Synopsis : Deux hommes de familles joignent leurs efforts dans une croisade destructrice pour sauver leurs familles après s’être convaincus qu’un conglomérat de multipropriété américain a un plan sinistre pour enlever leurs proches (source cinéma Galeries).
Acteurs : RJ Mitte, Luis Gerardo Méndez, Miguel Rodarte, Cassandra Ciangherotti, Andrés Almeida, Montserrat Marañón, Pablo Guisa Koestinger.
Une occasion unique était donnée par le cinéma Galeries à Bruxelles de voir le dernier film de Sebastián Hofmann, qu’il a écrit avec Julio Chavezmontes qui était déjà son complice d’écriture pour Halley (2012). Il s’agissait, à notre connaissance de la seule occasion de voir en Belgique ce film qui a obtenu cette année le prix spécial du jury au festival de Sundance. Cineuropa le présentait comme un mixte de The Shining et The Lobster.
Une première précision, le synopsis ci-dessus n’est pas vraiment le reflet du film et il embrouille plus le spectateur potentiel qu’il ne l’aide à découvrir ce film, présenté comme un film d’horreur, ce qu’il n’est pas à notre estime (en tout cas selon les codes classiques du genre). Le sujet du film est tout simple : un couple (Pedro et Eva, interprétés par Luis Gerardo Mendez et Cassandra Ciangherotti) se rend en vacances dans un centre balnéaire avec leur jeune fille. Tout dérape lorsque peu de temps après leur installation, un autre couple, Abel ( Andrés Almeida), son épouse et leurs enfants, se présente pour occuper le logement. Il y a eu double réservation ou surbooking. Malheureusement plus rien n’est libre et l’on propose un arrangement qui conviendra à Abel, mais pas du tout à Pedro : que les deux familles s’arrangent pour occuper le même logement (et avec quelques goodies pour faire dorer la pilule !). Abel, plutôt bon enfant et intellectuellement en dessous de Pedro, accepte volontiers. Ce n’est pas le cas de Pedro alors que sa femme et sa fille s’accommodent de la situation. Cela avait tout pour donner une comédie de boulevard, mais il n’en est rien. C’est que tout parait à la fois trop beau et trop à côté de la plaque pour ne pas voir une horreur psychologique sourdre de certains plans et situations du film.
En réalité, le début du film, énigmatique, montrait déjà deux scènes qui induisaient déjà un certain dérapage ou décalage. Ainsi Pedro de dos, avec quelque chose autour du cou (que l’on découvrira plus tard) et son épouse dans un curieux dialogue. Bien plus, il a quelque chose au pied, et ce la n’est pas expliqué, pas plus d’ailleurs qu’un autre "pétage de plomb", celui d’Andres (Miguel Rodarte), quelques années plus tôt, lors d’une course de sac, pères et fils.
Outre les deux couples qui partagent le logement, il est un autre couple qui travaille pour la société qui en est la propriétaire et qui vend des logements partagés. Il s’agit d’Andres (cf. ci-devant) et de son épouse Gloria (Montserrat Maranon). Leurs parcours sont opposés. Elle monte dans la hiérarchie comme vendeuse, sous la supervision d’un coach gourou (R.J. Mitte que l’on avait vu dans Breaking Bad) qui promeut la vente à coup d’émotion et de mensonges à gérer par les vendeurs. Alors que Gloria monte, Andres descend dans les soubassements de la blanchisserie de la station balnéaire.
Le film nous montre les interactions entre ces trois couples, mais aussi entre mari et femme dans chacun de ceux-ci. C’est que l’univers devient kafkaïen en tournant à la paranoïa (du moins chez Pedro !). C’est là que le film nous a fait très rapidement penser aux univers proposés par Yórgos Lánthimos (The Lobster, certes, mais pas que), mais aussi à Ruben Östlund (Snow Therapy), voire même Richard Ayoade (The Double).
S’agit-il vraiment d’une erreur de réservation ou d’une arnaque ? Ou encore, d’un complot bien plus vaste, visant à embrigader des familles et à les détruire ? A moins que tout se joue dans la tête de Pedro (et nous ne le saurons pas vraiment, tout comme, dans un autre genre, celui de la comédie, avec Le ciel étoilé au-dessus de ma tête, de Ilan Klipper, déjà sorti en mai dernier en France et bientôt en Belgique) ? Il faut ajouter les hallucinations (ou pas) avec la présence de flamants roses, les déambulations absurdes dans certains couloirs...
Les interprétations restent largement ouvertes et le film ne se conclut pas par une réponse dans un sens ou l’autre, si ce n’est avec un dernier plan d’une publicité - avec des sourires et visages totalement déformés - pour la société de temps partagé qui laisse entendre qu’un cycle va recommencer.
Tiempo Compartido est une critique acerbe de nos sociétés de consommation, du consumérisme lui-même, des centres de vacances, de l’image de l’homme (nous renvoyons de nouveau à Snow Therapy) et du couple. Un réalisateur mexicain à suivre donc.