➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 05 décembre 2018
Signe(s) particulier(s) :
– Prix Cinevox, Prix de la critique et Prix du Public au Festival du Film Francophone de Namur 2018 ;
– alors que "Noces" de Stephen Streker (sorti début mars 2017 chez nous) s’inspirait d’un fait divers réel autour du mariage forcé dans la communauté pakistanaise, à savoir de l’affaire Sadia Sheikh, une jeune belgo-pakistanaise tuée par son frère en 2007 suite à son refus d’épouser l’homme que sa famille lui avait destinée, "Pour Vivre Heureux", lui, est une pure fiction.
Résumé : Amel et Mashir, deux jeunes bruxellois, s’aiment en secret. Ni leurs parents, ni leurs amis ne se doutent de leur relation et encore moins de leur projet de passer l’été ensemble à Londres. Le jour où la famille de Mashir décide de le marier à sa cousine Noor, qui est aussi l’amie d’Amel, c’est tout leur monde qui s’écroule. Comment pourront-ils sauver leur amour sans faire souffrir tous ceux qui les entourent ?
La critique de Julien
Présenté à Namur lors de son dernier Festival du Film Francophone, et reparti de là avec trois prix majeurs, "Pour Vivre Heureux" traite du mariage forcé dans la communauté pakistanaise, tout comme le faisait "Noces" de Stephen Streker, sorti l’année passée. Mais contrairement à ce dernier, cette première (co-)réalisation n’est pas inspirée d’un fait réel tragique. Malgré des similarités scénaristiques, "Pour Vivre Heureux" parle non pas uniquement de la quête de liberté au sein de cette communauté, mais bien du droit universel d’aimer quelqu’un et de se marier avec, peu importe la tradition culturelle, et l’honneur familial qui en découle.
On y découvre alors Amel, une jeune étudiante algérienne vivant avec son père, chauffeur de taxi. Tandis qu’elle n’a pas la tête à travailler pour l’école, la demoiselle ne vit pas une relation facile avec son père, lesquels ne dialoguent que très rarement. D’ailleurs, il menace de l’envoyer en pension. Amel file un amour totalement secret depuis un an et demi avec Mashir, un Pakistanais. Pas le choix pour eux de se cacher, étant donné que leur idylle pourrait ne jamais être acceptée par la famille du garçon, très traditionnelle. Sauf que le jour où les parents de Mashir décident de le marier à sa cousine Noor, qui est aussi l’amie d’Amel, c’est tout leur monde qui s’écroule...
"Pour Vivre Heureux" met l’accent sur les répercussions que provoque à bien des degrés cette situation sur ses différents intervenants. D’un côté, il y a Amel, qui tente de sauver son amour pour Mashir, alors que lui ne souhaite pas trahir sa famille, tandis que Noor, par choix cornélien entre épouser Mashir - qu’elle apprécie énormément - ou son cousin qu’elle n’a jamais vu (et vivant à Berlin), et son amitié pour son amie, ne sait quel choix prendre. D’autant plus qu’elle connaît les sentiments qui unissent Amel et Mashir... Aussi, le père de Noor, qui n’est autre que le frère de la mère de Mashir, attend de sa sœur qu’elle invite son fils à se marier avec sa fille, par loyauté familiale, eux qui ont déjà marier deux de leurs enfants. D’autres enjeux personnels (venus d’autres personnages) vivent encore plus densifier cette situation où la raison est bafouée par la tradition.
Dans les deux rôles principaux, il y a tout d’abord Sofia Lesaffre ("Seuls", "Le Ciel Attendra"), qui explose par sa spontanéité et son amour, certes immature, pour son compagnon, qui est en plus l’un de ses seuls points d’attache dans sa vie sentimentale, étant donné sa relation conflictuelle avec son père, et l’absence d’une mère. Et puis, il y a aussi Zeerak Christopher, qui lui incarne parfaitement cet être disputé entre sa famille et sa compagne, même s’il ne désire nullement stopper sa relation, mais bien attendre le bon moment pour annoncer la terrible nouvelle à sa famille, sauf que celle-ci aura pris les devants sur lui, et décidé d’autre chose le concernant... Complice et déchiré par leurs proches, ce duo de personnages ordinaires touche, comme le reste du casting.
"Pour Vivre Heureux" interpelle et questionne donc sur la crédibilité du poids de l’héritage culturel et familial, dans un monde qui change, alors en pleine mutation sociale et politique, et encore plus vis-à-vis d’un amour non-arrangé, mais juste naturel, et authentique.