Signe(s) particulier(s) :
– histoire basée sur le roman du même nom écrit par Jennie Rooney, lui-même inspiré par la vie de Melita Norwood.
Résumé : À 80 ans, Joan Stanley mène une vie tranquille lorsqu’elle est brutalement arrêtée par la police à son domicile et accusée de trahison et espionnage. Forcée à révéler son passé, Joan se souvient de ses jeunes années pendant lesquelles elle étudiait la physique à Cambridge. C’est là qu’elle est tombé amoureuse de Leo, un jeune homme d’origine russe, étroitement lié au Parti Communiste. Alors qu’elle s’est faite embaucher comme assistante pour un projet tenu secret, elle fut rapidement partagée entre ses sentiments et ses idéaux...
La critique de Julien
Ce n’est pas la première fois que l’actrice britannique Judi Dench joue dans un film d’espionnage, elle qui a campé pendant sept films le célèbre rôle de M dans la saga cinématographique "James Bond" (de "Golden Eye" à "Skyfall"). L’actrice revient avec un rôle de premier plan dans "Red Joan", un drame flirtant avec le film d’espionnage, et tiré du roman éponyme de Jennie Rooney, dans lequel il est question de l’histoire de Joan Stanley, librement inspirée par celle de Melita Norwood, née Sirnis, qui était une Britannique communiste devenue... agente du KGB (principal service de renseignement de l’URSS post-stalinienne).
Pour la petite histoire, Norwwod travailla à partir de 1932 comme secrétaire auprès de l’Association britannique de Recherche sur les Métaux Non-Ferreux, laquelle a épousé Hilary Norwood, un professeur de chimie, dirigeant syndical des enseignants et communiste à vie, puis rejoignît le Parti Communiste Britannique (CPGB).
Alors qu’elle mena une vie apparemment anodine avec son mari (décédé en 1986) jusqu’à son décès à l’âge de 90 ans en 2005, Norwood aurait pourtant été en mesure de transmettre à ses gestionnaires soviétiques des informations relatives au projet britannique d’armes nucléaires.
En effet, elle fut recommandée au NKVD (précurseur du KGB), dont elle est devenue un agent à part entière en 1937, tandis qu’elle aurait été influencée par le "Cambridge Five", un groupe d’espionnage composé essentiellement de cinq anciens étudiants de l’université.
Alors qu’elle pris sa retraite en 1972, son entourage (dont sa fille Anita), en connaissance de ses convictions d’extrême gauche, ont réagi avec étonnement quand elle a été démasquée en tant qu’espionne en 1999, par l’ancien archiviste du KGB, Vasili Mitrokhin, dans le livre "The Mitrokhin Archive : The K.G.B. in Europe and the West", co-écrit par l’historien Christopher Andrew.
Alors que la validité des archives de Mitrokhin a été mise en doute, Norwood, qui n’a jamais été poursuivie en justice pour ses actes, a déclaré qu’elle n’avait tiré aucun profit matériel de ses actions, agissant "pour aider à empêcher la défaite d’un nouveau système (...)", et qu’elle avait espéré que ses actions aideraient "la Russie à se tenir au courant de la Grande-Bretagne, de l’Amérique et de l’Allemagne"...
Voilà donc la "réalité" que l’Histoire nous apprend sur cette femme, en quelques lignes. Le film, lui, se l’approprie pour confronter la vie d’une octogénaire à son passé et aux choix cornéliens qu’elle a décidé de prendre, lesquels prennent part dans le conflit d’armes nucléaires entre l’URSS et d’autres grandes puissances mondiales durant la Seconde Guerre Mondiale. Elle devra alors les expliquer aux autorités, dans le cadre d’une enquête, et ainsi replonger dans ses souvenirs, parfois délicats, et sujets à de mauvaises interprétations...
"Red Joan" respecte une trame toute tracée et sans surprises dans le genre. À mesure de l’interrogatoire, la mise en scène use ainsi de flash-back, au travers desquels on découvre cette histoire, parsemée ici d’éléments fictifs. Par exemples, on peut citer les personnages de Sonya (Tereza Srbova) et Leo (Tom Hughes), faisant partie du "Cambridge Five", mais n’ayant quant à eux jamais existés, tout comme la relation amoureuse entre Léo et Joan, amenant ici une touche mélodramatique à l’ensemble.
Le film nous révèle ainsi que son but n’était pas d’obtenir de gains pour ses services, mais bien d’empêcher l’utilisation de bombes nucléaires. En effet, en révélant les secrets armés de ses alliés aux Russes, elle espérait qu’aucun d’eux n’utilise ce type d’armes (même si cela était bien plus compliqué dans la réalité que nous le montre le film), dans un souci de performance, de puissance et d’exclusivité. Aussi, il est question d’honneur et de serment, auxquels on prête allégeance pour toute une vie, et avec lesquels on décide de mourir, afin de protéger les siens et leur descendance. Mais surtout, le film nous montre que tout combat n’est pas vain, et ne part pas forcément d’un désir de pouvoir. Enfin, il ouvre notre esprit sur la notion de jugement, et à notre côté à trop se fier aux apparences, plutôt que de creuser notre perception, notre compréhension d’une situation.
Judi Dench habite une fois de plus l’un de ses personnages, malgré ses courtes apparitions à l’écran, au profil de Sophie Cookson, qui l’interprète dans ses jeunes années. Cette dernière fait également bien le job. Mais malheureusement, le film se perd un peu en cours de route, et ne va pas au bout de son sujet principal, étant une trahison, trop occupé à se centrer sur des batifolages, qu’ils aient joué un rôle ou non dans cette affaire. De plus, la réalisation de Trevor Nunn est trop propre, trop académique dans sa reconstitution pour sortir du lot.