Signe(s) particulier(s) :
– film biographique sur les débuts de l’écrivain, poète, philologue, essayiste et professeur d’université britannique J.R.R. Tolkien, auteur du "Hobbit" (1937) et du "Seigneur des Anneaux" (1954) ;
– premier film produit par Fox Searchlight Pictures après l’acquisition de la 21st Century Fox par Disney le 20 mars dernier ;
– neuvième long métrage du cinéaste finlandais Dome Karukoski, à qui l’on doit notamment "Tom of Finland" (2017).
Résumé : TOLKIEN revient sur la jeunesse et les années d’apprentissage du célèbre auteur. Orphelin, il trouve l’amitié, l’amour et l’inspiration au sein d’un groupe de camarades de son école. Mais la Première Guerre Mondiale éclate et menace de détruire cette « communauté ». Ce sont toutes ces expériences qui vont inspirer Tolkien dans l’écriture de ses romans de la Terre du Milieu.
La critique de Julien
Au rayon des films biographiques impersonnels, on citera dorénavant "Tolkien" de Dome Karukoski, lequel revient avec libertés (et à vol d’oiseau) sur l’enfance et les origines de la naissance de l’oeuvre de John Ronald Reuel Tolkien, entre les histoires que lui lisait sa mère, jusqu’à son retour du front, lui à qui l’on doit notamment "Le Hobbit" (1937) et du "Seigneur des Anneaux" (1954). Alors que la famille de Tolkien et le Domaine de Tolkien (l’organe juridique qui gère les biens de l’écrivain anglais, y compris le droit d’auteur pour la plupart de ses œuvres) ont publié en avril dernier une déclaration précisant qu’ils ne cautionnent ni le film ni son contenu, "Tolkien" est sorti un mois après, en catimini, dans les salles anglaises, puis américaines, mais sans succès. En même temps, jouer la contre-programmation face aux géants "Avengers 4 : Endgame" et "Detective Pikachu" n’était sans doute pas la meilleure chose à faire...
Le film aborde alors certains passages de la vie de Tolkien. On y découvre ainsi son enfance, entre l’absence d’un père et la présence assidue d’une mère, Mabel Tolkien (catholique romaine), qui lui donnait cours à la maison (ainsi qu’à son frère), tandis que John préférait les langues, elle qui lui enseigna très tôt les rudiments du latin. Puis, suite à son décès (d’un diabète aigu), c’est le prête Francis Morgan qui deviendra son tuteur, lui qui fut placé avec son frère dans une pension, pendant leurs études, où il rencontra sa dulcinée, Edith Ann Bratt, une jeune étudiante protestante plus âgée, ce qui ne plaira pas à son tuteur, qui lui interdira d’entretenir une relation avec jusqu’à ce qu’il soit majeur, ce qu’il tiendra. Aussi, le film revient en parallèle à son amitié avec un groupe de trois étudiants, avec lesquels il trouvera l’inspiration et le courage, tandis que ses compétences lui permirent d’intégrer la prestigieuse King Edward’s School de Birmingham, où sa créativité florissante s’épanouissait. Avec Robert Gilson, Christopher Wiseman et Geoffrey Smith, ils formèrent le club secret surnommé le "Tea Club and Barrovian Society" (TCBS), où ils refaisaient le monde et s’encourageaient mutuellement. Et puis vint l’épisode de la terrible bataille de la Somme, durant la Première Guerre mondiale, où les quatre amis s’engagèrent, mais d’où certains ne revinrent jamais. Enfin, le film prend fin alors que J.R.R. Tolkien devient professeur à Oxford, et lorsqu’il écrira la première phrase de son livre "Le Hobbit", "In a hole in the ground, there lived a hobbit".
"Tolkien" emprunte une mise en scène des plus classiques pour raconter le début d’histoire de l’artiste, que l’on découvre entre des images de ce dernier sur le front, alors que résonnent les cris de ses amis, et qu’il y croise, dans un épais brouillard de la mort, un dragon (en référence à sa première histoire, écrite à l’âge de sept ans), ainsi que des chevaliers, tout droit sortis de son imagination débordante.
Et c’est à peu près tout ce qui fera ici référence à ses œuvres les plus connues, outre son amour pour les langues (il en a d’ailleurs inventé une), et pour le dessin.
En plus d’être peu évocateur et très linéaire dans sa biographie, Dome Karukoski et ses scénaristes passent ici à la grosse loupe la véritable vie de Tolkien, en déformant parfois la réalité, mais aussi en prenant des raccourcis beaucoup trop énormes, notamment liés à ses aspirations religieuses, d’autant plus qu’il aurait été plus intéressant et pertinent d’aborder la question de l’esprit de l’artiste. D’ailleurs, ce sont les scènes où il entrevoit un monde imaginaire, dans les tranchées, qui sont ici les plus réussies, et originales, elles qui illustrent tout de suite ses exceptionnelles créations. À défaut, "Tolkien" suit un chemin des plus balisé, romancé, où l’émotion n’atteint en plus jamais les sommets attendus, tandis que les acteurs, sans être mauvais, ne transcendent pas leurs personnages. Tout est ici finalement un peu trop lisse pour sortir du lot, et fort peu fantaisiste. Le comble pour un film qui traite du créateur de la Terre du Milieu...
Alors qu’Amazon a acquis les droits TV mondiaux du "Seigneur des Anneaux" en novembre 2017, et s’apprête à créer une série en cinq saisons (laquelle aurait lieu durant le second âge de la Terre du Milieu, plusieurs millénaires avant la trilogie de Peter Jackson) et se basant sur l’œuvre de Tolkien (pour près d’un milliard de dollars de budget par saison), "Tolkien" n’est quant à lui pas à la hauteur de cet incroyable auteur.