Signe(s) particulier(s) :
– dix-huitième film de Neil Jordan, à qui l’on doit notamment "Entretien avec un Vampire" (1994) et "Michael Collins" (1996) ;
– "Hideg", le nom de famille du personnage campé par Isabelle Huppert dans le film, signifie "froid" en hongrois ;
– le titre initial du projet était "The Widow", traduit par "La Veuve" en français.
Résumé :
Quand Frances trouve un sac à main égaré dans le métro de New York, elle trouve naturel de le rapporter à sa propriétaire. C’est ainsi qu’elle rencontre Greta, veuve esseulée aussi excentrique que mystérieuse. L’une ne demandant qu’à se faire une amie et l’autre fragilisée par la mort récente de sa mère, les deux femmes vont vite se lier d’amitié comblant ainsi les manques de leurs existences. Mais Frances n’aurait-elle pas mordu trop vite à l’hameçon ?
La critique de Julien
Voilà maintenant six années que la carrière cinématographique de Neil Jordan était mise entre parenthèses, soit depuis la sortie discrète de son précédent film "Byzantium" en 2012, et la création de la série télévisuelle "The Borgias" (de 2011 à 2013), dont il a réalisé plusieurs épisodes. Le cinéaste n’a ainsi réalisé que deux films en dix ans, tandis qu’il nous faut remonter jusqu’en 2007 pour se souvenir de son sous-estimé "A Vif" ("The Brave One"), avec Jodie Foster en tête d’affiche, lequel nous avait durablement touché.
Dans "Greta", le cinéaste irlandais dirige pour la première fois la grande Isabelle Huppert, dans un thriller paranoïaque très 90’s. Elle y interprète alors une mystérieuse veuve recluse chez elle, ayant "malencontreusement" égaré son sac dans le métro. Frances, une jeune demoiselle endeuillée par le décès de sa maman, va alors le retrouver, et le lui rapporter. Très vite, les deux femmes vont alors se lier d’empathie l’une pour l’autre, la première étant à la recherche d’un peu de compagnie, et l’autre tout simplement touchée par cette femme et son histoire, d’autant plus qui lui manque dans sa vie une figure maternelle depuis un peu plus d’un an... Sauf que Frances va rapidement découvrir que les intentions de Greta ne sont pas aussi innocentes qu’elles en avaient l’air.
Qui est Greta ? Comme nous le montre la bande-annonce, Isabelle Huppert incarne le rôle d’une psychopathe, tandis que la mise en scène de Neil Jordan joue sur le côté plutôt envahissant de son personnage dans la vie de sa jeune victime, jusqu’à la harceler, bien décidé dans un premier temps à comprendre pourquoi elle a décidé de couper aussi sèchement les ponts avec elle. Huppert est convaincante dans sa partition, et campe avec conviction et posture les traits d’une personne malfaisante, et certainement folle, de là à nous en donner des sueurs froides. Quant à Chloé Grace Moretz, dans le rôle de Frances, terrorisée par la présence de plus en plus menaçante de cette femme, tout en ne sachant pas s’en défaire (merci au système judiciaire), l’actrice fait ce qu’on lui demande de faire, alors que son personnage est coincé dans une spirale infernale. Par contre, l’écriture creuse de leurs personnages ne va pas assez en profondeur, ce qui empêche de creuser leur psychologie, alors qu’ils sont tous deux traumatisés par le manque d’un être cher...
"Greta" est efficace, dans le sens où l’on entre facilement dans les ressorts du jeu vicieux de la victime et de son persécuteur, tout en reposant sur un scénario plutôt artificiel, qui se contente ainsi d’exécuter un procédé déjà vu, et particulièrement propice à susciter la malsanité. Mais une dose plutôt maligne d’humour noir s’aventure là où on le l’attendait pas, tandis que certains effets visuels et d’interprétation appuient un côté quelque peu loufoque assumé, lequel vient ainsi équilibrer la part de tension et d’absurde de la persécution en question. Mais dans l’absolu, le film peine véritablement à passionner, et créer la surprise.