Signe(s) particulier(s) :
– neuvième épisode de la saga "Star Wars", créée par George Lucas en 1977, et troisième de la troisième trilogie planifiée et annoncée après l’acquisition de Lucasfilm par la Walt Disney Company en octobre 2012 ;
– après J.J. Abrams pour "Le Réveil de la Force" (2015) et Rian Johnson pour "Les Derniers Jedi" (2017), c’est Colin Trevorrow, qui devait être attaché à la réalisation du film depuis 2015, quittant finalement le projet pour "différends créatifs" en septembre 2017, avant d’être finalement remplacé par J.J. Abrams, clôturant ainsi la trilogie qu’il avait amorcée en 2015 ;
– à la suite du décès avant tournage de l’actrice Carrie Fisher (la Générale Leia Organa), le scénario du film a du être repris depuis zéro, au vu de la grande importance de son rôle dans le scénario initialement prévu, bien que la princesse sera bien présente dans ce dernier opus grâce à des scènes non utilisées des deux précédents épisodes.
Résumé : Environ un an après la mort de Luke Skywalker, la Résistance tente de survivre face au Premier Ordre, désormais mené par un nouveau Suprême Leader, Kylo Ren. Une rumeur agite cependant toute la galaxie : l’Empereur Palpatine serait de retour ! Tandis que Rey s’entraîne sous la houlette de la Générale Leia Organa, Kylo Ren cherche à défier Palpatine, qu’il considère comme une menace à son pouvoir.
#StarWarslAscensiondeSkywalker :
La critique de Julien
Clap de fin pour la postologie "Star Wars", avec "l’Ascension de Skywalker". Il y a deux ans, Rian Johnson (dont le film "À Couteaux Tirés" est toujours en salle) sortait les gants et en réalisait le second épisode, intitulé "Les Dernier Jedi", après un premier épisode en demi-teinte, déjà signé par J.J. Abrams. Balayant le passé, au risque de détruite ses figures les plus emblématiques et de contrebalancer la définition et l’acquisition de la "force", Rian Johnson n’avait alors pas eu peur de l’éclectisme, et jouait de l’espoir et de la destruction de l’empire "Star Wars" pré-établi, pour ainsi permettre à la saga de renaître, enfin soulagée de son passé, prête à regarder vers l’avenir. S’il ne manquait pas d’incohérences scénaristiques, "Les Derniers Jedi" était selon nous une belle réussite, que ça soit au vu de son audace, du spectacle dantesque qu’il nous offrait, de sa mise en scène aux multiples idées visuelles, de ses retournements de situation, ou encore de son écriture, qui signait, certes là, un crime de lèse-majesté, mais à visée novatrice, et dans un univers jusque-là (beaucoup) trop formaté. À l’issue de notre critique du film, on espérait alors que J.J. Abrams allait continuer sur la lancée établie par son prédécesseur. Mais que du contraire.
Plantons le décor. À la suite d’une mystérieuse émission diffusée à l’échelle de la galaxie par le Seigneur Sith (revenant d’entre les morts comme un cheveu dans la soupe), Kylo Ren obtient un appareil Sith Wayfinder, le menant à la source de l’émission, sur la planète Exegol. C’est là que Palpatine lui proposera de mener sa flotte de Star Destroyers, capables chacun de détruire une planète, cela dans le but de mettre fin à toute Résistance, et de créer le Dernier Ordre. Mais cela à la seule condition de lui ramener Rey, qui elle poursuit alors sa formation Jedi sous le commandement du Général Leia Organa. Pendant ce temps, Finn, Poe Dameron et Chewbacca reçoivent des informations d’un espion du Premier Ordre, confirmant ainsi le retour de Palpatine. Rey découvrira alors des notes dans les textes Jedi de Luke Skywalker sur un certain Sith Wayfinder, qui pourrait ainsi les mener à Palpatine...
Prenant des risques et démystifiant le mythe des Jedi et de "la Force", le précédent épisode avait donc déclenché la colère des fans. On ne va pas revenir là-dessus. Abrams, lui, avait alors promis d’effacer tant bien que mal tous les partis-pris scénaristiques réalisés par Johnson au sein de l’univers. Mais force est de constater qu’il fait ici pire que mieux avec "L’Ascension de Skywalker", en crachant littéralement sur "Les Derniers Jedi". Le pire sans doute, dans sa démarche, c’est de revenir à du pur fan-service, linéaire à souhait, et de nouveau hanté par les fantômes du passé, en témoigne (comme le laissait entendre très explicitement la bande-annonce) le retour de l’Empereur Palpatine.
"L’Ascension de Skywalker" est un interminable voyage galactique. Alors qu’ils essaient de colmater ce qu’ils n’ont précédemment pas apprécié, les scénaristes J.J. Abrams et Chris Terrio (sous une première monture signée Colin Trevorrow et Derek Connolly) nous servent tout d’abord un space-opera situé dans la lignée de la franchise, qui en possède donc tous les ingrédients. Visuellement, la direction artistique est au service du produit, et nous livre un spectacle totalement en accord avec son univers. Mais le scénario, lui, sent bien trop le rafistolage, et tente de nous faire admettre ses idées, et les intentions soi-disant préméditées de certaines de ses caractères. Les principaux personnages de la dernière trilogie prennent alors part, avec plus ou moins de consistance, à cette course contre la montre autour d’indices menant à la flotte du Premier Ordre. Mais tous n’ont alors pas droit au même développement, malgré les portes laissées ouvertes par Rian Johnson. C’est que la maigreur du script ne laisse tout simplement pas la place à tous ses caractères, tandis qu’il en introduit de nouveaux. Cherchez l’erreur.
Mais cet ultime épisode laisse comme un sérieux goût d’amertume, parce qu’il ne parvient tout simplement pas à livrer une seule scène d’anthologie digne de ce nom. Assez fade, et même peu crédible dans ses rebondissements (ou plutôt "excuses"), le film de J.J. Abrams, malgré des débuts tonitruants, ennuie rapidement.
Certes, cet épisode neuf enchaîne les sous-intrigues et lieux visités à vitesse V V prime, dynamisant ainsi ce final, mais rien n’en dépasse, et rien n’étonne. Pire, on ne parvient jamais à s’identifier à quoi que ce soit, l’histoire ne possédant aucun pied-à-terre. Tout s’inscrit alors dans un schéma qui ne prend (plus) aucun risque, au contraire du cinéma de Rian Johnson. Dans cette optique, même les quelques clins d’œil et caméos ne réalisent aucunement l’effet attendu. À croire donc qu’Abrams n’a pas appris de ses erreurs, et s’est contenté d’un nouveau remake et hommage (un peu trop) appuyé, mais cette fois-ci à toute la première trilogie. Heureusement, le cinéaste ne jette pas tout ce qui a été mis en place, mais surfe davantage sur la redite, plutôt que sur la vague. Dommage.
Enfin, parlons de la Force. Souvenez-vous, à la fin des événements du précédent film, Luke, épuisé, mourrait paisiblement sur Ahch-To (ne faisant plus qu’un avec la Force), tandis qu’à Canto Bight, un homme d’écurie de Fathiers déplaçait un balai sans le toucher, tout en regardant vers l’espace. Ici, Rey en termine de manière impromptue son apprentissage, avant de se rendre compte qu’elle ne parvient pas encore à la maîtriser (lors d’une scène - parmi d’autres - qui tentait de secouer un peu les retombées des nouvelles péripéties, mais en vain). Mais pourquoi donc Rey possède-t-elle une telle force, sans être un Jedi ? Telle est la question à laquelle tente maladroitement de répondre ce film, usant d’un improbable alibi. La Force, telle que lui a inculquée Luke au cours d’un apprentissage mesurée et passionnant n’est plus reléguée ici qu’à de gros effets, et quelques acrobaties. La nuance n’est plus de mise, elle qui est plutôt ici synonyme de sacrifice. Une fois de plus, force est de constater que la voix entamée n’a pas été suivie.
Amateurs de sabres lasers et de batailles spatiales trouveront sans doute leur compte dans ce dernier round gagné d’avance par la Résistance (le contraire nous aurait ainsi bien étonné). Mais on espérait tout de même beaucoup plus de l’issue de cette trilogie, dont on ne gardera finalement en mémoire que la nostalgie qu’elle aura suscitée, incapable de créer du neuf avec de l’ancien, en s’apitoyant d’ailleurs sans cesse sur ses plus grandes figures, mises à mal malgré leur légende, et ne connaissant nullement le dénouement qu’elles méritaient. Quant aux nouveaux personnages, la relève installée dans ces trois films n’avait tout simplement pas la carrure, ni l’écriture nécessaire pour maîtriser un tel patrimoine cinématographique sur leurs épaules. Sans doute cela aurait été mieux de contrer la direction générale du projet prise par le PDG de Disney et de ses producteurs (comme a essayé de le faire le réalisateur de "Looper"), lesquels ont alors préférés rester dans le ton et le visuel de la trilogie de George Lucas, lui qui a ainsi déclaré dans ses mémoires (parues le 23 septembre aux États-Unis) qu’il n’y avait rien de nouveau dans ces nouveaux films...
Alors que d’autres films estampillés "Star Wars" sont annoncés pour 2022, 2024 et 2026 (sans savoir jusqu’à présent s’ils constitueront une trilogie à part entière, ou seront des épisodes autonomes tels que des spin-offs ou prequels), "Star Wars - Episode IX : l’Ascension de Skywalker" n’est pas la conclusion tant attendue, mais bien un gigantesque divertissement ultra-codifié et aveuglément fidèle, inscrit au sein d’un univers qui n’aura pas su se réinventer, malgré de (très) beaux élans.