Synopsis : Le temps d’un dîner, des couples d’amis décident de jouer à un “jeu” : chacun doit poser son téléphone portable au milieu de la table et chaque SMS, appel téléphonique, mail, message Facebook, etc. devra être partagé avec les autres. Il ne faudra pas attendre bien longtemps avant que la tension ne monte…
Acteurs : Bérénice Bejo, Suzanne Clément, Stéphane De Groodt, Vincent Elbaz, Grégory Gadebois, Doria Tillier, Roschdy Zem.
L’histoire est datée ! Au sens où l’on sait dès le départ le jour ou plutôt la nuit où elle se déroule, à savoir le vendredi 27 juillet 2018, en soirée. C’est la veille d’un WE, l’on a le temps devant soi, le temps d’éclipser le quotidien pour faire place à l’amitié. Le temps d’une éclipse aussi puisque cette nuit-là, c’est celle de l’éclipse totale de la lune. Un événement assez rare, d’autant que celle-ci fut la plus longue depuis cent ans, plus de cent minutes. Le film se déroule donc ce soir-là et la télévision laisse entendre que les éclipses totales de la Lune sont si singulières qu’elles ont un effet sur les gens.
A lire le synopsis qui indique qu’Il ne faudra pas attendre bien longtemps avant que la tension ne monte…, l’on peut partir avec un a priori classique face aux sempiternelles comédies françaises. Et force est de reconnaître que nous sommes loin de la daube attendue ou crainte. Bien mieux, Le jeu tranche largement avec la production habituelle et il le doit beaucoup au... jeu des acteurs ! Chacun dans son genre, si l’on peut dire, excelle à habiter son personnage pour le meilleur et pour le pire. C’est que la transparence totale est bien plus que ce que l’on montre sur les réseaux sociaux. Si ceux-ci sont le lieu d’expression de l’extime, ils ne sont pas ceux de l’intime ou, du moins d’un intime contrôlé (sauf trouble de la personnalité). Entre ce que l’on dit, ce que l’on montre et ce que l’on est, réellement, il y a une marge. Le smartphone fait un peu ici office de journal intime et de mémoire.
Le jeu ici proposé peut donc s’avérer cruel même si par certains côtés, la situation aurait pu faire l’objet d’un pièce de théâtre de boulevard. Chacun n’a rien à cacher, quoique ! Les réticences sont là au départ, mais les phénomènes de groupe jouent également et obligent à jouer la transparence... A l’arrivée nous nous trouvons avec un film qui mélangerait les univers de Le Prénom (2012, Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, adapté de leur pièce du même nom). et Carnage (2011, Roman Polanski, tiré lui aussi d’une pièce de théâtre, Le dieu du carnage). Le jeu n’est pas tiré d’une pièce de théâtre, mais est un remake d’un film italien Perfetti sconosciuti ( Paolo Genovese, 2016). Le fil conducteur de ce film était
"Chacun de nous a trois vies : une publique, une privée et une secrète".
Et c’est bien de cette vie secrète dont il sera question ici aussi.
Des choses banales aux choses tues, voire de téléphones échangés, trois couples (et un divorcé dont on ne verra jamais la personne qui partage sa vie) vont découvrir des faces cachées, secrètes de leur conjoint, mais aussi de leurs amis. Cela semble au départ pour le meilleur et le rire, mais ce sera en fait, pour le meilleur et pour le pire.
Les secrets, cela ne se partage pas, ne s’échange pas (surtout pas... car qui sait, le secret de l’autre est peut-être plus problématique que le mien) et lorsque la boîte de Pandore est ouverte, tout peut arriver. Et, dans ce film, il y aura même des moments bouleversants de tendresse lorsqu’une fille interroge son père alors qu’elle est au bord d’avoir ou pas sa première relation sexuelle avec son petit ami. Le spectateur rira (et les protagonistes riront... jaune) aux mésaventures des uns et des autres. Il se prendra peut-être, en sortie de salle, à supprimer certains messages ou applications de son téléphone... Non qu’il y aurait des secrets pour les proches et les amis ou le conjoint ? Non, peut-être ?
Après un tel déchainement de tension, après avoir mis tant de secrets sur le devant de la scène, comment chacun pourra-t-il rentrer chez soi ? Peut-on être indemne de telles révélations ? Peut-on faire comme si de rien n’était ? Retrouver le monde réel ? Reprendre pied dans la "vraie vie", comme si de rien n’était, comme si, finalement, ce jeu n’était qu’une parenthèse ? Le réalisateur nous propose une porte de sortie. C’est la même que celle du film original Perfetti sconosciuti. Elle est probablement élégante, même si elle nous est apparue comme une pirouette (ou un twist) finale. Nous aurions aimé que Paolo Genovese en 2016 ou Fred Cavayé, aujourd’hui, ... jouent le jeu... jusqu’au bout.
Bande annonce :