Signe(s) particulier(s) :
– adaptation du roman "Dans la maison de l’autre" ("The Aftermath" en version originale) de Rhidian Brook, publié en 2013, tandis que le réalisateur James Kent s’est également inspiré de l’histoire de son grand-père, le colonel Walter Brook (aucun lien avec l’écrivain), qui était un officier anglais dépêché en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, et gouverneur d’un district proche de Hambourg, lequel a dû réquisitionner une maison pour sa famille, mais a choisi de ne pas expulser ses propriétaires allemands, avec lesquels ils ont vécus durant cinq années.
Résumé :
Hambourg, 1946. Au sortir de la guerre, Rachel rejoint son mari Lewis, officier anglais en charge de la reconstruction de la ville dévastée. Leur mariage semble fragilisé, mais Lewis pense qu’ils ont encore de l’avenir ensemble. Mais en emménageant dans leur nouvelle demeure, Rachel découvre que son mari a autorisé ses propriétaires, un architecte veuf allemand, et sa fille adolescente, à occuper les combles de l’immense demeure. Mal à l’aise, et alors que son mari s’absente de plus en plus pour son travail, cette promiscuité forcée avec l’ennemi révolte Rachel, mais la haine larvée pour les allemands et la méfiance laisseront bientôt place chez la jeune femme en un sentiment plus troublant encore...
La critique de Julien
Décidément, l’actrice anglaise Keira Knightley semble accoutumée aux films historiques, elle qu’on a pu voir récemment dans "Colette" de Wash Westmoreland (où elle prêtait ses traits à la grande romancière française), et bien encore avant dans "Imitation Game" de Morten Tyldum (2014), "The Dutchess" de Saul Dibb (2008), ou "Anna Karénine" (2012) et "Reviens-Moi" (2007) de Joe Wright. Bien que les personnages soient ici purement fictifs, l’intrigue de son nouveau film se situe en Allemagne, alors que le pays se réveille à l’aube de la victoire des Alliés contre le Troisième Reich. Mélodrame sur fond de tension et de reconstruction post-Seconde Guerre mondiale, "Cœurs Ennemis" aborde l’occupation de l’Allemagne par les Alliés sous un angle dramatico-romantique, comme il en a été rarement le cas.
Nous sommes alors en 1946, à Hambourg, où l’officier anglais Lewis Morgan est chargé de chapeauter la reconstruction de la ville totalement détruite par les bombardements. Il fera alors venir au pays son épouse Rachel, tandis qu’ils hébergeront dans une demeure pour qu’ils puissent y vivre. En effet, impossible d’imaginer de vivre séparé de longs mois, alors que le couple est toujours endeuillé par une perte tragique, et qu’il tente de se reconstruire. Mais refusant de mettre à la porte le propriétaire de l’habitation, à savoir Herr Lubert, un architecte allemand, veuf, et père d’une adolescente, Lewis obligera Rachel à ravaler sa haine envers l’ennemi, et à prendre son mal en patience. Pourtant, suite à la fois à l’insurmontable deuil qui l’habite, et à l’absence répétitive de son mari pour des raisons qu’on nous présente d’abord comme professionnelles, Rachel finira par succomber au charme de cet homme, à son tour brisé, et au nouveau départ qu’ils pourraient mutuellement s’offrir...
D’un point de vue historique, et malgré une belle reconstitution (pour ce qu’on en voit), "The Aftermath" ne nous apprend que bien trop peu de chose du contexte historique dans lequel il s’installe. Si ce n’est une évocation au nombre 88, qui est un code correspondant à l’abréviation "HH" (H étant la huitième lettre de l’alphabet latin), signifiant "Heil Hitler" (littéralement traduit par "Salut Hitler"), et utilisé comme signe de reconnaissance néo-nazi, le film se concentre essentiellement sur la perte d’un être cher au sein d’un mariage, et des conséquences sur ce dernier. D’ailleurs, le dénouement assez fin, et auquel on ne peut qu’adhérer, reflète particulièrement bien la distance que peut amener cette terrible situation, ne laissant dès lors plus la place aux sentiments, mais bien à l’incompréhension, aux remords, aux doutes. Pourtant, l’amour est toujours là, mais enfuit sous le chagrin du deuil. Ainsi, le film a l’intelligence de nous présenter l’attirance pour autrui non pas comme une quête amoureuse - tel un coup de foudre traditionnel - mais bien comme une bouée de sauvetage, une échappatoire à quelque chose qui s’est éteint, mais qui peut pourtant encore se rallumer.
Triangle amoureux au sous-propos subtil, "The Aftermath" nécessite donc de creuser un peu plus loin sa surface pour ne pas y voir qu’un mélodrame sous toutes ses coutures, étant donné une mise en scène sensationnelle, où la tentation et le danger ne sont jamais bien loin. D’ailleurs, c’est en ce point que l’empathie tarde à montrer le bout de son nez. Il faut, pour ainsi dire, attendre les dernières minutes pour ressentir quelque chose de profond, de touchant, et surtout pour comprendre les choses, notamment vis-à-vis du personnage joué avec retenue par Jason Clarke. Concernant le caractère campé par Alexander Skarsgård (Lupert) et sa fille (Flora Thiemann), c’est là aussi que les choses se compliquent, étant donné qu’ils peinent à convaincre par leur écriture.