➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 19 septembre 2018
Signe(s) particulier(s) :
– inspiré du livre autobiographique (2014) de Ron Stallworth, qui raconte l’histoire vraie du premier policier et inspecteur afro-américain au sein de la police de Colorado Springs, qui a surtout réussi à infiltrer le Ku Klux Klan en 1979 (avec l’aide d’un collègue) ;
– Grand Prix du Festival de Cannes 2018 ;
– troisième fois dans un film qu’un homme infiltre le groupe d’extrême droite du Ku Klux Klan après "The Black Klansman" (I Cross the Color Line" (1966) de Ted V. Mikels et "Undercover with the KKK" (1979, téléfilm de la NBC) de Barry Shear.
Résumé : Au début des années 70, au plus fort de la lutte pour les droits civiques, plusieurs émeutes raciales éclatent dans les grandes villes des États-Unis. Ron Stallworth devient le premier officier Noir américain du Colorado Springs Police Department, mais son arrivée est accueillie avec scepticisme, voire avec une franche hostilité, par les agents les moins gradés du commissariat. Prenant son courage à deux mains, Stallworth va tenter de faire bouger les lignes et, peut-être, de laisser une trace dans l’histoire. Il se fixe alors une mission des plus périlleuses : infiltrer le Ku Klux Klan pour en dénoncer les exactions.
En se faisant passer pour un extrémiste, Stallworth contacte le groupuscule : il ne tarde pas à se voir convier d’en intégrer la garde rapprochée. Il entretient même un rapport privilégié avec le "Grand Wizard" du Klan, David Duke, enchanté par l’engagement de Ron en faveur d’une Amérique blanche. Tandis que l’enquête progresse et devient de plus en plus complexe, Flip Zimmerman, collègue de Stallworth, se fait passer pour Ron lors des rendez-vous avec les membres du groupe suprémaciste et apprend ainsi qu’une opération meurtrière se prépare. Ensemble, Stallworth et Zimmerman font équipe pour neutraliser le Klan dont le véritable objectif est d’aseptiser son discours ultra-violent pour séduire ainsi le plus grand nombre.
La critique
Fervent défenseur de la communauté afro-américaine, Spike Lee est réputé pour son franc parlé, qui ne lui a d’ailleurs pas valu que des amis, mais bien d’innombrables polémiques. Réalisateur controversé, il n’a notamment pas mâché ses mots lors de la conférence de presse de son film en mai dernier au Festival de Cannes, en s’en prenant indirectement au président américain, étant donné qu’il a pris soin de ne pas prononcer son nom. Souvent agressifs, voire provocateurs, ses discours n’ont aucune limite, lui qui n’hésite pas non plus à accuser des cinéastes, tels que Clint Eastwood ou Quentin Tarantino, remettant en doute leur légitimité, et l’usage autant physique que verbal de sa communauté dans leurs œuvres.
Aujourd’hui, ce n’est pas pour une de ses nouvelles prises de parole que le réalisateur fait la une de l’actualité, mais bien pour la sortie de son dernier film intitulé "BlacKkKlansman", dans lequel il raconte l’histoire vraie d’un policier afro-américain ayant infiltré le Ku Klux Klan en 1979 avec l’aide de l’un de ses collègues. S’il peut ainsi se heurter violemment contre le racisme et l’antisémitisme, Spike Lee est avant tout un réalisateur de grande renommée, comme il nous le (re)prouve ici avec cette adaptation libre de l’autobiographie de Ron Stallworth, au travers de laquelle le réalisateur en profiter pour sonner le glas, images à l’appui...
Davantage tourné vers la fiction, en incluant notamment une histoire d’amour entre le policier noir infiltré et une étudiante activiste qui n’existait pas dans la réalité, ce pamphlet est raconté par le prisme de la comédie dramatique et politique, en l’occurrence très satirique et cynique. En effet, "BlacKkKlansman" met énormément en avant l’originalité de son intrigue, soit une infiltration incroyable, et forcément déguisée. En effet, Flip Zimmerman, le collègue de Stallworth, s’est fait passer pour celui-ci lors de ses rendez-vous avec le clan, tandis que Ron restait derrière le téléphone. Ensemble, ils ont notamment dû ainsi faire coïncider leur voix afin de ne pas être repérés... S’il en joue beaucoup, et livre de nombreuses scènes hilarantes, le film met tout de même du temps à proposer quelque chose de conséquent en termes d’événements passés. Bien que, finalement, "BlacKkKlansman" n’est pas là pour nous en apprendre sur le groupe d’extrême droite suprémaciste qu’était le Ku Klux Klan, mais davantage sur ce coup de théâtre irréaliste, et pourtant vrai. Voilà qui risque peut-être d’en décevoir plus d’un... Quoi que, Spike Lee ne raconte jamais rien dans le vide, et en profite ici pour remettre les pendules à l’heure.
Si le ton en surface est globalement léger, avec un second degré appuyé face au caractère totalement ahurissant et honteux des propos racistes des membres du "KKK", l’envers du décor l’est beaucoup moi. Car Spike Lee sait s’y prendre pour marquer le coup, et finit par nous rappeler, via des images de la manifestation d’extrême droite "Unite the Right" à Charlottesville (août 2017), qu’il reste encore énormément de chemin à parcourir contre la ségrégation raciale. Pire, encore, il semble que l’Amérique (et le reste du monde), semble marcher à reculons... À vrai dire, la violence de ces dernières images suffit à elle seule à contrecarrer l’aspect enlevé du film. On appelle ça un coup de génie, même si l’on aurait préféré qu’elles n’aient jamais eu à exister...
Aidé par un casting de choc (John David Washington et Adam Driver en tête) et des dialogues à la fois très drôles et féroces, Spike Lee réussit une farce jubilatoire teintée d’irrévérence, indissociable de son combat de militant pas toujours fin, mais acharné. Si "BlacKkKlansman" divertit, malgré quelques longueurs, il n’explose véritablement que dans ses derniers instants, en ayant bien dissipé une douche froide à son tour déguisée.
Diaporama : film, tournage, etc.
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