➡ Vu au cinéma Acinapolis Jambes - Sortie du film le 15 août 2018
Signe(s) particulier(s) :
– second film après "Notre Jour Viendra" (2010) de Romain Gavras (le fils du cinéaste Costa-Gavras), lui qui s’illustre principalement dans la réalisation de clips musicaux et de publicités ;
– présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2018.
Résumé : François, petit dealer, a un rêve : devenir le distributeur officiel de Mr Freeze au Maghreb. Cette vie, qu’il convoite tant, vole en éclat quand il apprend que Dany, sa mère, a dépensé toutes ses économies. Poutine, le caïd lunatique de la cité propose à François un plan en Espagne pour se refaire. Mais quand tout son entourage s’en mêle, dont Lamya son amour de jeunesse, Henri un ancien beau-père à la ramasse tout juste sorti de prison, les deux jeunes Mohamed complotistes ainsi que sa mère chef d’un gang de femmes pickpockets, rien ne va se passer comme prévu !
La critique
On a beau se plaindre du niveau de la comédie française, mais voilà que débarque cette semaine-ci dans nos salles un de ses dignes représentants, plutôt généreux, et déjanté. Dans "Le Monde Est à Toi", il est question de François, un petit malfrat tout juste sorti de prison, qui cherche alors à se racheter une bonne conduite, en devenant le distributeur officiel du géant Mister Freeze au Maghreb, et cela afin de vivre une petite vie bien tranquille et rangée, dans un pavillon avec piscine, loin du monde dans lequel il a grandit. Sauf que sa mère, une chef de gang de pickpockets professionnelles, a brûlé toute ses économies... Alors qu’elle refuse de lui donner l’argent nécessaire à la réalisation de son projet, François acceptera un plan en Espagne au nom du caïd de la cité. Entouré d’une palette de personnalités explosives, François ne se doute pas une seule seconde de la tournure que vont prendre les événements...
Romain Gavras nous livre ici un film de gangsters pas comme les autres, où il est plutôt question de petites frappes entourées de femmes fortes. Certes il y a François (Karim Leklou), un doux rêveur très peu fute-fute, mais aussi son ex-beau-père Henry (Vincent Cassel), complètement à la ramasse, obnubilé par la théorie du complot, et à la diction gênante, lui qui vient aussi de sortir de prison. Sans oublier les deux jeunes Mohamed (Mounir Amamra et Mahamadou), portés un peu trop sur la gâchette, et que François doit se coltiner en Espagne selon les volontés de Poutine (Sofian Khammes), le dealer du quartier bien plus ringard qu’autre chose, et pour qui il a accepté la mission. Et puis, il y a surtout Danny (Isabelle Adjani), la mère dealeuse indigne de François, pimpée de la tête au pied, et n’ayant pas que de bons effets sur son fils depuis sa tendre enfance, ainsi que Lamya (Oulaya Amamra), son amour de jeunesse, pointant le bout de son nez, et en qui on ne peut pas avoir confiance...
Malgré la description, il s’agit là d’un beau monde, car ces personnages ne cherchent finalement pas à provoquer le mal, mais plutôt se sortir de la misère qui les guettent. Mais la manière, elle, est plutôt maladroite, et absurde. Grâce à cette panoplie d’individus tous aussi délurés les uns que les autres, et parfaitement incarnés par un irrésistible casting à contre-emploi, Romain Gavras parvient à nous entraîner dans un monde très crédible de petits délinquants grotesques, mais très humains dans leurs réflexions et sentiments.
"Le Monde Est à Toi" assume amplement ses stéréotypes inhérents au genre, pour alors mieux servir le cinéma de son réalisateur, baigné de générosité et d’humour décalé, mais sans se moquer. Mis en scène avec une belle énergie, le film décolle au fur et à mesure des péripéties vécues par François (et compagnie), pour alors aboutir en une dernière partie ahurissante, et particulièrement entraînante. Au regard de sa bande-originale, allant de Michel Sardou à Booba, en passant par Daniel Balavoine et Kaaris, le film se vit comme un trip pop et coloré, situé quelque part entre le film de voyous, et de rédemption.
Bien que le film ne manque pas de saveurs, il manque certainement d’innovations scénaristiques dans le genre, tout comme parfois d’un brin de clarté, notamment vis-à-vis de tous les personnages qui y interviennent par leurs rôles, et intentions. Mais qu’importe, ne soyons pas trop gourmands, et profitons aisément du spectacle offert, lui qui sort ici des sentiers battus de la comédie hexagonale, alors bien jouée, dosée, et enlevée. Bref, vous vous amuserez !