilleur film étranger. Balagov a été inspiré par La guerre n’a pas de visage de femme de Svetlana Alexijevich (Prix Nobel de Littérature), un roman sur le million de femmes qui ont combattu dans l’Armée Rouge pendant la Seconde Guerre mondiale.
L’intrigue pourrait se satisfaire d’une scène de théâtre et d’un huis clos. L’on doit attendre la fin du film pour tenter une lecture de l’affiche avec une main sur la bouche d’Iya Sergueeva (Beanpole - "la girafe" interprétée par Viktoria Miroshnichenko dont le physique rappellera celui de Tilda Swinton !). Ce sera lors d’une rencontre familiale qu’elle exprimera l’indicible. Ce non-dit, ce qui était tu et est exprimé ici dans un cercle restreint permettra de comprendre la violence dont elle a fait preuve auparavant.
Mais avant d’ainsi amener au récit une de ses clés de lecture, elle apparait, dès le début du film, immobile, avec un léger râle. La caméra s’attarde sur elle, prend son temps. Autour d’elle, aucune surprise... car son entourage connait ses crises de catatonie, consécutives à la période de guerre. Nous sommes dans un hôpital ou plutôt un centre de soins à Leningrad, détruite, ravagée, portant les stigmates des bombardements. Elle y est infirmière, tout comme son amie Masha. Iya s’occupe d’un enfant qui va mourir dans des circonstances tragiques ; cette mort aura un impact sur les deux amies et celui-ci construira un des fils conducteurs de l’intrigue. Celle-ci est d’ailleurs plus d’ordre psychologique et axera le film sur trois piliers : la relation entre les deux amies (l’une en vert, l’autre en rouge), avec le médecin-chef de l’hôpital et avec un jeune puceau, ami de Masha et qui brûle d’amour pour elle.
Il y a donc un quadrilatère relationnel qui se structure autour d’une dette à payer suite à la mort de l’enfant. C’est aussi l’amer constat des pertes irrémédiables des hommes, mais aussi, voire surtout, des femmes durant la Guerre. Comment les soigner ? Que faire lorsque aucun avenir n’est possible ?
Beanpole est âpre, amer, désespérant et prend le temps pour distiller son message. Si espoir il y a, il est ténu. Ce film exigeant mérite d’être vu par des spectateurs curieux et cinéphiles qui y découvriront une facette du cinéma russe et le talentueux et jeune réalisateur Kantemir Balagov.