Signe(s) particulier(s) :
– après le court métrage "Quelqu’un d’extraordinaire" (2013) qu’elle a réalisé et scénarisé, Monia Chokri signe ici son premier long ;
– film présenté dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2019, là où il a remporté le Prix coup de cœur du jury.
Résumé : Montréal. Sophia, jeune et brillante diplômée sans emploi, vit chez son frère Karim. Leur relation fusionnelle est mise à l’épreuve lorsque Karim, séducteur invétéré, tombe éperdument amoureux d’Eloïse, la gynécologue de Sophia…
La critique de Julien
Révélée au cinéma dans "L’Âge des Ténèbres" (2007) de Denys Arcand et "Les Amours Imaginaires" (2010) de Xavier Dolan, et cela après plusieurs pièces de théâtre à Montréal, Monia Chokri passe pour la seconde fois derrière la caméra après un court métrage intitulé "Quelqu’un d’Extraordinaire" (2013). Alors qu’elle tenait le rôle principal cette année-ci dans la comédie romantique "Emma Peeters" de Nicole Palo, l’actrice dévoile cet été son premier long métrage "La Femme de Mon Frère", qu’elle scénarise également. Présentée en mai dernier en ouverture de la section Un Certain Regard à Cannes, cette comédie canadienne nous parle de Sophia (Anne-Élisabeth Bossé), 35 ans, docteure en philosophie, insociable et sans emploi, laquelle squatte chez son frère Karim (Patrick Hivon), avec lequel elle est heureusement inséparable, bien qu’ils soient totalement différents. Mais ce petit monde va être bouleversé le jour où Karim tombera amoureux de la gynécologue venant de faire avorter Sophia, tandis qu’un poste de professeur à l’université vient de lui échapper, au profit de la fille de son directeur de thèse...
"La Femme de Mon Frère" est un film qui a de l’énergie à revendre ! Et sans doute un peu trop ! Extrêmement bavard et très excentrique dans sa mise en scène, le film de Monia Chokri raconte les "bibittes" et déboires de cette trentenaire, elle qui nous touche autant qu’elle nous exacerbe. Car en effet, lorsque Sophia pique une colère, alors il vaut mieux ne pas croiser sa route, elle qui crie sans cesse et postillonne sur tout ce qui bouge. Écrasée par sa situation, où le monde semble vouloir la mettre à rude épreuve et la confronter à son environnement, les émotions (déjà vives) de cette demoiselle seront alors quintuplées. Hystérique faute de trouver de quoi la satisfaire dans la vie, et en proie aux doutes, le personnage campé avec enthousiasme et expression par Anne-Élisabeth Bossé est un véritable raz-de-marée dont on ressent à la fois la détresse et la colère. Face à elle, Patrick Hivon est un parfait partenaire de jeu, lui dont le personnage entre dans le jeu de sa sœur, et lui tient tête, lequel n’a dès lors pas peur de lui répondre. Autant dire qu’on a à faire entre eux deux à un véritable match de ping-pong, tandis que les dialogues, signés par Monia Chokri, sont totalement corrosifs, et affichent une puissante résonance au regard de l’injuste situation vécue par cette (anti-)héroïne. Aussi, mention spéciale à leurs parents séparés, très conviviaux, joués par Sasson Gabai et (la pétillante) Micheline Bernard. Car on a aussi à faire ici à une famille pas comme les autres...
Pour un premier film, "La Femme de Mon Frère" a du caractère, et fait preuve d’une belle vivacité portée par des acteurs investis, tandis qu’il traite de messages autour de l’apprentissage de l’amour, de la famille, ou encore de l’acceptation du bonheur des autres. Aussi, l’inspiration très "Dolan" de la cinéaste pour mettre en scène son film a du bon goût, bien que parfois kitsch.
Mais malgré cela, le film infligera un sacré mal de tête au spectateur qui n’entrera pas d’emblée dans cette déferlante de répliques à l’accent québécois très prononcé. Aussi, Sophia n’apparaît pas de prime abord comme un personnage dont on aurait envie d’approfondir la personnalité. Dès lors, cette dernière pourrait bien vite en énerver plus d’un, à défaut de ne pas avoir vu en elle sa sensibilité. Enfin, le rythme effréné, la longueur du récit, et certaines scènes sans queue ni tête pourraient finir par assommer... Bref, soyez armés, tabarnak !