Synopsis : Islande, à Noël. Alors que le pays se prépare pour cette période spéciale, une atmosphère particulière règne, laissant la population à la fois excitée et préoccupée. En 56 scènes, ce long métrage dresse un portrait de la société moderne.
Du cinéma islandais, nous avons écrit à plusieurs reprises qu’il nous surprenait toujours et ne nous décevait jamais. Tel est bien le cas de ce troisième long métrage de Rúnar Rúnarsson (dont nous n’avons pas vu les précédents).
Et autant écrire de suite que ce film est déconcertant par sa forme singulière. Le réalisateur nous offre 56 plans-séquences fixes, d’une durée de quelques secondes à quelques minutes pour un film relativement court (1h19). Il y a un peu la technique de Dietrich Brüggemann dans Kreuzweg (2014) et surtout de la composition de Roy Anderson. A la différence pour le premier qu’il y avait trois scènes où la caméra n’était pas fixe, et, pour le second que celui-ci crée les "tableaux" des scènes tournées.
Ici, la démarche est différente. Le film est tourné sans acteurs. le réalisateur place sa caméra à un endroit donné et filme ce qui se déroule. Il n’y a pas d’acteurs, mais le réel de situations de vie islandaises durant quelques semaines, de l’Avent à Noël et au Nouvel An. Le film, tourné entre décembre 2018 et janvier 2019, touche au cinéma expérimental en filmant la banalité du quotidien. Que se passe-t-il ? Rien, sinon le temps qui passe et qui est ici probablement le seul fil conducteur. Le réalisateur présente son film comme un "écho d’une société post-moderne, miroir du monde contemporain". Il souhaite "faire le portrait de différentes couches de la société irlandaise en suivant un déroulement linéaire" dans un style poétique, néo-vérité.".
Il faut un certain temps pour entrer dans le film, pour se laisser porter par lui, kaléidoscope d’une société à une période de son histoire. Il faut savoir gré à ses protagonistes d’avoir accepté de se laisser filmer dans leur quotidien, jusque dans l’ordinaire extraordinaire d’un accouchement. Ce qui donne à penser à la préparation des scènes en amont ! Il faut aussi relever l’importance du cadre. Car placer une caméra fixe, cela ne se fait pas n’importe comment, n’importe où et l’on sent ici toute la richesse d’un réalisateur qui laisse les choses et le temps advenir dans le champ où il ne dirige rien.
Précisons enfin que ce film est plutôt destiné au public en quête d’expérience et de découverte. Sa sortie devrait être restreinte, il faudra profiter alors de l’instant présent. Ensuite, peut-être que certains souhaiteront découvrir les autres films de Rúnar Rúnarsson Sparrows et Volcano et, pourquoi pas, aller à la découverte du cinéma islandais.