Signe(s) particulier(s) :
– biopic consacré à l’incroyable histoire du danseur cubain Carlos Acosta, lequel joue ici son propre rôle, tandis que le film s’inspire de ses mémoires, intitulées "No Way Home", publiées en 2008 ;
– scénarisé par Paul Laverty, l’époux à la vie de la réalisatrice du film, lequel a écrit 14 scénarios pour Ken Loach, dont celui de ses deux Palmes d’or.
Résumé :
Cuba, les années ‘80. Le rebelle Carlos – son père l’appelle affectueusement Yuli - a toujours réussi à éviter les pupitres d’école et a grandi dans les rues de La Havane. Dans l’espoir d’une vie meilleure, Pedro envoie son fils talentueux à l’Académie Nationale de Ballet de Cuba. Contre sa volonté et malgré sa première résistance, Yuli est finalement conquis par le monde de la danse. C’est le début d’une carrière légendaire. A 25 ans, il dansait déjà avec le célèbre Royal Ballet de Londres, où il a été le premier danseur noir à assumer le rôle de Roméo. À ce jour, Carlos Acosta est considéré dans le monde entier comme l’un des meilleurs danseurs de sa génération.
La critique de Julien
Ce biopic consacré au danseur de ballet Carlos Acosta, et à son incroyable parcours, débute par un travelling aérien se rapprochant des murs de l’Académie Nationale de Ballet de Cuba, à La Havane, pour se refermer alors sur cette même scène, mais cette fois-ci en s’en éloignant. Cela n’est évidemment pas anodin, étant donné que la réalisatrice espagnole Icíar Bollaín ("L’Olivier", "Même la Pluie") cherche directement à nous plonger dans cet endroit somptueux, devenu la véritable maison de Carlos Acosta, sous l’impulsion de son père camionneur. Scénarisé par Paul Laverty, à qui l’on doit déjà le précédent scénario de la réalisatrice ("L’Olivier", sorti il y a trois ans), tout comme ceux d’une dizaine de longs métrages de Ken Loach, le film est inspiré des mémoires du danseur, intitulées "No Way Home", tout en les adaptant sous forme d’une fiction réaliste. Cerise sur le gâteau, Carlos Acosta incarne ici son propre rôle. On le découvre alors dès les premières scènes du film, tandis qu’il dirige à son tour de futurs danseurs, à l’Académie Nationale de Ballet de Cuba, là où il a créé aujourd’hui sa propre compagnie et école de danse. Mais entre deux répétitions, Acosta jettera un œil sur un album photos légué par son papa, lequel se remémora dès lors son parcours, alors que sa carrière a maintenant atteint les sommets...
Dans la catégorie des biopics, "Yuli" n’est certainement pas un mauvais élève, et nous conte la destinée hors du commun d’un petit garçon des rues devenu artiste de danse mondialement reconnu. Surnommé "Yuli" par son père, en référence au fils du Dieu africain lutteur Ogún, Carlos a beau eu vouloir fuir toute discipline durant son enfance et refuser de danser, son père l’aura obligé à suivre des cours dans la plus grande école de ballet au monde, témoin de son talent naturel. Et il aura bien fait, étant donné que son don l’a emmené là où il est arrivé aujourd’hui, lui qui est devenu à l’époque l’un des premiers danseurs métis dans un milieu où la couleur blanche était une règle. De Cuba au National Ballet de Londres, en repassant par son pays natal, puis à Houston, pour finalement jongler entre Londres et La Havane, tout en se produisant partout dans le monde, le film revient, dans un style très classique dans le genre, sur son parcours, toujours motivé par son père, lequel l’a poussé à voler de ses propres ailes, quitte à en oublier sa famille. Alors que l’on n’a rien sans rien, "Yuli" nous parle des sacrifices à faire dans une vie, en vue d’atteindre le but que l’on s’est fixé, où plutôt celui que l’on nous a fixé... Tel était le cas au départ pour Carlos Acosta, lequel ne se voyait aucunement danseur de ballet. Car c’est l’honneur des origines familiales, et surtout paternel, qui sont en causes et conséquences de la carrière modèle du danseur. Paul Laverty traite aussi de la délicate frontière entre le bonheur et la réussite, qui ne sont pas toujours synonymes, ainsi que de la difficulté de s’épanouir loin de tous repères et de sa famille, à des milliers de kilomètres de chez soi, d’autant lorsque notre esprit n’est pas en accord avec le reste.
Ponctué par de sublimes scènes de danse chorégraphiées par Acosta et son équipe, et tournées dans les murs de l’Académie Nationale de Ballet de Cuba, son histoire nous emmène aussi au travers de celle de son pays. En effet, on apprend notamment que durant son enfance, dans les années 1980, sa grand-mère et sa tante ont émigré aux Etats-Unis, à la recherche de meilleures conditions de vie (ce dont sa mère ne s’est jamais remise), tandis que ce phénomène a pris une ampleur bien plus grande, coïncidant avec le retour d’Acosta à Cuba, à l’âge de vingt ans, après son premier séjour à Londres, et une grave chute. En effet, le régime castriste ne pouvant plus s’appuyer sur l’aide de l’Union soviétique (dissoute en 1991), la situation économique de l’île s’était drastiquement dégradée, tandis que des émeutes éclataient à La Havane. Tout cela obligeait alors l’émigration de dizaines de milliers de cubains vers la Floride, via des embarcations de fortune, les "balsas" (d’où la crise des "balseros"). Or, cet épisode politique et économique cubain s’est directement reflété dans les choix de vie de l’artiste, lequel a décidé de retourner à Londres, et de poursuivre sa voie, guidé par son père, toujours prêt à affronter son fils pour lui remettre les idées en place, et le sermonner quant à la vie qu’il pourrait avoir.