Signe(s) particulier(s) :
– troisième métrage de la cinéaste Lorene Scafaria après "Jusqu’à ce que la Fin du Monde Nous Sépare" (2012) et "Ma Mère et Moi" (2015), tous deux passés inaperçus chez nous ;
– basé sur une histoire vraie d’un groupe de strip-teaseuses ayant arnaqué leurs riches clients, relatée par la journaliste Jessica Pressler dans un article du New York Magazine (2015) intitulé "The Hustlers at Scores" ;
– les chanteuses Lizzo et Cardi B font ici leurs débuts au cinéma, tandis que le chanteur Usher s’y est vu offrir un petit rôle.
Résumé : Des strip-teaseuses se lient d’amitié et décident de conjuguer leurs talents pour arnaquer et prendre leur revanche sur leurs riches clients de Wall Street. Leur plan fonctionne à merveille, mais argent et vie facile les poussent à prendre de plus en plus de risques…
La critique de Julien
On avait déjà vu pas mal de films d’arnaque au cinéma, mais encore jamais à talons ! Emmené par Jennifer Lopez, qui s’offre ici l’un de ses rôles les plus importants, "Queens" (en référence à l’un des cinq arrondissements de la ville de New York) ou "Hustlers" en version originale (littéralement traduit par "Arnaqueuses") permet aussi à sa réalisatrice Lorene Scafaria de connaître son premier succès au cinéma, alors que cette comédie dramatique a été présentée, en première mondiale, au Festival international du film de Toronto en septembre dernier. Oui, rien que ça !
Inspiré par un article relaté dans New York Magazine à la date du 28 décembre 2015, et écrit par Jessica Pressler, "The Hustlers at Scores" nous parlait alors d’une "histoire moderne de Robin des bois, où quelques strip-teaseuses ont volé (pour la plupart) des hommes riches (généralement) dégoûtants (dans leur esprit) et pathétiques, lesquelles se sont livrées à elles-mêmes", telle qu’a pu le déclarer la journaliste en préambule de son article. C’est également un bon résumé de ce film, lequel revient, avec liberté, sur cette histoire plus "m’as-tu-vu" que sensationnelle.
Les faits nous sont alors racontés en parallèle aux propos recueillis par une journaliste (Julia Stiles dans le rôle de Jessica Pressler) travaillant sur une histoire impliquant d’anciennes strip-teaseuses ayant escroqué des traders de Wall Street. En plein interview, Destiny (Constance Wu, dans celui de Roselyn ’Rosie’ Keo) répond ainsi à ses questions sur ses anciennes activités menées avec sa mentor Ramona Vega (Jennifer Lopez, alias Samantha Barbash) et deux autres demoiselles, Mercedes et Annabelle, tandis qu’on l’on découvre en images leur histoire commune. Pour faire court, quatre femmes avaient mis au point un stratagème de "pêche" aux loups de Wall Street, divisé en trois étapes, la première étant d’appeler un riche client d’un club de strip-tease, en le séduisant aussi à l’aide de textos et de selfies. La seconde consistait à lui demander de rencontrer l’une d’elles, et cela afin qu’elle puisse l’alimenter avec des boissons et des substances (une "pincée" d’une élange de MDMA et de kétamine), puis de le convaincre de venir au club de strip-tease et enfin, cerise sur le gâteau, d’utiliser à volonté sa carte de crédit. Mais devenues avides et négligentes, elles ont fini par se faire pincer par les forces de l’ordre, tout en ayant bien profité quant même de leurs nombreux butins...
Mis en scène avec efficacité, "Queens" fait toute d’abord la part belle au corps de Jennifer Lopez, laquelle s’adonne d’ailleurs à une scène très "hot", et prouve que, à cinquante ans, la pop-star n’a toujours rien perdu de son sex-appeal. Mais l’actrice donne aussi du caractère à son personnage, Ramona, un bout de femme au fort tempérament, n’ayant alors aucun scrupule à se délecter de l’argent de riches imbéciles irrespectueux envers les femmes. Si elle rayonne dans ce rôle, assez caricatural pourtant par rapport à son image quand on pense aux millions de dollars qu’elle pèse dans l’industrie actuelle, l’artiste se fait pourtant voler la vedette par sa partenaire de jeu, Constance Wu, révélée l’année passée dans la comédie romantique "Crazy Rich Asians". Née de parents taïwanais émigrés aux USA, la demoiselle est véritable la sensation du film. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que ce dernier est raconté suivant son point vue, elle qui a alors été prise sous son aile par Romana (Lopez). La complicité et relation qu’entretiennent ces deux femmes sont certainement les principales attractions qui animent le film, outre des séances de déshabillage aux allures de clip vidéo, et évidemment une arnaque orchestrée en bonne et du forme. Le reste du casting n’est cependant pas en reste, tandis que l’ensemble fait preuve d’une belle alchimie et solidarité féminine. Et puis, les popotins s’affolent ici de manière assumée au son d’une bande-originale tonitruante, allant de Janet Jackson à Fiona Apple, en passant par Britney Spears et Lorde, sans oublier un petit caméo de Usher, en tant que client de la boîte de strip-tease...
Cette histoire écrite par Lorene Scafaria, d’après un article de presse, est donc surtout un prétexte pour nous parler d’une amitié profonde et complexe entre deux femmes, mais également des sacrifices que toute mère est prête à faire pour ses enfants. Mais toute cette machinerie n’est finalement ici qu’une métaphore visant le pays de l’oncle Sam. Le personnage de Jennifer Lopez citera d’ailleurs "l’Amérique, c’est un gigantesque club de strip-tease. Certains jettent les billets et les autres dansent"... On vous laisse deviner le sens de cette réplique, certes un peu grasse, mais pas non plus stupide pour un sous. Enfin, "Queens" parvient aussi à générer quelques situations assez marrantes, notamment lorsque les demoiselles testent leur plan ou perdent le contrôle de celui-ci. On s’attache donc, par la force de leur sympathie et de leur détermination, à ses femmes.
Mais tout ce bruit fait autour de cette affaire méritait-il d’être entendu, et porté à l’écran ? On n’en est pas si sûr. Alors que les quatre vraies arnaqueuses ont été inculpées de multiples chefs de grand larcin, voies de fait, assaut, complot et falsification, aucune d’elles n’a été condamnée à une peine d’emprisonnement. Samantha Barbash a ainsi été condamnée à cinq années de probation, Roselyn Keo a échappée à la sentence suite à un accord de plaidoyer en mars 2016, tandis que les deux autres ont plaidé coupables, et ont été condamnées à des peines de week-end de prison pour quatre mois, en plus d’une probation de cinq ans. Dans ce sens, après tous les artifices mis en place dans son film pour illustrer comment les demoiselles ont exécuté leur plan, on sent que Lorene Scafaria n’a pas su comment conclure son film. Dès lors, "Queens" tire en longueur, et finit par tourner inlassablement en rond. Et c’est bien dommage, car tout avait si bien commencé (avec, par exemple, la crise financière de 2008). Compte tenu ainsi du manque de conséquences judiciaires fortes quant aux faits réels, la chute fictive n’est pas ici franchement méchante, surtout vis-à-vis du discours tenu par les vraies demoiselles, elles qui considèrent n’avoir rien fait de mal... Une fois donc l’effet passé, le soufflet est retombé !
S’il est synonyme d’une énième rébellion illégale et illusoire face au monde inégal et capitaliste pourri par l’argent et ceux qui s’en donnent tous les droits, "Queens" est un divertissement sympathique haut en couleur, et musique, porté par un duo principal et féminin assez magique, ainsi qu’une mise en scène classique, mais performante, malgré une dernière partie nettement moins intéressante.