Signe(s) particulier(s) :
– adaptation du roman "Pas facile de voler des chevaux" ("Ut og stjæle hester") de Per Petterson, paru en 2003 ;
– Ours d’argent de la meilleure contribution artistique pour Rasmus Videbæk (direction photo) à la Berlinale 2019.
Résumé : Novembre 1999. Trond, âgé de 67 ans, vit dans la solitude dans une maison reculée dans la forêt, et a hâte de passer le réveillon du Nouvel An 2000 seul. Alors que l’hiver arrive, il découvre qu’il a un voisin, un homme qu’il connaissait déjà en 1948, l’été où il avait 15 ans. Cet été-là, le père de Trond le préparait à supporter le fardeau de sa trahison et de sa disparition à venir. Aussi, Trond grandissait et sentait l’odeur d’une femme qu’il désirait ardemment ; la même femme avec laquelle son père se préparait à passer le reste de sa vie...
La critique de Julien
C’est la seconde fois que l’on retrouve cette année-ci un film du norvégien Hans Petter Moland au cinéma, lui qui a en effet mis en scène "Sang Froid", le propre remake américain de son film "Refroidis" (2014), avec cette fois-ci Liam Neeson en tête d’affiche, remplaçant Stellan Skarsgård. Navigant entre les années 1943, 1948, 1956 et 1999, "Out Stealing Horses" ("Ut Og Stjæle Hester" en version originale) est adapté du roman du même nom écrit par Per Petterson, et publié aux éditions Gallimard, il y a plus de quinze ans.
Dans ce drame introspectif et historique, Trond (Skarsgård, pour la cinquième fois devant la caméra de Moland), 67 ans, se retire à la campagne norvégienne enneigée, et a enfin le sentiment que son rêve de quiétude est en passe de se réaliser. Mais un soir, il fera la connaissance de son voisin Lars, lequel va le plonger dans des réminiscences du passé, plus de cinquante ans en arrière, au dernier été où il a vu son père, soit ce même été où un horrible accident frappait la famille de Lars...
Alternant sans cesse entre passé et présent, Hans Petter Moland adapte avec une précision chirurgicale ce roman, abordant des thèmes riches au cinéma scandinave, dans sa pure tradition. Il y a tout d’abord la relation père-fils, exempt de communication, celle qui va engendrer un tissu relationnel qui forge, et qui va (in)directement pousser à reproduire le même schéma relationnel, et erreurs. Le film traite aussi d’amour contrarié, de culpabilité, et surtout de la perte d’un être cher, traumatique, celle du genre qui vous poursuit toute une vie. Ancré dans la Norvège à l’aube des années 2000 au présent, et dans un climat de collaboration et de résistance en pleine Deuxième Guerre mondiale au passé, "Out Stealing Horses" est sublimé par une bande originale aux accents de western nordique et surtout par une photographie captant l’essence même de la forêt, ainsi que la rusticité du contexte dans lequel évolue (au passé) ses personnages et cette histoire, quant à elle aussi dense que la nature imposante qu’elle présente. Aussi, le réalisateur enchaîne les mouvements de caméra stylisés, parfois à la manière d’un documentaire quand il se met à filmer les grands espaces sauvages norvégiens, tandis que montage, très organique et fluide, appuie aussi le lien important qui lie ses caractères à la nature environnante, dont leur vie dépens.
S’il s’agit-là d’un cinéma à la fois classique et audacieux, au service d’un récit à l’allure d’une fresque, on ne parvient malheureusement pas à en comprendre tous les ressorts, ni à en capter toutes les émotions. Car "Out Stealing Horses" baigne dans la culture scandinave, et son histoire, que connaît sans doute bien plus que nous Hans Petter Moland. De plus, les émotions, froides, ne réussissent pas toujours à soulever notre empathie, tandis que ce retour en arrière ressemble à une (très) longue thérapie aux méthodes scandinaves, nous perdant alors dans les méandres psychologiques humains, auxquels il faut pourtant être toujours attentifs. Certes, c’est interprété avec une profonde nostalgie abîmée, et mis en lumière avec des paysages ruraux luxuriants de beauté, mais "Out Stealing Horses" est tout de même à réserver à un public patient, et donc averti.