Synopsis : Depuis que Nora a assisté au procès de Jacques Viguier, accusé du meurtre de sa femme, elle est persuadée de son innocence. Craignant une erreur judiciaire, elle convainc un ténor du barreau de le défendre pour son second procès, en appel. Ensemble, ils vont mener un combat acharné contre l’injustice. Mais alors que l’étau se resserre autour de celui que tous accusent, la quête de vérité de Nora vire à l’obsession.
Acteurs : Marina Foïs, Olivier Gourmet, Laurent Lucas, Jean Benguigui.
Une intime conviction s’inspire d’une histoire vraie qui débute en 2000, celle d’un possible ou prétendu meurtre. Une histoire ou le vrai côtoie le faux, notamment les fausses accusations, et qui a probablement été occultée par une autre affaire qui fut elle un vrai fiasco judiciaire, la trop tristement célèbre affaire dite d’Outreau. L’affaire qui est au coeur du premier long métrage d’Antoine Raimbault débute elle aussi en 2000. Il s’agit de l’affaire Suzanne Viguier dont on trouvera d’amples détails sur la page que Wikipedia y consacre. Il ne s’agit pas d’une erreur judiciaire, comme ce fut le cas pour Patrick Dils (dont nous avons parlé lors de notre rencontre avec Thomas Mustin (Mustii), mais plutôt d’un acharnement judiciaire, comme dans le cas d’Outreau (qui n’a aucune similitude dans le cas présent).
Une brève chronologie pour situer celle du film. Suzanne Viguier disparait le 27 février 2000. Le 11 mai 2000, son mari, Jacques Viguier est placé en détention provisoire. Il est libéré le 15 février 2001. Le procès aura lieu... en avril 2009. Après dix jours de débats, Jacques est acquitté le 30 avril 2009. Le parquet fait appel le 4 mai 2009. Un deuxième procès débute le 2 mars 2010. Il se clôture le 20 mars 2010 par un acquittement pour lequel le Parquet ne se pourvoira pas en Cassation.
Le film Intime conviction se consacre à ce procès et aux semaines qui ont précédé. Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un "film de procès" comme ceux que nous connaissons (ici ou outre-Atlantique), mais d’un long-métrage qui interroge sur l’importance de l’intime conviction pour juger un individu, d’une part, et, d’autre part, sur les dérives d’un enquête qui fut très médiatisée en France. L’issue étant connue, tout l’intérêt de l’intrigue repose sur le combat à mener pour que justice soit rendue, que la vérité, et la vérité judiciaire fasse jour. Et, de façon paradoxale, pour dire la "vérité", le réalisateur fera appel à la fiction, avec le personnage de Nora (Marina Foïs) et au réel, avec l’avocat Eric Dupond-Moretti (Olivier Gourmet).
Si le thème des dérives d’une enquête policière, uniquement à charge, est présent dans le film, il n’en est pas le fil rouge. Ce n’est pas à proprement parler un film de procès comme nous l’écrivions ci-dessus, car, hormis le réquisitoire et le plaidoyer, nous n’en découvrirons que des instantanés, parfois très courts qui en montrent la progression du fait des apports de Nora aux travaux de l’avocat.Ceux-ci se basant (du moins dans la présentation filmique) sur l’écoute d’enregistrements qui n’ont/auraient pas été étudiés par les enquêteurs se fiant non sur leur intime conviction, mais sur les présupposés et préjugés. C’est qu’il faut donc prendre acte ici que l’affaire en elle-même, le rétablissement de l’honneur d’un homme (joué ici par Laurent Lucas) sont seconds (pas secondaires) par rapport à une autre histoire qui nous est racontée. A savoir celle de Nora. Et c’est parce que ce personnage est fictif qu’il est intéressant, passionnant et qu’il permet d’exprimer une "vérité" plus importante et essentielle que la "réalité" (une thématique qui nous est familière du fait de la confrontation aux textes bibliques dont nous avons déjà fait état en d’autres critiques).
Trois personnages et plus encore trois acteurs marquent le film de leur empreinte. Olivier Gourmet, l’avocat qui succombe à l’acharnement d’une femme, Nora, dont on découvrira au milieu du film un lien singulier avec l’affaire traitée (et rappelons que Nora, interprétée par Marina Foïs, est un personnage créé pour la circonstance). Et enfin, de l’avocat de la partie civile maître Szpiner (Jean Benguigui, 74 ans qui se faisait rare sur les écrans). Des trois, c’est cependant Marina Foïs qui tient tout le film. Dans un rôle "borderline" (tout comme dans Irréprochable de Sébastien Marnier), l’actrice transcende le film où sa passion dévorante pour une cause est le parfait miroir de la haine que d’autres manifestent à l’égard de celle-ci. C’est tout le paradoxe d’émotions négatives et contradictoires mises au service d’une juste cause.
Nora, percée jusques au fond du cœur d’une atteinte imprévue aussi bien qu’irrationnelle, misérable vengeresse d’une injuste cause, et malheureux objet d’une injuste justice, ne demeure pas immobile, et son âme abattue ne cède pas au coup qui la tue. Si près de voir son feu récompensé (très librement écrit d’après [Le Cid, Acte I. sc. vi]) va-t-elle voir la justice rendue malgré les frontières du droit franchies ? L’on connait certes l’issue de l’affaire, mais c’est un plaisir de suivre l’actrice dans ce combat, tout de fiction qu’il soit !
Lien vers la critique de Julien
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