Signe(s) particulier(s) :
– premier film en solo pour Wash Westmoreland, qui avait jusque-là co-réalisé tous ses films avec son compagnon Richard Glatzer, décédé de la maladie de Charcot le 10 mars 2015, alors en plein succès de leur film "Still Alice", ayant notamment valu à Julianne Moore l’Oscar de la Meilleure actrice ;
– s’inspire de la vie de la romancière française Colette (1873-1954).
Résumé : 1893. Malgré leurs quatorze ans d’écart, Gabrielle Sidonie Colette, jeune fille à l’esprit rebelle, épouse Willy, écrivain aussi égocentrique que séducteur. Grâce à ses relations, elle découvre le milieu artistique parisien qui stimule sa propre créativité. Sachant repérer les talents mieux que quiconque, Willy autorise Colette à écrire – à condition qu’il signe ses romans à sa place. Suite au triomphe de la série des Claudine, il ne tarde d’ailleurs pas à devenir célèbre. Pourtant, tandis que les infidélités de Willy pèsent sur le couple, Colette souffre de plus en plus de ne pas être reconnue pour son œuvre…
La critique de Julien
Initialement scénarisé à quatre mains à partir de l’été 2001 en France, Colette est née dans la douleur, étant donné le décès en mars 2015 de Richard Glatzer, l’un de ses co-scénaristes, et compagnon Wash Westmoreland, qui n’est autre l’autre co-scénariste du film. Le cinéaste a pourtant décidé de réaliser le film, en mémoire de son partenaire artistique, et de vie. Inspiré de la vie de Sidonie-Gabrille Colette, dite "Colette", le film a vu défilé pas moins d’une vingtaine de scripts différents, avant d’être finalisé avec l’aide de Rebecca Lenkiewicz, la scénariste du film "Ida" de Pawel Pawlikowski. Concentré sur son mariage avec le critique musical et auteur de romans populaire Henry Gauthier-Villars (surnommé "Willy"), mais aussi sur la naissance et le succès de ses romans semi-autobiographiques "Claudine" signé par ce dernier, sur l’émancipation de cet artiste et la reconnaissance de son œuvre, ou encore sur sa bisexualité, "Colette" est un biopic qui sonne très actuel, tout en étant trop carré.
Après notamment Mathilda May dans "Devenir Colette" (de Danny Huston) et Marie Trintignant dans le téléfilm "Colette, une Femme Libre" (de Nadine Trintignant), c’est Keira Knightley qui a été choisie pour incarner la célèbre romancière, mais aussi mime, actrice et journaliste française. L’actrice, qui s’en sort bien, s’exprime alors dans la langue de Shakespeare, alors que l’artiste était française, ce qui est assez déstabilisant en version originale. Mais qu’importe, puisqu’en version française, cela ne pose aucun problème. Par contre, ce qui est regrettable, c’est que ce biopic n’offre pas un regard plus large sur la création de son auteur. Si ce ne sont quelques phrases qu’elle répète en écrivant, et quelques titres de journaux, le film ne nous apprend que trop de choses sur l’œuvre de Colette. Certes, on comprend qu’elle s’est inspirée de son vécu de fille et de femme tout comme de ses relations sentimentales pour écrire "Claudine à l’école" (1900), "Claudine en ménage" (1902), "La retraite sentimentale" (1907) ou encore "La vagabonde" (1910), mais le film, lui, s’attarde à nous raconter dans quels contextes sont nés ses premiers romans, et leurs conséquences portées sur sa vie de femme d’époque.
Ayant accepté de vivre dans l’ombre de son mari, infidèle et séducteur compulsif (Dominic West, qui ne se fait pas prier dans son rôle), lequel acceptait mal le talent de son épouse pour l’écriture, tout en étant un couple avant-gardiste, c’est finalement la frustration, la jalousie, ou encore le manque de reconnaissance de son talent par Willy qui l’ont incité à prendre les devants, ainsi que sa relation avec la marquise de Belbeuf, Mathilde de Morny, dite "Missy". "Colette" prend alors sa source à une époque où la femme n’était pas reconnue à sa juste valeur, derrière la domination masculine, laquelle tenait alors les rennes, tout en se permettant de gros écarts de conduite... Toute coïncidence avec l’actualité n’est pas fortuite... C’est sans doute sur ce point scénaristique que le film est le plus intéressant, et pertinent. Au-delà de ce point, "Colette" laisse sur sa faim, et n’illustre pas toutes les facettes de cette grande dame de la littérature française, tandis qu’il prend fin lors de son divorce avec Willy, aussi bien sentimental qu’artistique, étant donné la trahison de ce dernier envers les écrits de son épouse... Or, c’est véritablement à ce moment-là qu’est née Colette.
Filmé avec un classicisme sans rature, Wash Westmoreland partage avec une telle passion cette histoire qu’il en oublie par contre de lui injecter de la consistance dramatique. Alors qu’on a parfois l’impression de revoir le film "The Wife" Björn Runge, "Colette" reste trop lise, et peine ainsi à marquer. Même si le film n’a pas à justifier ses propos, leurs impacts n’ont pas l’effet escompté. Et malheureusement, la reconstitution soignée du Paris de la fin des années 1800 au début des années 1900 est certes convaincante, mais souffre de son budget, laquelle d’ailleurs ne prédomine jamais à l’image.