Signe(s) particulier(s) :
– quatrième long métrage de l’écrivaine, actrice, scénariste et réalisatrice française Fabienne Berthaud, adapté du livre "Mon initiation chez les Chamanes" (2004) de Corine Sombrun, publié aux Éditions Albin Michel, laquelle a participé à toute la fabrication du film ;
– Narantsetseg Dash, qui joue ici l’interprète de Cécile de France dans le film, n’est autre que la véritable interprète qui a accompagné Corine Sombrun, 18 ans auparavant, en Mongolie.
Résumé : Partie en Mongolie chez des éleveurs de rennes pour enregistrer des chants traditionnels, Corine pensait pouvoir surmonter la mort de Paul, son grand amour. Mais sa rencontre avec la chamane Oyun bouleverse son voyage, elle lui annonce qu’elle a reçu un don rare et doit être formée aux traditions chamaniques. De retour en France, elle ne peut refuser ce qui s’impose désormais à elle : elle doit repartir pour commencer son initiation… et découvrir un monde plus grand.
#UnMondePlusGrand :
Il y a quelques mois, notre compatriote (de naissance) Virginie Efira s’en allait au Kirghizistan en compagnie de Kacey Mottet Klein dans le dernier film de Joachim Lafosse, "Continuer", librement adapté du roman du même nom (publié aux Editions de Minuit) de Laurent Mauvignier. Elle y interprétait alors le rôle d’une mère qui tentait de recoller les morceaux avec son fils (dont elle ne s’était jamais occupée), ainsi que de le remettre sur le droit chemin, étant donné sa situation compliquée, et cela en entreprenant avec lui une longue traversée des étendues sauvages du pays, à dos de cheval. Aujourd’hui, c’est une autre de nos représentantes qui part à la conquête de l’Asie, en la personne de Cécile de France, pour le film "Un Monde Plus Grand", de la cinéaste Fabienne Berthaud. En effet, il s’agit ici de l’adaptation d’un des livres de Corine Sombrun, qui est une spécialiste du chamanisme mongol, alors formée à la transe par des chamanes de Mongolie, et dont le parcours a permis des recherches scientifiques sur la transe chamanique.
Au départ, c’est au Pérou que Corine Sombrun connaîtra sa première expérience de transe chamanique, motivée par son désir de transcender son deuil amoureux. Puis, alors qu’elle travaille pour BBC World Service, en 2001, elle partira faire un reportage sur les traditions chamaniques au nord de la Mongolie, là où ses réactions incontrôlables (lors de cérémonies auxquelles elle assistera) témoigneront de ses dons pour le chamanisme, elle qui sera alors initiée à la tradition pendant trois années. Cette histoire relatée dans le livre "Mon initiation chez les Chamanes" fait ici l’objet d’une adaptation cinématographique, dans laquelle Cécile de France joue son rôle, mais entourée par celle-ci, étant donné sa présence imminente sur l’ensemble du projet (consultante sur le scénario, conseillère technique sur les scènes de transes, doublage, etc.). Il est alors question de Corine, qui ne parvient toujours pas à se remettre de la mort de son compagnon. En pleine dépression, elle acceptera alors de partir pour son boulot enregistrer des chants traditionnels, en l’occurrence en Mongolie, l’occasion d’oublier la mort de Paul, au sein de la communauté nomade des Tsaatans, des éleveurs de rennes, qui comptent quelques chamanes, dont Oyun. Sans y croire, cette rencontre va pourtant changer sa vie, et laisser place en un voyage de découverte et de deuil, en quête de voies ancestrales et oubliées, mais surtout elle-même...
Disons-le tout de suite, "Un Monde Plus Grand" est un drôle d’objet de cinéma, situé entre le documentaire et la fiction romanesque, tout en respectant l’histoire de la personne dont il s’inspire. Et ce film se vit avant tout comme une expérience inédite en terre mongole - et sa steppe inaccessible, portée par une sublime photographie. Fabienne Berthaud met alors en scène une histoire d’amour difficile à cicatriser, et confronte notre conscience de spectateur au chamanisme, que l’on ne connaît que très peu dans nos contrées. Et que l’on y croît ou non, on découvre de manière interrogée cette pratique de méditation entre l’être humain et les esprits, ainsi que ses traditions (tels que ses instruments). Certaines scènes sont ainsi assez originales, voire très "animales", surtout lorsque Corine se retrouve dans un état de transe. Et puis, il y a aussi une part volontaire d’irrationalité dans ce récit, où la caméra de la cinéaste nous plonge dans la communication de Corine avec ces esprits dont, elle l’espère, celui de l’homme qu’elle aimait... Fasciné, et espérant trouver des réponses à ses questions, le personnage de Cécile de France créé en nous une certaine empathie, étant donné le poids de son deuil impossible, lequel va alors trouver la foi en cette pratique, et surtout trouver un nouveau sens à sa vie. Et l’actrice rend d’autant plus crédible ce personnage qu’elle l’interprète avec dévotion et croyance, elle que l’on sent à la fois très impliquée, et curieuse.
Et si c’était finalement dans le monde de l’invisible que résidaient les réponses que l’on se pose sur notre existence, loin du matérialisme de notre monde ? "Un Monde Plus Grand" nous invite en tout cas au voyage, sans taper sur le clou, ni forcer notre adhésion. Certes, il plaira davantage aux personnes ouvertes qu’aux cartésiennes, mais il en demeure une œuvre intrigante, qui convoite petits et grands esprits. Quoi qu’il en soit, les recherches scientifiques autour de la transe chamanique ne sont pas à remettre en question, et prouvent notre soif d’en savoir plus, et d’ouvrir nos portes à l’inconnu...