Signe(s) particulier(s) :
– remake du polar norvégien "Refroidis" sorti en 2014, et réalisé par le même réalisateur, Hans Petter Moland.
Résumé : Bienvenue à Kehoe, luxueuse station de ski du Colorado. La police locale n’y est pas franchement très sollicitée jusqu’au jour où le fils d’un conducteur de chasse-neige, Nels Coxman, est assassiné sur ordre de Viking, un baron de la drogue. Armé d’une rage implacable et d’une artillerie lourde, Nels entreprend de démanteler le cartel de Viking. Sa quête de justice va rapidement se transformer en une vengeance sans pitié. Alors que les associés de Viking « disparaissent » les uns après les autres, Nels passe d’un citoyen modèle à un justicier au sang-froid, qui ne laisse rien - ni personne - se mettre en travers de son chemin.
La critique de Julien
Polar musclé dans lequel Liam Neeson interprète une nouvelle fois le rôle d’un père épris de vengeance suite à la mort suspecte de son fils, "Sang Froid" ne révolutionne pas le film de vengeance, et encore moins la carrière de l’acteur irlandais (toujours) cantonné aux mêmes rôles. Pourtant, le film parvient à sortir des chantiers battus, et à s’apprécier sans mal.
Remake du film norvégien "Refroidis" d’Hans Petter Moland sorti en 2014, c’est le cinéaste lui-même qui a sauté sur l’occasion qu’on lui a présenté de réaliser sa propre adaptation hollywoodienne de son film, mais à ses conditions. D’ailleurs, tandis qu’il prête autant à s’horrifier qu’à rire, le film risque d’en déconcerter plus d’un, ou en tout cas ceux-ci sont venus chercher ici un film d’action au premier degré, très sérieux, et où les coups font mal, mais où l’on s’en relève de plus belle, pour réparer justice soi-même. Car en effet, "Sang Froid" joue à la fois sur un côté décalé assez rafraîchissant, et sans pitié.
Alors qu’il nous permet tout d’abord de découvrir la petite ville fictive de Kehoe dans le Colorado (proche de Denver) réputée pour sa luxueuse station de ski, le cinéaste prend le temps de nous imprégner de son ambiance, où Nels Coxman (Liam Neeson) est chargé de déneiger la route avec son imposant chasse-neige, afin qu’elle reste praticable. Alors qu’il y tient un atelier et rend la vie plus facile à une partie de la population de la station, l’homme - ordinaire et heureux dans sa vie - a été élu citoyen de l’année. Mais voilà que son fils unique de vingt-et-un ans est retrouvé mort, suite à une overdose, alors qu’il ne se droguait pas... Voilà que la piste de l’assassinat est vite privilégiée par ce père, lequel se mettra sur la piste d’indices, et à la traque de noms d’individus dont on lui fera part, avec comme point de mire un certain "Viking", un trafiquant de drogues en plein divorce, qui fournit la ville en cocaïne. Nels Coxman démantèlera alors un à un le cartel de "Viking". Sauf que ce dernier pensera dans un premier temps que la disparition de ses hommes est liée à une ancienne rancœur entre gangs, lequel (re)mettra le feu aux poudres, alors que ses adversaires n’avaient rien à voir là-dedans...
Il n’en faut pas plus pour comprendre que le scénario de cette comédie d’action tourne autour d’un règlement de comptes en bonne et due forme, particulièrement sanglant. Mais le film d’Hans Petter Moland baigne dans une douce et étonnante folie, où l’humour noir et le machiavélisme se côtoient. Il y a tout d’abord l’écriture des personnages, inégale, mais dont certains segments appellent à rire jaunes, et ajoutent un peu de piments aux différentes disparitions. Des hommes de "Viking" jusqu’aux différentes connaissances de Nels, le monde concerné par cette partie de chasse en milieu hostile invite autant à rire qu’à toucher (dans les grandes lignes), même si, dans l’absolu, les personnages sont caricaturaux, mais bien ancrés dans leur cadre. Ensuite, certains choix artistiques illustrent très bien le ton résolument "entre deux chaises" de ce film. On adore par exemple l’idée de "chapitrer" le film suivant le nom des différentes victimes du récit, apparaissant dès lors à l’écran sur fond noir, tel un moment de prière. Aussi, la musique est de loin celle que l’on a l’habitude d’entendre dans ce genre de film, située ici entre le générique de la série "Dexter" et la ballade façon film western. Toutes ces particularités font de "Sang Froid" une aventure féroce, et réjouissante. D’ailleurs, on s’étonnera à plusieurs reprises de son humour, tombé de nul part, qui rend la vengeance plus originale. Visuellement, la photographie et les décors offrent également un certain cachet aux aventures de Nels Coxman, où des tempêtes de neige rendent la visibilité dangereuse, tandis qu’un chasse-neige en furie et d’autres machines en tout autre genre s’invitent dans la partie.
Sur papier, "Sang Froid" fait partie de ces films qui se laissent deviner rien qu’à la lecture de leur résumé, prévisible et déjà vu. Car ce n’est pas ici pour son scénario que l’on prend plaisir à le regarder, mais bien pour ses ressorts débridés, apportés à la fois à l’écriture, à son emballage, et situés aux antipodes du film hollywoodien du genre, qui rendent justement cette histoire étrangement divertissante. Force est de constater que Hans Petter Moland a donc pu conserver l’ADN de son œuvre originale !
Cocktail d’action, de violence brute, d’humour noir et de second degré (d)étonnant, "Sang Froid" rappelle inévitablement le "Fargo" (1996) des frères Coen. Voilà une petite surprise à laquelle on ne s’attendait pas...