➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 05 décembre 2018
Signe(s) particulier(s) :
– second long métrage de la réalisatrice et scénariste Jeanne Herry après "Elle l’Adore" (2014), déjà avec Sandrine Kiberlain, qu’elle considère comme un "double idéal" ;
– cette cinéaste n’est autre que la fille de Julien Clerc et Miou-Miou, qu’elle dirige d’ailleurs ici ;
– le titre du film évoque le nom que porte un enfant né d’un accouchement sous X, donnant la possibilité pour une femme d’abandonner son nouveau-né aux services de l’Etat, ainsi que le droit de demeurer anonyme aux yeux de la société ;
– Bayard de la Meilleure comédienne pour Elodie Bouchez au Festival International du Film Francophone de Namur 2018.
Résumé : Théo est remis à l’adoption par sa mère biologique le jour de sa naissance. C’est un accouchement sous X. La mère à deux mois pour revenir sur sa décision...ou pas. Les services de l’aide sociale à l’enfance et le service adoption se mettent en mouvement. Les uns doivent s’occuper du bébé, le porter (au sens plein du terme) dans ce temps suspendu, cette phase d’incertitude. Les autres doivent trouver celle qui deviendra sa mère adoptante. Elle s’appelle Alice et cela fait dix ans qu’elle se bat pour avoir un enfant. PUPILLE est l’histoire de la rencontre entre Alice, 41 ans, et Théo, trois mois.
La critique de Julien
Voilà pour le moins un film francophone qui sort de l’ordinaire en proposant un sujet inédit, traité autant sous la forme d’une fiction que du documentaire, soit la période où un enfant né sous X est remis à l’adoption, dans l’attente que les travailleurs sociaux de l’Etat lui trouvent le(s) parent(s) idéal(aux). "Pupille" retrace alors principalement le parcours du combattant mis en place afin de permettre à un enfant de connaître un futur heureux, tout en le nourrissant de personnages dévoués pour cette tâche importante, tout en traversant eux aussi des épreuves personnelles.
Pour son second film après le très réussi "Elle l’Adore", Jeanne Herry a donc tourné sa caméra vers le sujet délicat et sensible qu’est le long processus mis en place par l’Etat pour permettre l’adoption d’un enfant abandonné à sa naissance. On y suit alors depuis les quelques heures qui précèdent sa naissance le petit Théo (incarné par plusieurs bébés - dont parfois en plastique lors de scènes potentiellement traumatisantes), suivi de près par une équipe de professionnels unis pour sa cause, formée de sage-femmes, d’assistants et éducateurs sociaux, ayant pour même mission de lui trouver la famille idéale (uni-parentale ou non), c’est-à-dire celle qui correspondra le plus à son parcours, à ses émotions de nourrissons, étudiées précisément de manière médicales suite à son histoire.
On y découvre aussi le portrait plus où moins explicite de quatre personnages principaux et primordiaux pour Théo. Il y a tout d’abord celui de Gilles Lelouche, Jean, un éducateur social spécialisé dans l’accueil d’enfants au passé troublé, les accueillants chez lui, en guise de maison-tampon, avec sa propre famille. Quel beau défi réussi pour cet acteur à la carrure très virile de se glisser dans le rôle si tendre et bienveillant que celui de cet homme à l’attention des moindres demandes de Théo, tout en lui prônant une assistance permanente, sans pour autant jouer au père. D’ailleurs, la frontière semble ici dès le départ établie entre eux, ce qui prouve le savoir-faire de ces hommes et femmes afin de permettre à ces enfants laissés à l’abandon de ne pas se sentir (une nouvelle fois) abandonnés lors de l’adoption. Le personnage nous montre d’ailleurs que ce métier n’est pas des plus faciles, lui qui hésite d’ailleurs à poursuivre suite à ses doutes. Mais c’est l’urgence d’une telle situation qui est ici plus importante. Sandrine Kiberlain joue quant à elle une assistante sociale prenant en charge le dossier de Théo, et chargée de suivre continuellement son évolution. Amoureux secrètement de Jean, son personnage brille par la part qu’il fait des choses. Ainsi, jamais le personnel n’est mélangé au travail. Bien que cette amourette n’apporte rien au récit, elle montre que malgré notre vulnérabilité, c’est la manière dont nous allons rebondir qui compte. D’ailleurs, Alice, célibataire, et dans l’attente d’adoption depuis huit années, montre comment il est long et difficile de surmonter les épreuves, pour obtenir gain de cause. Incarnée avec subtilité et délicatesse par Elodie Bouchez, l’actrice apporte à cette femme une détermination et une force exemplaire dans son parcours jusqu’à l’adoption, malheureusement trop elliptique ici pour véritablement toucher. Enfin, il y a aussi Lydie (Olivia Côte), une assistante sociale et psychologique chargée de rencontrer les futurs parents de Théo lors d’innombrables entretiens, de peser le pour et le contre de chacun, et surtout de croire en ses capacités et son instinct pour le bien de son petit patient dans l’attente des meilleurs parents possibles suite à son profil.
Ensemble, ces personnages illustrent tout un mécanisme allant dans le même sens pour une adoption adéquate, ciblée autour du bien unique de l’enfant en question.
Aussi bien écrits que son précédent film, les dialogues nous montrent ici que la parole peut influencer les ressentis d’un bébé, et qu’il est capable de comprendre ce qui lui arrive. Dès lors, il dépend de l’atmosphère qui l’entoure, et du soin qu’on lui apporte. Et c’est ici toute là subtilité d’écriture qui nous montre combien il est important de respecter tout ce mécanisme de renforcement pré-adoption pour un nouveau-né.
"Pupille" laisse pourtant croire que toutes les demandes de ces parents arrivent à terme, alors que beaucoup d’entre eux abandonnent suite aux portes qui se ferment devant eux durant l’attente, tandis que si l’Etat autorise aujourd’hui une adoption par des célibataires et couples de même sexe, ce dernier confiera un enfant avant tout à un couple jeune et marié, plutôt qu’à une femme seule, d’une quarantaine d’années... Dès lors, il faut accepter au film une part fictive quelque peu édulcorée dans son dénouement, et ses trop nombreux sourires dévastateurs.