Synopsis : Masato, jeune chef de Ramen au Japon, a toujours rêvé de partir à Singapour pour retrouver le goût des plats que lui cuisinait sa mère quand il était enfant. Alors qu’il entreprend le voyage culinaire d’une vie, il découvre des secrets familiaux profondément enfouis. Trouvera-t-il la recette pour réconcilier les souvenirs du passé ?
Acteurs : Takumi Saitoh, Tsuyoshi Ihara, Seiko Matsuda, Mark Lee, Jeannette Aw
En 2014, Michael Winterbottom nous offrait une balade culinaire en Italie, dans un film The Trip to Italy. Un film mineur du réalisateur britannique, mais où la nourriture et la façon de la cuisine étaient à l’honneur, mais aussi occasion de joutes verbales (et de cabotinage ?) entre Steve Coogan et Rob Brydon. En ce sens, Ramen Teh (Ramen Shop / La saveur des ramen) est également une balade culinaire, mais elle est bien plus que cela.
Il s’agit d’un film réalisé par Eric Khoo, dont les saveurs restent longtemps à l’esprit après la vision de ce film. Celui-ci se situe au confluent de deux cultures, japonaise et singapourienne, mais nous ne nous en rendrons pas compte de suite. C’est qu’il s’agit de cuisine, certainement, mais par le biais d’une quête culinaire, une occasion sera donnée de découvrir une histoire où l’intime est marqué par l’Histoire, la grande, qui lie les deux pays.
Avant même l’intrigue du film, ce qui surprend et constitue l’essence même de Ramen Shop, c’est la nourriture et la confection de plats, de spécialités nationales, dont certaines sont ce que l’on appelle des « plats du pauvre » parce qu’ils ont mijoté très longtemps. La caméra s’attarde sur les ingrédients, leur préparation, la cuisson, se focalisant parfois au plus près de la viande, du poisson, des légumes ou des épices, pour nous en mettre plein la vue et, faute d’odorama, l’on pourra cependant se surprendre à en imaginer l’odeur. Ceux qui cuisinent et, notamment la plupart des acteurs principaux, virevoltent avec les aliments et le font avec toute beauté (la cuisine était déjà un peu de la partie dans son Be Whith Me en 2005). Non pas les démonstrations de pizzaïolo qui sont parfois de l’ordre de l’esbroufe, mais ici, tout en finesse, comme une chorégraphie ! Et cela est filmé avec un souci des détails, de la couleur, à tel point que l’on perçoit presque le relief des aliments.
S’agissant de relief, le film prend alors une autre dimension (sans abandonner la première), à savoir la quête de souvenirs. Le personnage principal, Masoto (Takumi Saitoh), travaille dans un restaurant qui s’avère être celui de son père. La spécialité : des ramens [1]. Mais lui veut plus. Découvrir d’autres recettes, prendre distance du paternel. Celui-ci d’ailleurs est plutôt renfermé, distant, disert et ne manifeste pas ses sentiments. Il y a là un passé que l’on nous évoque sous forme de flashbacks. La technique sera utilisée à de nombreuses reprises durant le film et amènera à l’écran les souvenirs de plusieurs protagonistes, dont sa mère décédée, mais aussi son oncle.
Lorsque le père de Masoto meurt, il découvre un carnet, sorte de journal réalisé par sa mère. Mais celui-ci est rédigé en mandarin qu’il ne lit pas. Désormais orphelin, c’est à ce moment que sa quête familiale va se lancer. Ses parents se sont rencontrés à Singapour. Il voudra s’y rendre. Il a le souvenir de son oncle qui préparait un bouillon délicieux. La rencontre fortuite d’une blogueuse singapourienne et qui lit le mandarin va l’aider dans sa recherche. Celle-ci lui permettra de rencontrer son oncle, la famille de celui-ci et, ensuite sa grand-mère. Celle-ci ne veut pas le voir et est même hostile. Pourquoi ?
C’est alors là que le film prend une tout autre dimension que nous vous laissons découvrir à l’écran. Grâce à une exposition, Masoto prendra conscience qu’il y a un douloureux passé qui s’enracine dans l’Histoire de leurs pays. C’est tout en finesse qu’il lui faudra avancer pour trouver ou pas une issue à quelque chose qui le dépasse et être le possible instrument d’une éventuelle réconciliation dont lui seul aurait la recette.
Pour certains critiques Ramen Shop leur fait penser à Kore-Eda (et un peu à Naomi Kawase) alors que nous avons songé très souvent à Wong Kar-Wai. Le rapport à la cuisine, la nourriture, toute la symbolique culinaire nous ramenaient à In the Mood For Love (et y compris la musique... importante ici aussi) et à Happy Together pour ce qui a trait à la nostalgie, au besoin de repartir à zéro, de faire mémoire du passé aussi.
Enfin, si le jeu des acteurs, premiers comme seconds rôles, est remarquable, nous relevons surtout celui de Takumi Saitoh qui joue le personnage de Masoto. L’acteur japonais de 37 ans (qui en parait beaucoup moins), connu dans son pays notamment pour sa participation à de nombreuses séries, apporte son charme, sa séduction, sa beauté pour donner corps à cet homme qui veut découvrir ses origines. Son interprétation est magistrale et suscite l’empathie du spectateur.
Bande annonce :