Signe(s) particulier(s) :
– adapté du best-seller d’Heinz Strunk, "Der Goldene Handschuh", publié en 2016, lequel relate le portrait du tueur en série allemand Fritz Honka qui a, entre 1971 et 1974, tué au moins quatre prostituées âgées du Reeperbahn à Hambourg, lequel conservait les corps dans son appartement (qu’il aspergea avec de l’eau de Cologne pour diluer les odeurs pestilentielles), tandis qu’il furent découverts par les autorités lors d’un incendie en 1975 ;
– sélectionné en Compétition officielle à la Berlinale 2019.
Résumé : Hambourg, années 70. Au premier abord, Fritz Honka, n’est qu’un pitoyable loser. Cet homme à la gueule cassée traîne la nuit dans un bar miteux de son quartier, le "Gant d’Or" ("Golden Glove"), à la recherche de femmes seules. Les habitués ne soupçonnent pas que Honka, en apparence inoffensif, est un véritable monstre.
La critique de Julien
Au rayon des films de psychopathes, le dernier-né du réalisateur allemand Fatih Akin fait une entrée fracassante. Et s’il avait été réalisé par un certain Lars von Trier, alors il aurait sans doute bien plus fait parler de lui. N’en déplaise, "Der Goldene Handschuh" est d’une brutalité putride sans nom.
Début de l’année dernière, Fatih Akin revenait avec "In the Fade", dans lequel le personnage de Diane Kruger prenait sa vengeance sur le meurtre de son fils et de son mari dans un attentat à la bombe commis par un groupe de néo-nazis, et inspiré d’une histoire vraie. Ce rôle avait notamment permis à l’actrice de remporter le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes quelques mois plus tôt, et premier de sa carrière, tandis que le film avait notamment été primé du Golden Globe du Meilleur film en langue étrangère. Alors qu’il manquait de profondeur et de cohérence scénaristique, son film avait au moins le mérite de dé-stigmatiser l’image (physique) du terrorisme telle qu’on la concevait, tout comme de proposer un rôle féminin extrêmement fort. Et le cinéaste prouve avec son nouveau film son immense talent à présenter des personnages qui ne laissent pas indifférents. Dans "The Golden Glove", le méconnu acteur allemand de théâtre et de cinéma Jonas Dassler campe les traits du tueur en série Fritz Honka, lequel a massacré, entre 1970 et 1975, au moins quatre prostituées à Hambourg, tout en conservant les corps dans son appartement.
Pour la petite description, Honka était de petite taille pour un homme (1,68 m), de faible épaisseur, tandis qu’il avait un strabisme, ainsi qu’un trouble de la parole. Marié à deux reprises, il souffrait d’alcoolisme sévère. C’est dans cet état d’ébriété qu’il commettait ses ignobles meurtres. Suite à incapacité d’entretenir des relations longues avec les femmes, il se tournait alors vers les prostituées, qu’il rencontrait dans le bar miteux "Le Gant d’Or" (qui donne son nom au film) ou autour de la célèbre Reeperbahn. Il les préférait alors plus petites que lui, plus âgées, et souvent sans dents, afin d’atténuer ses craintes de mutilation lors de relations sexuelles, lui qui avait une préférence pour le sexe oral plutôt que pour un rapport sexuel classique. Dans ce rôle effroyable, Jonas Dassler, nominé aux German Film Awards dans la catégorie Meilleur acteur, est absolument terrifiant. C’est dire si ça prestation est réussie, tant elle dégoûte. On pourrait d’ailleurs (res)sentir son manque d’hygiène dans la salle, tellement il est écœurant. Et puis, on ose imaginer l’odeur pestilentielle de la chair en décomposition qui se dégageait de son apparemment (où il gardait les corps, momifiés en morceaux), et dont se plaignaient les voisins du dessous, sans savoir de quoi il s’agissait... Heureusement qu’Honka utilisait un grand nombre d’arbres pour voiture parfumés au pin, ainsi que de l’eau de Cologne, pour masquer les odeurs !
Jonas Dassler aura en tout cas bien du mal à se décoller de l’image de ce monstre immonde, et absolument répugnant avec les femmes. Et l’équipe de maquilleurs y est également pour quelque chose ! Son personnage fait peur à voir, et pourtant, il a bien existé...
Outre ce personnage, "Golden Glove" risque de marquer les esprits pour son manque d’empathie, et de psychologie. En effet, Fatih Akin, qui a également écrit le film, fait de nous des spectateurs en surface de toute cette horreur. Autrement, il ne fait que contempler les faits et gestes de Fritz Honka sans se soucier une seule seconde du sort de ses victimes. On apprend, à proprement parlé, également rien de cet individu, étant donné qu’on atterrit directement au début de ses terribles actes. Dans cette optique, le film se veut par moments pénible à voir, et surtout inintéressant en termes de construction narrative, car il ne s’y passe pas grand chose, si ce n’est des rencontres aux atroces dénouements, de longues heures à picoler, et une tentative vaine de sevrage (ça aurait été trop beau pour être vrai). Tout cela pour dire que "Golden Glove" flirte bien plus du côté du voyeurisme et de la misogynie que de la condamnation. Oui, l’écriture ne laisse pas percevoir de quelconques jugements envers son personnage principal... Et donc, pour le coup, Fatih Akin manque totalement d’humanité !
En suscitant en nous le malaise, et en réduisant toute frontière humaine pour alors nous confronter physiquement au plus près du mal absolu, "Der Goldene Handschuh" s’avère démonstratif, aidé par une mise en scène poisseuse, et un premier rôle exceptionnel. N’en déplaise, on reste fasciné du début à la fin devant ce film macabre, à ne pas mettre devant tous les yeux.